Hendrik Vos

La mainmise de l’Europe

On prétend que nos politiques en ont marre des discussions sur la constitution d’un nouveau gouvernement. Ils sont toutefois peu pressés à s’attaquer à d’autres sujets. Pourtant, en dehors de notre microcosme, le monde ne cesse d’évoluer à grands pas. Sur le plan européen, par exemple. La chancelière allemande Angela Merkel n’a-t-elle pas diffusé récemment une note dans laquelle elle plaide pour le relèvement, partout en Europe, de l’âge de la retraite et l’interdiction de l’indexation automatique des salaires ?

HENDRIK VOS Directeur du Centre d’études européennes de l’université de Gand

Du coup, notre Premier ministre Yves Leterme s’en est trouvé mal à l’aise. Depuis des décennies, « plus d’Europe » a été notre leitmotiv. Nous nous en sommes fait notre religion. Le fait que Merkel défende l’approche européenne des dossiers socio-économiques devrait, logiquement, nous réjouir. Mais cette Europe plus forte et plus présente nous réservera aussi des décisions qui nous plairont moins. Ainsi a-t-elle maintenant dans le collimateur le noyau de notre système socio-économique. Il ne fait pas de doute que l’Union européenne détricote la Belgique, davantage que ne s’y emploie la N-VA, d’une manière autrement plus efficace et surtout à un rythme plus soutenu.

Jusqu’il y a peu, chaque Etat membre pouvait bricoler, comme bon lui semblait, son budget, négocier le cadre de l’augmentation des salaires et organiser son système des retraites. Ce temps est révolu. La crise grecque a démontré à quel point les pays de la zone euro sont suspendus les uns aux autres. Les problèmes qui touchent ne fût-ce qu’un seul pays deviennent aussitôt les difficultés de tous. Les partenaires devront donc accorder une importance grandissante à ce qui se passe à l’extérieur de leurs frontières et fixer, tous ensemble, les priorités à faire respecter. Une mainmise plus stricte de l’Europe sur notre politique socio-économique est inéluctable. Plus d’Europe, très bien. Mais quelle Europe ?

Ce débat se déroule sous nos yeux. Inutile de se voiler la face, le discours actuel qui domine est éminemment allemand : modération salariale, travailler plus longtemps et plus dur, budgets d’Etat en équilibre, limiter les allocations de chômage dans le temps. Mais il existe aussi des modèles alternatifs, qui privilégient la lutte contre la pauvreté et l’augmentation des investissements en recherche et développement. La Flandre, jusqu’à présent, a très peu réfléchi sur l’attitude que devront prendre nos diplomates et ministres à cet égard. Loin de nous l’idée de gâcher le plaisir de nos négociateurs, mais si les pourparlers sur la réforme de l’Etat n’en finissaient pas de traîner, c’est à se demander si, bientôt, il restera encore beaucoup de compétences à répartir en Belgique. Des problèmes fondamentaux sont en voie d’être tranchés en Europe. Appeler, pour la commodité, à « plus d’Europe » ne tient plus la route. Toute la question est de savoir quelle Europe nous voulons. Sur ce point, en Flandre, même l’amorce d’une discussion ne s’est pas encore dessinée.

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