Congrès du PS à Louvain-la-Neuve © belga

La « chute finale » de la social-démocratie européenne

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Pascal Delwit, politologue de l’ULB, corrobore la dégringolade en étudiant 692 élections intervenues dans 32 Etats européens entre 1870 et 2019. « Il y a peu d’indices nous faisant penser qu’une résurgence ou des changement majeurs sont en cours, analyse-t-il.

C’est la « chute finale ». Avec cette image forte, Pascal Delwit, politologue à l’ULB, confirme la baisse généralisée – et spectaculaire – des partis sociaux-démocrates en Europe, singulièrement depuis le début des années 2010. Pour confirmer ce constat, il a amassé un nombre impressionnant de données.

« À partir d’une analyse de 692 élections intervenues dans 32 États européens entre 1870 et 2019, quatre grandes étapes de l’histoire électorale de la social-démocratie sont mises en évidence, résume-t-il d’emblée. a) une lente émergence à la fin du XIXe siècle et un premier envol au début du vingtième, b) l’installation dans le paysage politique européen au sortir de la première guerre et un pic électoral qui est quasiment atteint dès les années 1930 dans les pays démocratiquement consolidés, c) une stabilisation de cette performance sur un demi-siècle et d) un tassement entamé dans les années 1980 qui mène à un déclin très prononcé dans les années 2010. Le chute de la famille socialiste européenne entre 2010 et 2019 est détonante. »

La dégringolade des années 2010

Le déclin est effectivement brutal. Analysant les résultats obtenus par les partis sociaux-démocrates dans l’Europe des 15 d’alors, depuis le début des années 1980, Pascal Delwit constate: « Le résultat moyen est passé sous les 29%. Ce marasme général a continué dans les années 1990 (28,4%) et dans la première décennie du 21e siècle (26,9%). La deuxième décennie du 21e siècle a donné lieu à une dégringolde spectaculaire: 5,5% en moyenne (-20,1% des votes). » Avec 21,4% des suffrages en moyenne, ces partis sont retombés à leur score d’un siècle auparavant.

Le politologue souligne que la démocratisation dans les pays du sud de l’Europe (Chypre, Espagne, Grèce, Portugal…) a permis aux partis sociaux-démocrates d’obtenir des résultats intéressants, devenant souvent le premier parti de ces jeunes démocraties. Il se penche également sur les disparités entre les régions d’Europe, avec la singularité francophone belge, le PS ayant résisté plus que d’autres à cette érosion, sans pour autant l’éviter.

Mais le constat général est limpide: « Vu sur une longue période, le déclin politoco-électoral de la social-démoratie européenne est corroborée, écrit Pascal Delwit. Dans les années 2010, c’est frappant. Le score moyen obtenu par ces partis se situe à peine autour de 80% de la décennie précédente et 70% de ce qui est souvent présenté comme l’âge d’or des années 1960 et 1970. » Ce courant politique se situe désormais,à peine, autour du cinquième de l’électorat global.

« Rien d’original sur la table »

Et la suite? Le politologue constate que la social-démocratie a perdu le lien avec les classes ouvrières et peine à trouver ses marques pour un renouveau. « Il y a peu d’indices nous faisant penser qu’une résurgence ou des changement majeurs sont en cours, analyse-t-il. Son constat est sévère: tant sur le plan programmatique que dans l’exercice du pouvoir, la social-démocratie « n’a rien d’original à mettre sur la table ». Sa singularité s’est estompée, souvent au profit de partis de la gauche radicale.

Citant Thomas Piketty, nouveau penseur référence de la gauche européenne, Pascal Delwit constate que la social-démocratie « attire désormais un électorat davantage associé à la classe moyenne salariée sans une identité claire qui le distinguerait des partis verts, centristes ou régionalistes. Dès lors, qu’est-ce qui fait l’identité de la social-démocratie? En d’autres termes, qui vote pour la social-démocratie et pourquoi? Ces questions restent largent sans réponse? » Cent cinquante ans après sa naissance, le destin de ce courant majeur reste à écrire.

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