Une manifestation anti-masque, le 29 août à Berlin, a vu les manifestants occuper les marches du Reichstag, le parlement fédéral allemand, et brandir des drapeaux du deuxième Reich. © gettyimages

La relation d’amour-haine entre l’extrême droite et les « anti-masque »

Stagiaire Le Vif

Les mesures sanitaires pour lutter contre le coronavirus comptent de nombreux opposants. Remontés, ils créent des groupes d’échange sur les réseaux sociaux, et manifestent en rue. L’extrême droite est présente dans ces manifestations, mais elle ne représente pas l’ensemble des personnes.

Sur Facebook, des groupes réunissant des personnes anti-masque fleurissent. Un tel groupe, « stop à la masque’arade », compte trente mille membres, et des milliers de posts sont partagés quotidiennement. Le discours anti-vaccin et conspirationniste y est dominant, et souvent relayé par des vidéos où un « expert » explique soit l’inutilité d’un vaccin et des mesures sanitaires, soit comment un tel vaccin servirait à contrôler les humains par le biais d’une micropuce. Cette logique veut que les médias et les enseignants collaborateurs de la supercherie du virus qui n’existe pas. Un espace comme un entre-soi où ces opinions sont validées et exacerbées.

Au-delà de ces groupes, des personnes se réunissent en rue pour manifester leur opposition aux mesures sanitaires. En Allemagne et en France, ces manifestations se sont multipliées, ces dernières semaines. En Belgique, le mouvement de protestation a réuni 200 personnes le 16 août à Bruxelles, et 400 le 6 septembre. Aux Etats-Unis, elles ont eu lieu dès le début des mesures de confinement. Dans ces manifestations, l’extrême droite est présente.

Un terreau de recrutement

« Ces mouvances sont très anti-autorité, anti-système », explique Manuel Abramowicz, de l’asbl Résistances, observatoire de l’extrême droite en Belgique. « Exactement comme l’extrême droite. Des individus ou des organisations radicales vont intégrer ces manifestations, avec pour objectif de recruter des militants. » Dans le mouvement des gilets jaunes, des groupes français d’extrême droite avaient aussi tenté de recruter ; ce qui fut un échec, note Manuel Abramowicz.

« La crise du Covid est un sujet d’autant plus clivant », nuance Manuel Abramowicz. Il explique que les personnages officiels ne se prononcent pas contre les mesures sanitaires. Certains ont même été infectés du coronavirus, et rejettent les théories complotistes. Le Vlaams Belang a par exemple distribué des masques à l’effigie du Lion des Flandres, ou le groupe Valeurs Nationales à Liège a distribué des masques et des vivres aux sans-abris. « Lors de la manifestation d’extrême droite du 30 août à Ostende, les personnes portaient des masques et gardaient la distance sociale. Du moins de ce qu’on peut voir dans les vidéos », ajoute Manuel Abramowicz.

« C’est à double tranchant pour l’extrême droite. Tout dépend de l’opinion publique. » En Allemagne par exemple, la première manifestation a rassemblé 20.000 personnes. La dernière, le 29 août, a rassemblé plus de 30.000 personnes. « Et le nombre de personnes qui se rendent à une manifestation n’est qu’une petite partie de tous ceux qui pensent comme elles », commente Manuel Abramowicz.

Dans la foule, des symboles nationalistes, comme des drapeaux du deuxième Reich ont été hissés. Des néonazis, issus de l’aile radicale de l’AFD (parti d’extrême droite allemand) étaient aussi présents. Les officiels de l’AFD ont cependant évité toute assimilation à ce mouvement. Avant d’être dispersés, les manifestants avaient tenté de pénétrer dans le Reichstag, le parlement allemand – scène chargée d’histoire qui ne va pas sans rappeler la prise de pouvoir des nazis en 1933.

Aux Etats-Unis, continue Manuel Abramowicz, l’extrême droite est même initiatrice de mouvements anti-masque. Le président américain a aussi toujours été un fervent opposant aux mesures sanitaires, comme les confinements, les masques et les gestes barrière. Tout comme son homologue brésilien, ouvertement d’extrême droite et nostalgique de la dictature militaire. Ils sont les présidents des deux pays qui comptent le plus d’infections au Covid-19.

L’antisémitisme latent

Sur ces groupes Facebook, des messages qui qualifient la crise du coronavirus comme une supercherie créée par les Juifs, qui domineraient le monde, les médias et les finances, reviennent. Unia, institution publique indépendante qui lutte contre la discrimination et défend l’égalité des chances en Belgique, n’a cependant pas encore reçu de plainte à ce sujet. « Même si j’ai moi-même vu ce genre de discours circuler », constate Patrick Charlier, président d’Unia.

Il explique que l’antisémitisme est latent dans la société, et en temps de crise, il trouve des occasions pour s’alimenter, pour se traduire en théorie du complot. Comme après les attentats du 22 mars 2016. De manière compulsive, des personnes vont attribuer la responsabilité aux Juifs.

L’anti-masque modéré

Les mouvances anti-masque ont organisé de nombreuses manifestations à travers l’Europe ces dernières semaines. A côté des personnes qui font fi de l’obligation du port du masque, des esprits modérés s’y soumettent, en portant leur masque comme étendard de leur mécontentement.

« Contrainte et forcée », en indélébile sur le masque chirurgical. « Rade », pour une touche d’humour : la masqu’à rade. Des X, des pictogrammes de panneaux d’interdiction, collés ou dessinés… Sur les groupes Facebook anti-masque, de nombreuses personnes montrent comment elles ont personnalisé leur masque pour montrer leur opposition à son port.

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