Olivier Maingain. © belga

La colère d’Olivier Maingain: « DéFI n’a rien à voir avec le CDH »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

L’ancien président de DéFI met en garde son successeur sur la dégradation des relations humaines en interne et sur toute tentative de rapprochement avec les humanistes. « Le CDH est un parti de pouvoir, qui a eu des casseroles dans son histoire, qui n’est pas très courageux et qui se comporte comme une girouette », estime-t-il.

Olivier Maingain, bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert et ancien président de DéFI, a mis en garde son successeur, François De Smet, au sujet de deux dérives potentielles, ces dernières semaines: une dégradation des relations humaines en interne, sur fond de querelle locale à Sambreville, et un rapprochement éventuel avec le CDH. Il s’explique longuement au Vif en disant n’avoir « aucun problème à assumer publiquement sa position » et en précisant n’avoir aucune ambition de reprendre la tête du parti. « J’ai fais mon temps », dit-il. Mais attention à ceux qui franchiraient les lignes rouges.

Que se passe-t-il au sein de DéFI, avec cette division à Sambreville et votre mise en garde?

Oh, ce n’est pas la fin du monde! C’est peut-être le résultat d’une différence de style, d’une manière différente de concevoir les relations humaines, mais certaines évolutions m’ont préoccupé, ces derniers temps. Pendant ma présidence, d’une longueur assez exceptionnelle c’est vrai, j’ai beaucoup insisté sur ces relations, je suis de ceux qui croient en une forme de compagnonnage et j’ai toujours veillé à gérer le parti sur cette base-là.

Ce qui est moins le cas de votre successeur, François De Smet?

François, je le comprends, il reste novice, il a décidé de se consacrer à sa fonction de député fédéral et il doit se faire sa place parmi les autres présidents de partis. Il n’a pas toujours le temps d’aller à la rencontre des militants de base. Dès lors, il s’est beaucoup reposé sur les instances intermédiaires, avec une nouvelle génération de mandataires, notamment en Wallonie. Nous sommes aussi passé à un formalisme administratif, avec des rapports que l’on doit faire en permanence.

Or, dans l’histoire du parti, la gouvernance locale a toujours été laissée à l’appréciation des mandataires locaux: ce sont eux qui sont en prise avec la réalité du terrain. Dès lors qu’il n’y avait pas de contradiction flagrante avec la ligne du parti, je ne voyais pas de problème.

A Sambreville, il y a eu un conflit de personnes. J’ai de l’estime pour les deux conseillers communaux. Ceux-ci estimaient qu’ils n’avaient plus confiance en la conseillère de CPAS, que je connais moins. Jusqu’à François certains l’ont défendue avec acharnement et, à l’issue d’un blocage, ce sont finalement les conseillers communaux qui ont été mis à la porte du parti. Ce sont des gens de qualité, travailleurs acharnés, qui ont réussi le beau résultat de récolter ces deux sièges dans la commune de Jean-Charles Luperto (PS), ce qui n’est pas rien. L’un, Philippe Kerbisch, est un notable de la commune; l’autre, Monique Félix était une des premières à porter le parti en Wallonie.

Vous avez exprimé votre désapprobation dans la presse au sujet de leur mise à l’écart.

Oui, parce que je ne l’acceptais pas et je ne l’accepte toujours pas. On a fait un mauvais procès à des gens honorables.

Derrière ce problème local, il y a un malaise plus profond au sein de nos militants par rapport à l’idée d’un rapprochement avec le CDH. C’est Maxime Prévot, président du CDH, qui approché François De Smet à ce sujet, avec l’idée de faire un grand parti du centre. Certains, dont des membres ayant des responsabilités, ont défendu cette idée.

Que ce sont clair, nous n’avons pas mis fin à l’alliance avec le MR pour faire une autre alliance avec le CDH. Le jour où nous avons retrouvé notre liberté après ce lien avec les libéraux, ce fut l’un des plus beaux jours de ma vie. Et quand je vois ce que le MR devient avec Georges-Louis Bouchez à sa tête, je me demande vraiment ce que l’on aurait fait dans ce bazar-là…

Vous refusez un lien vec le CDH parce que DéFI est un parti laïc?

Notamment. Beaucoup de choses nous séparent du CDH, nous n’avons rien en commun avec ce parti.

J’ai commencé ma carrière à la Ville de Bruxelles en refusant de voter pour la nomination de Paul Vanden Boeynants en tant que bourgmestre. Le CDH est un parti de pouvoir, qui a eu des casseroles dans son histoire, qui n’est pas très courageux et qui se comporte comme une girouette. L’aspect institutionnel nous distingue fortement de même, oui, que la laïcité. Comment voulez-vous faire comprendre à des militants que l’on songe à un tel rapprochement?

Pascal Goergen, président de DéFI en Wallonie, m’a dit que je nous « empêchais de jouer en première division ». Franchement, pour le moment, le CDH joue plutôt la descente… Si nous voulons jouer la première division, à nous de croire en nos forces et nos spécificités, ce qui a toujours fait que l’on se distinguerait des autres.

Nous sommes un parti qui refuse les compromissions de pouvoir, qui porte ses convictions, quitte à ce que cela nous coûte. Ce fut le cas lorsque nous avons refusé de voter la sixième réforme de l’Etat, j’ai pratiquement été ostracisé à l’époque. Aujourd’hui, quand Catherine Fonck (CDH) regrette qu’il y a trop de ministres de la Santé pour gérer la pandémie, je lui dis que c’est son parti qui a voté cela.

A quand remonte ces tentatives de rapprochement?

En janvier, nous avons une réunion zoom avec plusieurs membres importants du parti pour dire stop! J’étais fâché! François De Smet, intellectuellement, se disait prêt à vérifier s’il y avait des liens possibles, mais quand vous entamez des discussions, vous risquez d’être marqués à vie. François a compris alors que c’était une voie sans issue, préjudicable pour nous. J’ai une longue expérience, je sais que l’on aime DéFI pour sa constance, sa cohérence…

Mais je vois que certains continuent depuis à distiller cette petite musique, en laissant entendre que c’est le ‘méchant Olivier’ qui s’y est opposé.

A quoi cela peut-il mener? Certains disent que vous pourriez revenir?

Je n’ai pas du tout cette ambition-là, j’ai fais mon temps. François est quelqu’un que j’apprécie beaucoup intellectuellement, il est solide et je suis persuadé qu’il va prendre la dimension de la fonction. Je lui ai simplement dit qu’il devait consacrer davantage de temps aux relations humaines. Il est plutôt dans la recherche d’idées, de projets, c’est important bien sûr, mais on doit faire attention à ne pas se séparer de la sorte de militants de longue date.

Vous lui avez adressé, en somme, deux cartes jaunes?

Ce n’est pas un schisme, rien de tout cela. Pour moi, cet épisode est définitivement clos. Mais je ne veux pas que l’on mette dehors ceux qui sont fidèles à DéFi en maintenant ceux qui plaident pour un rapprochement avec le CDH. Si c’est ça l’objectif, alors on me trouvera sur le chemin.

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