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La montée en puissance du salafisme

Fouad Belkacem, le leader de Sharia4Belgium, est un salafiste extraverti. Il exprime une forme d’orthodoxie sunnite en rupture avec les valeurs occidentales. Actuellement, le salafisme a le vent en poupe. Mais qui sont ses aficionados ?

Réagissez à notre dossier, ce lundi 18 juin, de 12 à 13 heures, sur la Première, consacré au salafisme en Belgique. Marie-Cécile Royen, auteure du dossier, y est l’un des hôtes de Fabienne Vande Meerssche.

Qu’y a-t-il de commun entre l’exorcisme dont a péri Latifa Hachmi (2004), les harangues de l’imam Nordine Taouil critiquant l’interdiction du voile à l’athénée royal d’Anvers (2009), la mort d’un imam chiite dans l’incendie criminel de sa mosquée à Anderlecht (mars 2012), les appels à la violence de Fouad Belkacem, leader de Sharia-4Belgium, après l’interpellation d’une jeune femme entièrement voilée (31 mai) ? Les quatre relèvent, à des degrés divers, de la sphère salafiste, un courant de l’islam qui pousse la logique sunnite à son extrême ( lire l’encadré). Cette influence salafiste se répand en Belgique par Internet, via des petits groupes ou des gourous, avec l’appui du Centre islamique et culturel de Belgique (mosquée du Cinquantenaire, dite aussi Grande Mosquée), financé par l’Arabie saoudite. Bruxelles n’est pas la seule ville touchée. A Anvers, Liège, Namur, Verviers, etc., des individus, souvent jeunes, tentent de prendre le pouvoir dans les mosquées en se présentant comme les seuls tenants de l’islam vrai. Celui des pieux ancêtres, les salaf. Leur atout ? Le culot. Ils vont au contact. Ils ont le temps.

Au XIXe siècle, pourtant, la salafiyya visait à régénérer l’islam par un retour aux sources mais sans rejeter les apports philosophiques de l’Occident. Le néosalafisme se place aujourd’hui en marge des valeurs occidentales, voire en opposition frontale avec celles-ci. Aujourd’hui, Sharia4Belgium provoque une telle honte chez les musulmans que ceux-ci s’en distancient : « Ce n’est pas la religion. » Avec des nuances… OK pour condamner Sharia, déclare Vigilance musulmane, mais il faut abroger la loi anti-burqa. D’accord, le leader de Sharia4Belgium est un « populiste néosalafiste, limite tiers-mondiste, en pleine dénonciation du système », indique Michaël Privot, au nom de la Ligue islamique et interculturelle de Belgique (Frères musulmans). Mais si ce que Belkacem dit est vrai – l’humiliation de la porteuse du niqab dans le commissariat de police de Molenbeek – alors « il faut dénoncer sans concession la brutalité inutile, vulgaire et raciste (dans le sens de la construction de l’islamité comme une race) de certains éléments de la police de Bruxelles ». C’était juste avant l’agression au couteau de deux policiers en patrouille dans le métro bruxellois, à la station Beekkant, par un extrémiste français, Brahim Bahrir, le 8 juin.

Néanmoins, la rumeur des « brutalités policières » s’est si vite répandue dans le landerneau musulman que beaucoup d’élus de la capitale, prêts à défourailler à la moindre suspicion de racisme, ont gardé le silence. Une petite cohorte d’imams et de responsables de mosquée ont pris leur courage à deux mains pour dénoncer Sharia4Belgium et appeler au respect de la loi sur l’interdiction du voile intégral. Beaucoup de musulmans ne s’y sont pas reconnus : décor de salon de thé, discours en arabe, communication à la va-vite, sans grand contenu.

Devenu incontrôlable, le leader de Sharia4Belgium fait l’objet d’un traitement d’exception : forcé de purger sa peine de six mois par décision ministérielle, contestée par ses avocats, avec la perspective d’une déchéance de nationalité qui permettra de l’extrader vers le Maroc, où il a été condamné à dix ans de prison pour trafic de drogue. Longtemps perçue comme une base arrière pour les combattants islamiques, la Belgique a été épargnée par les attentats qui ont frappé la France au milieu des années 1990, l’Espagne (2004) ou la Grande-Bretagne (2005). Sa participation à la guerre d’Afghanistan et le vote d’une loi anti-burqa ont changé son statut. Ciblée par une propagande vindicative, elle devient plus vulnérable aux coups de folie des « loups solitaires » .

Marie-Cécile Royen

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