Olivier Mouton

La page blanche de Michel n’a pas convaincu

Olivier Mouton Journaliste

Charles Michel proposait aux parlementaires de repartir d’une page blanche. Trop peu, trop tard : il n’a pas convaincu. Et s’est rendu chez le Roi pour démissionner.

« Le trait est tiré ! » Charles Michel avait – enfin – définitivement rompu avec la N-VA, mardi après-midi, lors de la séance plénière de vérité à la Chambre. En proposant à l’opposition de repartir d’une page blanche pour terminer la législature sous la forme d’une coopération « de bonne volonté’. Mais son audace politique n’a pas payé : PS et SP.A ont déposé une motion de méfiance, soutenue par les écologistes. En soirée, Charles Miche s’est rendu chez le Roi pour présenter sa démission, qui devait la tenir en suspens, le temps de consulter. Le gouvernement Michel II pourrait terminer la législature en affaires courantes. A moins que d’autres initiatives ne découlent de ce passage par le Palais.

Le Premier ministre démissionnaire avait pourtant apporté deux réponses claires aux parlementaires qui ne l’on pourtant pas épargné au sujet de ses tentatives de dernière minute pour sauver son mariage avec les nationalistes flamands. Tout un symbole : les députés N-VA, écartés, n’ont même pas pris la parole lors de la séance plénière de la Chambre

Deux réponses claires ?

L’audace politique de Charles Michel n’a pas payé.

Tout d’abord, le gouvernement minoritaire Michel II va proposer au Parlement un budget 2019 sur base des douzièmes provisoires. En d’autres termes, il déchire la copie 2019 rédigée avec la N-VA après avoir refusé deux exigences « inacceptables » des nationalistes : prévoir des élections anticipées et envisager une évolution confédérale en ouvrant à révision l’article 195 de la Constitution, qui permet de la revoir de fond en comble. Traduction : Charles Michel se dit prêt à repartir d’une page blanche pour rebâtir un budget et redéfinir les politiques, en coopération avec le parlement.Ensuite, le Premier ministre libéral met en avant quatre priorités sur lesquelles il propose aux parlementaires de collaborer en « bâtisseurs de ponts » plutôt que de tomber dans une période de blocage politique. Le pouvoir d’achat, tout d’abord, le Premier mettant en avant le fruit de sa rencontre avec les représentants des gilets jaunes. La sécurité, ensuite, avec la nécessité de répondre notamment aux plaintes des policiers. Le climat, aussi, qui s’est imposé plus que jamais comme une urgence. Avec ces mots remarqués : « Je suis fier de vivre dans un pays où 75000 personnes ont manifesté pacifiquement pour le climat, c’est 70 000 de plus que ceux qui ont voté dans la violence contre une politique migratoire efficace. » Enfin, il y a les conséquences du Brexit à gérer. Mais cette liste « n’est pas exhaustive ».

Charles Michel reconnaît le caractère inédit de la situation. Il en appelle à une « coalition de bonne volonté ». Et propose une feuille de route.

En clair, la plupart des mesures pourraient être prises via des propositions de loi. Les projets (donc, émanant du gouvernement) déjà déposés pourraient être retirés, amendés ou votés selon les voeux du Parlement. Le Parlement serait aussi celui qui donnerait mandat au gouvernement pour la représentation internationale.

Vu de façon cynique, il s’agit sans doute là pour Charles Michel de sauver sa peau, en contournant la requête de l’opposition de demander un vote de confiance. Il balise une coopération « de courte durée » jusqu’aux élections qui seraient maintenues le 26 mai. Vu de façon constructive, il s’agit pour lui de prendre ses responsabilités pour permettre au pays de rester figé en affaires courantes, à l’heure où les enjeux sont nombreux. Vu de façon réaliste, il s’agit aussi d’une boîte de Pandore improvisée : au vu des exigences formulées par les uns et les autres pour « sauver » un Michel II, on est en droit de se dire que cette « coopération constructive » entre gouvernement et parlement serait loin d’être un long fleuve tranquille.

Visiblement prise de court, l’opposition a demandé une suspension de séance. Pour nourrir de longues concertations. L’ancien Premier ministre Elio Di Rupo (PS) a rapidement dit ne « pas être convaincu » par la formule proposée par son successeur. PS et SP.A ont déposé une motion de méfiance. Forçant Charles Michel, malgré son audace, à lâcher ces mots : « Je démissionne ».

Avant les fêtes, voilà la Belgique replongée dans la crise politique.

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