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La face cachée du business de Franco Dragone

Franco Dragone, l’enfant prodigue de La Louvière, est suspecté par la justice montoise d' »infractions fiscales internationales graves et organisées » et de « blanchiment d’argent ». Des îles Vierges britanniques au Luxembourg, en passant par la Suisse, la Hongrie et Madère, notre enquête exclusive braque les projecteurs sur la face cachée de son lucratif business.

En mars 2000, après quinze années intenses et prolifiques au Cirque du Soleil, à Montréal, Franco Dragone revient s’installer à La Louvière. Sans que la carrière du metteur en scène en pâtisse. Au contraire : il enchaîne les spectacles à succès, en Europe, en Asie et aux Etats-Unis. C’est dans la cité hennuyère que sont installés les bureaux où les dessinateurs travaillent au quotidien, imaginent les décors, les costumes, conçoivent les scènes, les story-boards. C’est là aussi que se réunissent les concepteurs des shows (lumière, maquillage, son, scénographie, etc.) qui viennent des quatre coins de la planète pour épauler Dragone dans le processus créatif. C’est là qu’est basée la S.A. Productions du Dragon, la vitrine et QG du groupe. Qui n’a pratiquement jamais payé d’impôts depuis sa création en 2001.

Or, des documents que Le Vif/L’Express a pu consulter révèlent que, depuis 1999, Dragone a créé, avec l’aide du cabinet d’audit et de conseil fiscal Ernst & Young, des sociétés boîtes aux lettres destinées à canaliser, dans les paradis fiscaux de la propriété intellectuelle, le torrent ininterrompu de royalties que le génial metteur en scène perçoit des spectacles qu’il a conçus : Canterlo Ltd., Nusco Holdings Ltd. et Lina International Inc aux îles Vierges britanniques ; Conza Services and Licensing Ltd. à Chypre, Calitri Services & Licensing LLC et Capogiro en Hongrie, Treasure Chest à Madère, Dragone Holdings L.P. au Delaware, Franco Dragone Entertainment Group au Luxembourg … Ces structures sont pratiquement toutes de simples boîtes aux lettres administrées par des prête-noms locaux, des collaborateurs du groupe, ou le gestionnaire de fortune personnel de Franco Dragone.

Le 24 octobre 2012 au matin, une dizaine de policiers ont débarqué avec mandat de perquisition dans les bureaux louviérois du groupe. Les domiciles privés de Franco Dragone, du CEO de la société, de son directeur financier et d’un ancien collaborateur ont aussi été perquisitionnés. C’est que le juge montois Alain Blondiaux s’intéresse aux circuits financiers « exotiques » utilisés par le metteur en scène de Céline Dion et ses sociétés belges : Productions du Dragon mais aussi la discrète SPRL Créations du Dragon, domiciliée à la même adresse. L’instruction concerne des « infractions fiscales internationales graves et organisées », des faits de « blanchiment d’argent », de « travail au noir » et de « fraude aux subsides ». Elle vise Franco Dragone, son ex-associé québécois Louis Parenteau, et Edmée De Groeve, l’ex-présidente de la SNCB, de la Loterie nationale et de l’aéroport de Charleroi, embauchée en octobre 2009 par Dragone pour améliorer la gouvernance de son groupe.

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Concrètement : le parquet soupçonne Dragone et ses deux sociétés belges de frauder le fisc depuis des années en délocalisant artificiellement, et de manière abusive, les droits artistiques des spectacles dans des paradis fiscaux. Quelle que soit l’issue de l’instruction en cours, la finalité de ce montage offshore – éviter de payer des impôts en Belgique – contraste avec l’image publique que peaufine depuis douze ans le créateur hennuyer : celle de l’enfant prodigue, de l’entrepreneur « citoyen » de retour au pays pour y créer de l’emploi et aider sa région à sortir du marasme économique.

David Leloup

L’enquête et les documents dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

Mise à jour 17/01/2013 à 11h00

Franco Dragone, qui n’avait pas répondu au Vif/L’Express avant parution de l’enquête, y a réagi ce jeudi matin, à La Louvière, au cours d’une conférence de presse de laquelle a été refoulé David Leloup, le journaliste du Vif/L’Express. Le metteur en scène conteste toute volonté de fraude fiscale à l’échelle internationale : « Pourquoi me serais-je installé à La Louvière pour me remplir les poches ? Le choix de La Louvière est un choix du coeur. ». Selon Dragone, le but de la mise en place du réseau de sociétés à l’étranger par son groupe n’était pas de frauder de manière abusive mais d’être taxé de manière juste. Selon lui, cette structure évite la double ou la triple imposition due dans différents pays. Cela dit, Franco Dragone s’est dit prêt à modifier cette structure pour offrir plus de transparence.

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