Carte blanche

La rage de l’AFSCA

Non, ce n’est pas dans la rubrique des chiens écrasés que l’histoire du chat Lee devait figurer. En 2020, alors que de plus en plus de consciences s’éveillent, ce genre d’affaire est loin d’être anodine et devient une affaire politique.

Rappel des faits. Début avril, une jeune étudiante anversoise Selena Ali, est contactée par le Ministère des Affaires étrangères concernant le dernier vol de rapatriement du Pérou, où elle effectue un stage. La jeune fille ne voyage pas seule. Depuis quelques semaines, elle a adopté un félin nommé Lee. Lee s’est déjà fait vacciner contre la rage, et a un carnet et passeport en ordre pour le grand voyage. Par ailleurs, Selena reçoit l’autorisation de l’Ambassade belge au Pérou d’embarquer son doux chat gris Lee.

Au Pérou, elle passe tous les contrôles et embarque dans un appareil de la compagnie Air Belgium.

À l’arrivée en Belgique, le 6 avril en pleine période de confinement, il n’y a étrangement pas de douane pour contrôler les passagers et leurs bagages.

Selena est candidate Miss Belgique 2020, et donne régulièrement des interviews dans la presse flamande. L’AFSCA tombe sur un article où elle raconte son périple et toute la tendresse qu’elle éprouve pour son doux chat gris Lee ramené du Pérou.

Très vite l’AFSCA décide d’ordonner l’euthanasie sur le chat pour soupçon de rage. L’euthanasie est prévue au plus tard, le 11 mai 2020.

Mais en 2020, de plus en plus de personnes considèrent que les animaux sont des êtres sensibles qu’il faut protéger.

C’est le cas de Selena, cette jeune étudiante en psychologie, candidate miss Belgique 2020, assistante à ses heures libres des spectacles de son beau-père magicien, et aussi volontaire dans un refuge pour animaux.

Pour elle, il n’est pas question d’ôter la vie à son doux chat gris Lee.

Non, elle n’obéit pas docilement à l’agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire et prend un avocat.

Un grand avocat, un vrai ami des animaux. Maître Anthony Godfroid.

La jeune fille est alors loin de se douter que d’ici quelques semaines, elle sera confrontée à une descente de police à son domicile avec pas moins de 3 combis à la recherche du chat Lee, à une mise en demeure de l’AFSCA qui lui demande 5000€ d’astreinte par heure tant qu’elle ne remet pas Lee, à plusieurs interrogatoires au commissariat et à un procès devant 3 avocats mandatés par l’AFSCA, mais payés avec nos impôts.

Mais cette jeune fille de 23 ans, aux origines tunisiennes du côté de son père et belges du côté de sa mère, n’est pas seulement jeune et jolie. C’est une battante. Une vaillante qui ose tenir tête pour la vie de ce petit être.

Certains diront qu’elle a enfreint la loi, qu’elle a agit de façon irresponsable, mais celle-ci avait l’autorisation de l’ambassade et a trois lois qui soutiennent sa démarche.

Puis, même si elle avait fauté par son grand coeur, ce n’est pas au chat de payer de sa vie.

Nous attendons toujours une réponse de l’AFSCA quant à l’arrêté royal qui stipule que, « l’Agence peut si nécessaire, en cas de départ urgent d’un propriétaire, comme par exemple lors d’une catastrophe naturelle inattendue, ou en cas d’instabilité politique, ou d’un autre cas de force majeure qui touche le propriétaire, accorder une dérogation pour l’entrée sur le territoire belge […] ».

Quant à l’avis du ministre flamand du bien-être animal Ben Weyts (NV-A), qui s’oppose à cette décision en s’appuyant sur une directive européenne qui stipule que lorsqu’il est établi que les règles relatives à la rage n’ont pas été respectées, comme dans le cas du chat Lee, il faut en première instance essayer de renvoyer l’animal dans son pays d’origine, et si cela n’est pas possible, la quarantaine doit être mise en place, celui-ci nous soulage.

Toutefois, on connaît tous les petits jeux politiques. Cet avis vient-il donc réellement du coeur du ministre, ou est-ce une occasion rêvée pour son parti de flinguer une agence fédérale ?

Avant la création de notre parti, j’ai personnellement été contactée pour plusieurs affaires similaires d’euthanasie de l’AFSCA. Malheureusement, les gens ont souvent peur. Et ils n’osent pas affronter cette grande institution en allant à l’encontre de leurs décisions sans éthique et humanité. Je me rappelle tant d’histoires, dont celle d’une personne qui tenait un café. L’AFSCA l’aurait menacé de contrôles. Finalement, il n’a pas eu de contrôle, mais le chiot y est « passé ».

Cette agence fédérale, a depuis sa création en l’an 2000, ordonné la mort d’innombrables animaux, dont de nombreux chats et chiens, sans parler des animaux dits d’élevage accidentés de la route qui après un accident, deviennent impropre à la consommation. Pensez aux accidents de camions qui transportent des poules, des cochons,…nous aimerions connaître le chiffre exact, mais ils sont très difficiles à obtenir. La plupart de ces chats et chiens tués, parce que le terme euthanasie est un euphémisme, étaient en parfaite santé le jour de leur mort.

Chez les humains l’euthanasie se caractérise par l’intentionnalité de provoquer le décès d’un individu, atteint d’une maladie sans espoir de guérison et souffrances intolérables, et pour laquelle la personne a donné son consentement. Mais dans cette société spéciste, des grandes institutions et entreprises peuvent mettre à mort des animaux sains, qui ne souffrent de rien, mise à part du spécisme en lui-même.

Quid du nombre considérable de chats et chiens souvent malades importés en toute illégalité des pays de l’est ? L’AFSCA n’a pas l’air de s’en préoccuper autant.

Sur les animaux domestiques, ils procèdent à une autopsie et dans tous les dossiers, pour lesquels j’ai été contacté les chats et chiens, n’étaient pas atteint de la rage ni d’une autre maladie par ailleurs.

Il y a donc eu plusieurs failles dans ce dossier. Comment se fait-il que la jeune fille a pu embarquer dans un avion d’une compagnie belge ? Comment se fait-il qu’en pleine période de crise sanitaire, il n’y avait pas de douanes à l’aéroport? Comment se fait-il que l’AFSCA ne tient à ce jour pas compte de l’arrêté royal susmentionné, de la loi du bien-être animal, et de la directive européenne ? Comment se fait-il que le ministre de tutelle de l’ASFCA, monsieur Ducarme, déclare qu’il n’y a pas de centres de quarantaine en Belgique, alors que l’AFSCA le propose dans de nombreux dossiers, et que le site du service public fédéral mentionne la quarantaine dans des cas d’urgence ?

Puis, la faille magistrale, qui caractérise notre société et qui veut que des animaux sains soient tués, pour de faux arguments, pour de simples soupçons, parce que toutes les lois sont hautement discriminatoires sur base de l’espèce.

Pourquoi les animaux ont si peu de droits, mis à part ceux décris dans les codes du bien-être animal et autres hypothétiques lois de « bien-être » animal, qui régissent plutôt tout ce que les humains peuvent leur faire subir en toute impunité.

Qui régissent plutôt à combien de semaines ils peuvent être castrés sans anesthésie, qui régissent plutôt le poids d’abattage, qui régissent plutôt le nombre d’animaux qui peuvent être détenus dans des élevages, vrais nids à maladies infectieuses par ailleurs, qui régissent la surface sur laquelle ils devront divertir certains humains toute leur vie durant, qui régissent qu’on peut ou pas les étourdir avant de les abattre,…

Qui a fait ces lois ? Là, est la vraie question. Les politiciens qui légifèrent ? Concrètement, c’est bien eux, mais uniquement parce qu’ils ont été élus par vous, par nous.

Si nous voulons donc un réel changement pour les animaux et pour nous mêmes, il va falloir réfléchir et s’informer sur qui veut vraiment changer cette société, en changeant les lois.

Parce que pour le moment tout ce boxon est légal.

Constance Adonis, Cofondatrice et Présidente de DierAnimal

La réponse de l’ASFCA :

La rage, virus le plus mortel au monde dont la Belgique est indemne depuis 2001.

La Belgique fait tout pour éviter l’introduction d’un nouveau virus mortel sur son territoire, et veut continuer à protéger la population. Même si certains choix sont parfois difficiles, et délicats.

Dans le cas dont il est question ici, un chat a été rapatrié alors que l’AFSCA et l’ambassade belge au Pérou avaient bien expliqué à la propriétaire belge de ce chaton recueilli sur place que ce n’était pas possible. 2 courriels officiels ont été envoyés fin mars et expliquaient clairement les raisons de cette interdiction. Comprenant la situation, l’AFSCA proposait en parallèle des solutions pour la jeune femme et pour le chat. Cette dernière a délibérément décidé de transgresser les règles de santé publique, en sachant que ramener cet animal en Belgique était interdit et dangereux. Le virus de la rage est bien présent au Pérou, et c’est le virus le plus mortel au monde. Avec un tel virus, nous n’avons pas le droit à l’erreur, 6 personnes en meurent chaque heure dans le monde et l’Organisation Mondiale de la Santé en a fait une lutte stratégique mondiale pour ramener de 55000 à 0 le nombre de décès humains, dans 10 ans. Nous comprenons évidemment l’émotion que ce dossier suscite au niveau de la population. Mais nous ne pouvons que regretter la désobéissance et le manque de raison et de maturité de cette jeune adulte.

Feu rouge à l’importation, des alternatives ont été proposées – et ignorées

Avant même son retour en Belgique, la propriétaire a été informée par l’AFSCA et par l’ambassade qu’aucune autorisation ne pouvait être donnée pour emmener son chat en Belgique, dans les conditions connues à l’époque. L’interdiction était donc claire, car le risque que le virus mortel de la rage pénètre ainsi en Belgique était élevé. Certes, elle s’est vu refuser l’introduction du chat en Belgique, mais nous lui avons proposé, en contrepartie, plusieurs alternatives afin qu’elle puisse faire venir son chat par la suite, en toute sécurité. Elle les a ignorées. Malgré ce refus, la propriétaire est donc montée à bord de l’avion avec son chat, avec toutes les conséquences que cela implique.Steven Van Gucht (responsable du Laboratoire National Belge de Référence pour la Rage) : « La rage est le virus le plus mortel que nous connaissions, nous ne pouvons prendre aucun risque. Aussi difficile que cela puisse être, l’AFSCA doit appliquer les règles, qui sont les mêmes pour tous. La Belgique est exempte de la rage depuis 2001 et cela doit le rester. Il n’existe aucun test qui puisse montrer si l’animal est porteur du virus ou non. De plus, une vaccination ne protège pas contre la maladie si l’animal a déjà été exposé avant celle-ci. La maladie peut parfois se développer plusieurs mois après, c’est pourquoi nous devons toujours supposer qu’un tel animal est peut-être infecté, même s’il possède des anticorps et semble être en bonne santé« .

Pour l’AFSCA aussi, l’euthanasie des animaux doit toujours être la dernière option. « Nous sommes ici absolument convaincus qu’il existe un réel danger que cet animal développe la rage et qu’il pourrait y avoir des victimes. Dans les circonstances actuelles, et malgré plusieurs tentatives de mises en place d’alternatives, l’euthanasie est la seule option possible pour nous, même si nous le regrettons« , déclare Philippe Houdart, responsable de la prévention et de la sensibilisation et vétérinaire à l’AFSCA.

« Dans les semaines voire les mois qui viennent, il existe un risque important pour la santé de beaucoup de personnes, de chiens, de chats et d’autres animaux si le chat s’avère être infecté. La rage est une maladie mortelle à 100 % pour les humains et les animaux. C’est pourquoi l’AFSCA utilise tous les moyens légaux pour assurer le respect de la législation européenne en vigueur. »

L’AFSCA souligne que le danger pour la santé publique reste important et espère que la propriétaire comprendra qu’il existe un risque réel pour les personnes et les animaux qui entrent en contact avec le chat. C’est pourquoi l’AFSCA demande donc une nouvelle fois à la propriétaire de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé publique.

À propos de la rage

La rage est une maladie mortelle transmise par un virus qui est présent dans plus de 150 pays et qui, chaque année, tue plus de 55 000 personnes à travers le monde. 40% des victimes sont des enfants. L’Organisation mondiale de la santé reconnaît également le danger de ce virus mortel. L’OMS s’est d’ailleurs fixé comme objectif qu’il n’y ait plus de décès dus à cette maladie d’ici 2030.

La rage est un virus sournois. Ce n’est pas parce qu’un animal ne présente aucun symptôme qu’il n’est pas porteur du virus et qu’il peut donc infecter des personnes. L’animal peut transmettre activement le virus 2 semaines avant l’apparition des premiers symptômes. Une fois qu’une personne infectée développe des symptômes, l’issue est toujours fatale.

En 2007 et 2008, deux cas ont été détectés dans notre pays, suite à une importation. Les chiens contaminés, qui ne présentaient pas de symptômes, avaient été importés illégalement du Maroc et de la Gambie, des pays à risque, comme le Pérou. Au début, les animaux paraissaient en bonne santé mais, des mois plus tard, les symptômes sont apparus. Dans le premier cas, des vaccinations d’urgence et un antisérum ont dû être administrés à 41 personnes. C’est notamment grâce à la vigilance des vétérinaires concernés et à l’intervention rapide de tous les services (AFSCA et les services de santé publique des autorités fédérales et communautaires) qu’aucun décès n’a heureusement été à déplorer. L’AFSCA cherche absolument à éviter une situation similaire. Chaque citoyen doit être conscient des risques lié à ce virus hautement mortel. A l’étranger, des gestes sont à proscrires. Et ramener un animal adopté dans un pays lointain est souvent très compliqué, voire déconseillé.

L’AFSCA sensibilise depuis des années les voyageurs via des campagnes de communication. Les effets mortels de la rage et les conditions pour voyager en toute sécurité avec des animaux sont expliquées via ces campagnes.

Il y a un an, jour pour jour, une jeune norvégienne mourait de ce virus, après s’être occupé d’un chiot errant en Philippinnes. Depuis son décès, la famille mène des actions de sensibilisation. Pour que leur perte n’endeuille pas d’autres familles.

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