Nicolas De Decker

La certaine idée de Nicolas De Decker: toutes nos traditions se perdent, heureusement qu’il reste les débats à la con (chronique)

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Il y a des traditions qui se perdent et c’est toujours à la fin de l’année qu’on le remarque. Heureusement, il reste les débats à la con. Comme celui sur le nucléaire

Il y a des traditions qui se perdent.

C’est toujours à la fin de l’année qu’on le remarque.

Il ne neige plus jamais à Noël.

Personne ne va plus à la messe de minuit.

Ils ne vont peut-être pas rediffuser La Grande Vadrouille à la télé.

Et la bûche à la crème au beurre de chez G. Pector, route de Namur à Wanfercée-Baulet, avec cette pâte si tendre qu’on en pleurait encore le 26, avec sa crème si douce que les petits bonshommes en plastique qui y baignaient (un Jésus de comme dans nos traditions, ou un petit traîneau de Père Noël comme avant, et des rennes) s’avalaient dans la même gorgée ravie, cette bonne bûche de chez G. Pector, elle ne se vend plus depuis la retraite de Monsieur et Madame Pector. C’était il y a quelques années déjà.

Oui, toutes les traditions se perdent.

Toutes nos traditions.

Il n’y a même plus de bûches de chez Pector, et peut-être pas de Grande Vadrouille à la télé.

Mais heureusement il reste les débats à la con.

Avec leurs arguments débiles, leurs rebondissements atterrants, leurs mensonges révoltants, leurs omissions répugnantes, leurs hypocrisies stupides.

Bref, les bons gros débats à la con.

Ceux qui énervent tout le monde à la table familiale, ceux qui font crier les oncles qui parlent haut, ceux qui font maudire les tantes qui maugréent.

Les bons gras bêtes gros débats à la con, comme celui mené en Belgique depuis trois mois sur lasortie du nucléaire.

Un débat dégluti comme après le passage de bonshommes en plastique, sans pâte tendre et sans crème douce pour les faire descendre.

Avec comme des bouts en plastique tranchant dévalant un pharynx desséché, les écologistes.

Avec leur supériorité morale alléguée et leur idée que brûler plus de gaz serait meilleur pour l’environnement. Avec leur argument que les émissions de nos centrales à gaz sont comptabilisées au niveau européen et que ça pousserait les centrales plus polluantes d’autres pays à fermer, argument matériellement juste mais éthiquement méphitique.

Avec comme des piques qu’on enfonce dans la pâte pour y coincer les bonshommes et qui se planteraient dans une gorge mal lubrifiée, les libéraux.

Avec leur connaissance technique prétendue qui dit que sans nucléaire, on va s’éclairer à la bougie et leur déni des rapports d’Elia, qui dit qu’on peut se passer du nucléaire, et celui de la Creg, qui dit qu’on peut se passer du nucléaire et même du gaz.

Et avec leurs cris parce que la Belgique émettra peut-être quatre millions de tonnes de CO2 de plus si elle sort complètement du nucléaire et leur silence sur comment réduire les cent-vingt autres millions de tonnes qu’elle émet chaque année même avec le nucléaire.

Ils livrent un bon gros débat à la con, là.

Sans neige, sans messe, sans Grande Vadrouille et sans bûche, le bon gros débat à la con est notre dernière tradition.

Mais attention.

Elle est en danger, elle aussi.

Car le nucléaire tel qu’il est discuté est certes un débat très con.

Mais c’est déjà un débat moins con que lors des années précédentes.

Parce que tant qu’on parle n’importe comment pour savoir si on pourra s’éclairer ou se chauffer après 2025, au moins, on ne s’engueule pas sur la matière du sapin.

Ou sur le nom des vacances.

Ou sur la place de la crèche.

Ou sur la couleur d’un roi mage.

Ou sur la croix sur la mitre.

Ou sur le petit Jésus sur la bûche.

Oui, vraiment toutes les traditions se perdent.

Même celle du gros débat à la con.

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