Marc Descheemaecker © Belga

« La libéralisation n’est pas idéale pour les transports publics »

Peter Casteels
Peter Casteels Journaliste freelance pour Knack

Marc Descheemaeker (N-VA), ex-SNCB devenu président de De Lijn, affirme à Knack que la privatisation de sociétés publiques risque de transférer à l’étranger notre politique de mobilité.

Marc Descheemaecker (N-VA) a été administrateur délégué de la SNCB entre 2005 et 2013. Depuis fin 2014, il est président du conseil d’administration de De Lijn, la société flamande de transport public. Dans un long entretien à nos collègues de Knack, il confie ses réticences au sujet de la libéralisation des transports… ce qui n’est pas banal pour un ténor N-VA.

La ministre de la Mobilité flamande Lydia Peeters prévoit un projet pilote de libéralisation dans l’une des 15 régions de transport. Pouvez-vous nous dire comment la libéralisation peut améliorer les services de De Lijn ?

Descheemaecker : Je pense que la libéralisation est la plus grosse pierre d’achoppement pour De Lijn. Je ne suis pas contre la libéralisation de marchés qui sont complètement transparents et qui peuvent fonctionner complètement selon la logique du marché libre. Mais ce n’est pas le cas pour les transports publics. Je conseille à la ministre d’examiner les pays étrangers où de telles libéralisations ont été mises en oeuvre. Dans la grande majorité des cas, ces marchés ont été repris par des entreprises d’État d’autres pays. Je pense, par exemple, à des acteurs majeurs comme Arriva, qui appartient à la Deutsche Bahn, ou Keolis, détenu à 70 % par la SNCF française. Le gouvernement flamand doit donc être conscient qu’en cas de privatisation, il transférera au moins partiellement sa politique de mobilité à Berlin ou à Paris. Nous allons donc donner de l’argent public flamand à des entreprises publiques françaises et/ou allemandes, car les transports publics ne seront jamais complètement rentables. Si telle est l’intention, qu’il en soit ainsi, mais stratégiquement, cela me semble un mauvais choix.

Nous pensions qu’en tant que libéral pur-sang, vous seriez également séduit par cette idée ?

J’ai une vision plus saine que libérale de l’économie. Les services publics doivent être performants et fonctionner aussi bien que les entreprises privées. Si c’est le cas, il faut abandonner l’idéologie et penser stratégiquement. Et en termes de stratégie, je pense qu’il est sage de garder les parties les plus importantes de la société entre ses mains. Je parle de nos ports, des infrastructures énergétiques et de la mobilité, par exemple. Je pense qu’il serait stupide, par exemple, de vendre nos infrastructures ferroviaires à une société française, ou nos ports à la Chine. Avant même que vous ne vous en rendiez compte, vous n’êtes plus une société, mais un territoire conquis.

Vous êtes parfois considéré comme un pion dans la stratégie de pourrissement de De Lijn : affamer l’entreprise et préparer le marché à la libéralisation. Rien n’est donc plus éloigné de la vérité ?

La bêtise n’a pas de prix. Comme vous le savez probablement, j’ai fait ma carrière dans le privé, et je n’ai rejoint une société publique que plus tard. L’année où je suis arrivé à la SNCB, il y a eu une perte de près d’un milliard d’euros. Cette société était virtuellement en faillite. Avec quelques personnes – Luc Lallemand, Karel Vinck, moi-même – nous avons travaillé dur pour inverser la vapeur et combler l’écart. Nous avons réussi. Mais vous savez, quand vous êtes dans la merde jusqu’au cou et qu’il faut patauger pour en sortir, vous vous faites éclabousser. J’essaie maintenant de faire la même chose pour De Lijn. Nous faisons du bon boulot, et tant pis si tout le monde ne l’apprécie pas à sa juste valeur.

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