Portrait d'Emile Verhaeren, par Théo van Rysselberghe (1915). © DR

La mort tragique d’Emile Verhaeren le 27 novembre 1916

Retour sur le décès dramatique du « poète officiel » de la nation, Emile Verhaeren, lors d’un accident de train durant la première guerre mondiale.

Après avoir donné une conférence, Emile Verhaeren rejoint la gare de Rouen. Mais il n’est pas seul sur le quai. Le rapide de 18h38 pour Paris attire du monde aujourd’hui. Alors, on se presse, on s’empresse. Avant même l’arrêt du véhicule, certains tentent de se hisser sur le wagon. Verhaeren est de ceux-là. Mais tandis qu’il est posé sur le marchepied, son pied glisse. La foule le bouscule, le héros bascule. L’icône est là, sur les rails. Lorsque le train s’arrête, on découvre les jambes tranchées. Un souffle se fait encore entendre. « Je meurs. Ma femme! Ma patrie! » croient entendre des témoins. Sous les yeux desquels se déroule un drame: le poète se meurt, le poète est mort. « Un accident stupide », commente, quelques jours plus tard, Le XXe siècle. « Un stupide accident », estime L’Echo de la presse internationale. Du pareil au même: c’est durant la Première Guerre mondiale, mais sans la moindre gloire, qu’Emile Verhaeren, géant de la littérature, perdit la vie.

Agé de 59 ans quand la guerre éclate, Verhaeren est déjà un monument. Lyrique, symboliste? Oui, sans doute. Inclassable aussi. « Verhaeren ne procède de personne », assène, dès 1907, l’écrivain français Léon Bazalgette. Les Flamandes, Les Campagnes hallucinées, Les Villes tentaculaires… Les recueils de poèmes se succèdent. S’y révèlent la montée en puissance du fait urbain comme le charme profond des campagnes. Un engagement social aussi. Verhaeren est un grand qui se laisse toucher par les plus petits. Proche de l’anarchisme, il dénonce les dangers d’une certaine modernité.

La célébrité suit. Très attaché à son terroir, ce francophone de Flandre monte cependant à Paris, capitale mondiale de la littérature. De là, traduites en allemand, en anglais et en russe, ses oeuvres voyagent. L’homme les accompagne: ses tournées littéraires lui font découvrir du continent. Parmi ses grands amateurs figurent Stefan Zweig et André Gide. A la Cour, le talent de Verhaeren est aussi apprécié: le roi Albert Ier et la reine Elisabeth ne manquent pas d’inviter l’écrivain dans leurs salons de Bruxelles, de Laeken et de Ciergnon. Adoubé, c’est officieusement que Verhaeren devient le « poète officiel » de la nation.

Arrive la guerre. Une épreuve bien sûr, une source d’inspiration aussi. « Mon âme? – elle est déjà – Là-bas, – Dans la clarté de la victoire », écrit l’homme dans Les Ailes rouges de la guerre, recueil qui paraît en librairie… quelques jours avant le drame. Celui-ci a valeur de catastrophe nationale. Le 2 décembre, c’est au bruit des canons que le corps est enterré à Adinkerke, sur la parcelle de territoire belge non occupé. L’Indépendance belge en est sûre: Verhaeren chantait la Belgique « comme jamais personne d’autre ne la chantera ». Et si le quotidien estime que le poète est mort trop tôt, c’est aussi parce que Verhaeren « était celui d’entre tous les poètes belges qui était désigné pour écrire un jour l’épopée glorieuse que nous vivons aujourd’hui ».

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