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La Belgique est-elle prête à faire face à une épidémie ?

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Alors que le coronavirus poursuit son expansion et que six nouveaux cas ont été confirmés en Belgique, des experts ont dressé un état des lieux du niveau de préparation des différents États face à ce type de menaces sanitaires.

Pour évaluer la sécurité sanitaire des pays et leurs capacités à se protéger d’éventuelles épidémies, l’Université Johns Hopkins a développé son indice de sécurité sanitaire mondiale (Global Health Security Index). Un indice essentiel qui permet d’identifier les lacunes en matière de préparation, mais aussi de réponse tant médicale que politique face aux maladies infectieuses. L’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014 a été un premier signal d’alarme, la propagation actuelle du coronavirus dans le monde n’est qu’une preuve supplémentaire de la nécessité d’un tel état des lieux.

D’autant qu' »en plus du changement climatique et de l’urbanisation, les déplacements de masse et les migrations internationales – qui se produisent actuellement dans presque tous les coins du monde – créent des conditions idéales pour l’émergence et la propagation d’agents pathogènes « , expliquent les experts. Mais qu’en est-il de la Belgique ? Est-elle réellement prête à faire face à de telles menaces sanitaires ?

Un score relativement satisfaisant

La Belgique est au 19e rang sur 195 dans le classement des pays les mieux préparés à lutter contre les épidémies.
La Belgique est au 19e rang sur 195 dans le classement des pays les mieux préparés à lutter contre les épidémies.© Johns Hopkins University

Si la Belgique ne figure pas parmi les pays les mieux préparés à faire face à une épidémie, notre pays reste malgré tout une bonne élève en la matière. Nous faisons même partie du top 20 de ce classement, avec un score total de 61.0 %. Au niveau mondial, la Belgique se classe en effet à la 19eposition sur les 195 pays évalués, et au niveau européen, elle se range à la 13eposition sur 43. Bref, des résultats relativement satisfaisants et rassurants, surtout au vu de la situation actuelle.

L’indice évalue les pays selon six catégories, elles-mêmes divisées en sous-catégories :

Prévention

Cette catégorie s’intéresse aux mesures de prévention mises en place par les pays contre l’émergence ou la libération d’agents pathogènes.

Dans cette catégorie, par exemple, la Belgique obtient un score de 100/100, soit le 1er rang, dans la sous-catégorie qui concerne la sûreté biologique, c’est-à-dire l’ensemble des mesures de sécurité visant à protéger la santé publique et l’environnement contre une exposition accidentelle à des agents pathogènes. Ainsi, la Belgique a mis en oeuvre une législation concernant la sûreté biologique ainsi qu’une législation spécifique garantissant le bien-être des personnes travaillant avec des matières dangereuses. Deux législations qui sont bien établies et fonctionnelles.

> score total pour la prévention : 63.5/100

Détection

Cette catégorie évalue la capacité des pays à détecter de manière précoce et alerter de la présence d’épidémies susceptibles de susciter des inquiétudes au niveau international.

Le système national des laboratoires de Belgique a la capacité de réaliser des tests de diagnostic pour 5 des 10 tests de base définis par l’OMS : pour la grippe, la tuberculose, la fièvre typhoïde, le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et le paludisme. Un système efficace qui place donc notre pays en haut du classement.

En revanche, la Belgique n’a pas encore mis en place de mécanisme de partage des données entre les différents secteurs de la santé (humaine/animale/environnementale). À ce niveau-là, le pays redescend à la 59e position.

> score total pour la détection : 62.5/100

Rapidité de la réponse

Cette catégorie s’intéresse à la rapidité de la réponse d’un pays et sa capacité à atténuer la propagation d’une épidémie.

La Belgique n’est pas une très bonne élève en la matière. Et pour cause, rien ne prouve à l’heure actuelle que la Belgique a mis en place un mécanisme de lutte contre de multiples maladies transmissibles ayant un potentiel pandémique. Ce manque de planification place la Belgique en 108eposition pour cet indicateur.

De plus, la Belgique a un très mauvais système de communication en cas de crises de cette envergure, qui la positionne au 144e rang. Le Centre national de crise belge (CNC) a bel et bien publié un Guide en communication de crise qui décrit spécifiquement comment les messages atteindront des populations ayant des besoins de communication spécifiques, mais il ne fait pas mention des urgences de santé publique.

> score total pour la rapidité de la réponse : 47.3/100

Système de santé

Cette catégorie vérifie si les pays ont un système de santé suffisant et solide pour traiter les malades et protéger les travailleurs de la santé.

Si son mécanisme de communication mis en place entre les responsables et le personnel de la santé lors d’urgences de santé publique est très efficace (rang 1), la Belgique obtient un score de moins de 50/100 en matière d’accès aux soins de santé, et ce, malgré le système belge d’assurance maladie obligatoire, qui couvre plus de 99 % de la population.

> score total pour le système de santé : 60.5/100

Respect des normes internationales

Cette catégorie évalue l’engagement des pays à améliorer leurs capacités nationales, leurs plans de financement pour combler les lacunes et leur adhésion aux normes mondiales.

La Belgique a conclu des accords transfrontaliers avec les pays voisins en ce qui concerne les urgences de santé publique. De plus, en tant que membre de l’Union européenne (UE), la Belgique suit la politique de l’UE en matière de préparation et de réaction transfrontalières aux menaces et aux urgences sanitaires. Notre pays a donc une bonne communication avec les pays voisins pour tout ce qui touche aux urgences sanitaires. En revanche, en matière de financement et de budget, la Belgique n’a rien de prévu : elle n’a pas de budget prévu pour combler ses lacunes, et elle n’a pas publié de plan d’action national pour la sécurité sanitaire, ni même de feuille de route pour un agenda mondial de sécurité sanitaire. Pour cet indicateur, le pays ne se positionne donc qu’au 108e rang.

> score total pour le respect des normes internationales : 59.7/100

Environnement à risque

Et enfin, cette catégorie s’intéresse à la présence ou non d’un environnement à risque et à la vulnérabilité des pays face aux menaces biologiques.

C’est dans cette catégorie que la Belgique obtient son meilleur score, avec notamment un score de 99,8 % en matière de résistance socio-économique (taux d’alphabétisation des adultes, égalité des genres, taux de pauvreté, confiance du public dans le gouvernement…), ou encore un score de 83,3 % pour l’adéquation de ses infrastructures.

> Score total pour l’environnement à risque : 78.2/100

Les États-Unis sont au top de ce classement, tandis que la Chine figure à la 51e position sur 195. Le pays a mis en place des mesures sans précédent depuis le début de l'épidémie de coronavirus.
Les États-Unis sont au top de ce classement, tandis que la Chine figure à la 51e position sur 195. Le pays a mis en place des mesures sans précédent depuis le début de l’épidémie de coronavirus.© John Hopkins University

Un pour tous, tous pour un ?

« Si le score moyen des pays à revenu élevé est de 51,9, l’indice montre que, collectivement, la préparation internationale aux épidémies et aux pandémies reste très faible« , déplorent les auteurs du rapport.

Dans l’ensemble, l’indice révèle de graves faiblesses dans la capacité des pays à prévenir, détecter et répondre aux urgences sanitaires. Nombreux sont les pays qui présentent soit de graves lacunes dans leurs systèmes de santé, soit des vulnérabilités, ou même des risques politiques, socio-économiques et environnementaux, qui peuvent compromettre la préparation et la réponse aux épidémies.

Si chaque pays a ses propres responsabilités pour répondre aux crises sanitaires, les experts appellent à davantage de collaboration. « Les risques biologiques mondiaux nouveaux et accrus peuvent nécessiter des approches qui échappent au contrôle des gouvernements individuels et nécessiteront une action internationale « , expliquent-ils. Ils recommandent donc la mise en place d’une solide architecture internationale de sécurité sanitaire, afin de soutenir les pays exposés à des risques accrus.

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