Van Overtveldt © Belga

La Belgique a bien violé les sanctions de l’ONU sur les fonds libyens

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Les experts de l’ONU qui se sont rendus en Belgique, en mai dernier, ont conclu que le gouvernement n’avait pas respecté les sanctions décrétées par l’ONU en 2011, concernant les avoirs gelés de Kadhafi. Une claque pour le gouvernement belge qui prétendait le contraire…

Le Vif/L’Express l’avait dévoilé en juin dernier. Une délégation du comité des sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU s’est rendue en Belgique, au mois de mai dernier, pour enquêter sur les fonds libyens gelés, ces fameux milliards qui appartenait au clan Kadhafi et que les Nations Unies ont décidé de mettre au frigo après la révolution libyenne de 2011. En Belgique, plus de 14 milliards d’euros ont ainsi été gelés, la majeure partie se trouvant chez Euroclear Bank, le coffre fort des banques de la planète, dont le siège se trouve à Bruxelles.

La délégation du comité des sanctions de l’ONU s’intéressait, selon nos informations, aux milliards « évaporés » chez Euroclear. En effet, lorsque le juge d’instruction Michel Claise a opéré une saisie sur le magot libyen en 2017, Euroclear Bank n’a signifié, dans sa déclaration de tiers-saisi, que 5 milliards sur ses comptes… Le magistrat avait ouvert une enquête pour blanchiment sur ces milliards, suite à une plainte d’une ex-ASBL du Prince Laurent en litige avec la Libye (Le Vif-L’Express du 8 février 2018). Les experts de l’ONU sont venus le voir pour comprendre où étaient passés l’argent.

Ils s’intéressaient aussi aux intérêts et dividendes engendrés par les capitaux libyens gelés – environ 300 millions d’euros par an – et qui ont été libérés par Euroclear pour le compte du fonds souverain Lybian Investment Authority (LIA). En amont, c’est le gouvernement, responsable auprès du comité des sanctions de l’ONU, qui a du autoriser la libération de ces intérêts. Le ministre des Finances Van Overtveldt, qui se base sur les avis de la Trésorerie, l’a répété devant le Parlement. Le hic, c’est que la Belgique n’interprète pas le dégel des intérêts et dividendes générés par les fonds gelés de la même manière que d’autres Etats européens.

Or nous avons révélé que, déjà en 2012, 235 millions d’euros ont quitté les comptes gelés chez Euroclear. Les années suivantes, les montants ont dépassé les 300 millions. Selon les experts spécialisés de l’ONU qui viennent de rendre leur rapport, cela s’est fait en violation totale des sanctions de l’ONU. « Le Groupe d ‘experts estime que ces versements d ‘intérêts et autres rémunérations ne sont pas en conformité avec le gel des avoirs », dit le rapport, publié ce septembre (page 50). Et d’ajouter : « Le fait de mettre les intérêts et autres rémunérations à la libre disposition de la Libyan Investment Authority va à l ‘encontre du régime des sanctions. De plus, au vu de l ‘instabilité qui règne dans le pays, de l’existence de différends portant sur l’autorité de la Libyan Investment Authority et de l’absence de mécanisme de surveillance, cette situation peut engendrer des malversations ou des détournements de fonds. »

On peut, en effet, se demander dans quelles mains les intérêts et dividendes libérés par la Belgique (300 millions par an, depuis 2011 !) ont atterris. La Trésorerie a-t-elle bien vérifié que cet argent ne retournait pas vers d’anciens proches de Kadhafi ? Déjà interrogé sur le sujet au Parlement, Van Overtveldt s’est retranché derrière le règlement UE traduisant les mesures onusiennes, selon lesquelles le SPF Finances ne peut fournir d’information qu’à la Commission européenne. Un manque de transparence qui, fort du rapport des experts du Comité des sanctions, devient intenable.

Reste la question des milliards « évaporés » chez Euroclear lors de la perquisition de Claise. Le groupe d’experts l’évoque dans son rapport en spécifiant que « la banque dépositaire a indiqué que d’après elle, la saisie n’était pas directement liée au gel des avoirs ». La justice ne semble pas avoir la même interprétation… Pour l’instant, le mystère reste donc entier.

David Leloup et Thierry Denoël

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