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La reconnaissance du foetus et de l’enfant sans vie adoptée par la Chambre

La Chambre a adopté jeudi le projet de loi qui permet la reconnaissance du foetus à partir de 140 jours (20 semaines). Le texte vise à permettre de rencontrer le besoin de femmes et de familles souhaitant réaliser plus amplement leur deuil après une grossesse non aboutie.

Il est dénoncé par ceux qui y voient une menace pour le droit à l’avortement et le droit des femmes à disposer de leur corps. La N-VA, le CD&V, le MR, l’Open Vld, 4 députés écologistes, le cdH, Vuye et Wouters et le PP ont voté pour le projet. Le PS, le PTB et DéFI ont voté contre ainsi que 4 autres députés écologistes.

Il y a également eu 3 abstentions chez les écologistes. Jusqu’ici, la reconnaissance de l’enfant sans vie s’exprimait à partir de 180 jours (6 mois) après la fécondation, moyennant un acte, obligatoire, de déclaration d’enfant sans vie, pouvant mentionner, à la demande des intéressés, le prénom de l’enfant. Il était ensuite inscrit au registre communal des décès.

Dorénavant, avec la nouvelle loi, un acte d’enfant sans vie pourra être établi, avec l’inscription du prénom, à la demande de la mère, du père ou de la coparente mariés ou auteurs d’une reconnaissance prénatale, à partir de 140 jours (20 semaines). Les pères et coparentes non mariés, et qui n’ont pas reconnu la conception, pourront également demander l’établissement d’un tel acte, cette fois avec le consentement de la mère. La reconnaissance se veut symbolique. Il n’est pas question de filiation. La reconnaissance ne crée pas de personnalité juridique mais une inscription dans un acte de l’état civil.

Autre évolution, au-delà de 180 jours, le nom de famille pourra figurer en plus du prénom dans l’acte obligatoire. Il n’existera plus de registre pour les actes de naissance ou de décès mais une banque d’actes de l’état civil. Une période transitoire d’un an permettra à celles et ceux qui ont vécu le drame d’une grossesse non aboutie dans un temps passé, de bénéficier de la nouvelle loi. Alors que le cdH est demandeur d’une loi depuis longtemps, la cheffe de groupe Catherine Fonck s’est réjouie que la nouvelle « faculté permettra à celles et ceux qui le souhaitent de vivre leur deuil dans le privé, et à d’autres de garder une trace, d’obtenir une reconnaissance de l’Etat ». C’est un « bon compromis », a renchéri Sonja Becq (CD&V) dont le parti souhaitait mettre le terme de reconnaissance en-dessous de 140 jours.

« Mieux accompagner les parents endeuillés »

« Nous avons été attentifs au souhait des personnes et à ce qu’il n’y ait pas de conséquences indésirables », a dit Carina Van Cauter (Open Vld), également désireuse d’une telle évolution depuis longtemps. « La liberté de choix est essentielle », a commenté Karin Jirflee (sp.a). « C’est un pas dans la bonne direction », a estimé Goedele Uyttersprot (N-VA), demandeuse d’une reconnaissance dès le premier jour de grossesse. Mais pour le PS, DéFi, le PTB et quelques députés écologistes, s’il y a lieu de rencontrer le besoin des femmes en deuil, il ne pouvait être question d’un projet de loi qui va à l’encontre du droit des femmes. Un climat risque d’être créé, faisant de la reconnaissance du foetus une norme implicite, craignent-ils. Ils regrettent que dans certains cas, la reconnaissance de l’enfant sans vie pourra être opposée à une femme qui ne souhaite pas garder une trace matérielle de cette grossesse non aboutie. Enfin, ils craignent également la volonté de toucher au droit à l’interruption volontaire de grossesse. « Il s’agit d’une codification de la douleur » qui risque d’être contre-pruductive, a résumé Laurette Onkelinx, dénonçant l’émergence d’un contexte dont la reconnaissance du foetus est le troisième acte après la reconnaissance paternelle prénatale pour les couples non mariés, et la confirmation de la pénalisation de l’interruption volontaire de grossesse.

« Il faut mieux accompagner les parents endeuillés mais nous ne sommes pas dupes du lien entre le statut du foetus et le débat sur l’IVG, qui reste pénalisée », a ajouté Véronique Caprasse (DéFI). Les écologistes sont partagés sur la question. Ils ont voté en âme et conscience. Soulignant également l’importance d’une reconnaissance pour le père, Stefaan Van Hecke (Groen) a évoqué un « texte très équilibré quand on connaît les différentes sensibilités ». Pour sa collègue Sarah Schlitz (Ecolo), « soutenir le deuil est fort louable mais pas le soutenir tel que présenté dans le projet de loi qui va à l’encontre du droit des femmes en permettant notamment une reconnaissance sans l’accord de la mère ». Les députés de Flandre ont dit ne pas comprendre l’émotion véhiculée par ceux qui craignent une remise en cause de l’IVG. Mme Becq a évoqué l’exemple des Pays-Bas qui disposent de la loi sur l’IVG la plus libérale au monde tout en autorisant la reconnaissance du foetus dès le premier jour.

Les députés réformateurs ne se sont pas exprimés. Le ministre de la Justice Koen Geens s’est félicité de la fin optimale des travaux à l’issue d’un long cheminement. La ministre des Affaires sociales et de la Santé Maggie De Block libère chaque année 22,5 millions d’euros par an pour la prise en charge psychologique de première ligne de problèmes psychiques généraux liés à la dépression, l’angoisse ou l’alcool qui pourra intégrer le processus de deuil, pour un traitement de courte durée à un stade précoce. Il reviendra au médecin et surtout au psychologue clinicien d’en estimer l’opportunité.

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