Carte blanche

L’urbanisme tactique, l’opportunité de rendre nos villes plus respirables après le déconfinement

Le confinement forcé permet de retrouver la ville sous un angle plus agréable, lors de nos rares sorties admises. Les rues sont désertées par les véhicules à moteur les squattant habituellement, l’air est plus respirable, le silence permet de redécouvrir les chants d’oiseaux,…

Très vite, certains y voient l’opportunité de transformer l’usage de l’espace public et, dès fin mars, émergent sur Twitter des appels à mettre en oeuvre des pratiques d’ « urbanisme tactique« . Considéré comme le théoricien du concept, Mike Lydon[1], un urbaniste new yorkais, définit ainsi l’idée : « des gestes délibérés qui agissent localement, avec peu de moyens et pour un laps de temps relativement court sur un espace collectif — ou qui devrait être utilisé comme tel — sous ou mal utilisé. »[2] On parle donc d’urbanisme tactique parce que celui-ci est voué à répondre rapidement à une nécessité identifiée comme impérieuse par la population.

Les Bruxellois·e·s sont déjà familiarisés avec ce type de pratiques. Rappelons nous les 3.000 personnes venues pic-niquer sur la place de la Bourse en 2012, soutenues par la société civile sous la bannière Reclaim the streets, et dont le rassemblement a entraîné la décision de la Ville de Bruxelles de piétonniser les boulevards du centre. L’espace public n’apparaît plus alors comme un lieu réduit à une fonction d’organisation des flux de personnes. Il devient un bien commun, un lieu où nos corps se rencontrent, un espace de délibération collective dont la gratuité constitue une valeur. Ce que nos concitoyens souhaitent, c’est la ville marchable et cyclable, pas la ville marchandise. Plus récemment, le mouvement des rues scolaires a également été mu par des considérations sanitaires, à savoir la pollution de l’air qui entraîne chaque année 9.000 décès prématurés par an dans notre pays et fragilise particulièrement les systèmes respiratoires des enfants.

Ce que nos concitoyens souhaitent, c’est la ville marchable et cyclable, pas la ville marchandise.

À l’occasion du confinement, on a donc vu fleurir de multiples initiatives pour se réemparer des rues au moyen d’installations provisoires et au bénéfice des piétons et des cyclistes ou aux fins de développer la vie sociale. Un article du New York Times, « The magic of empty streets » a d’ailleurs décrit les diverses initiatives prises dans le monde. Sans surprise, ce sont les villes innovantes en matière d’urbanisme qui ont lancé le mouvement : Montreal, New York, San Francisco, Mexico, Bogota, Berlin, Hambourg, Dublin, … À Bruxelles, les pouvoirs publics ont, quant à eux, décidé de transformer le pentagone en « Zone de rencontre » limitée à 20km/h. La Ministre Elke Vanden Brandt a invité l’ensemble des communes bruxelloises à rentrer des projets d’aménagement de zones de rencontre ou de rues cyclables et a annoncé la mise en oeuvre de 40 km de pistes cyclables temporaires, que les associations cyclables demandent depuis des années.

Enfin, ces mesures d’aménagement de l’espace rendront tout simplement la ville plus agréable: plus verte, moins bruyante et plus accessibles à tou·te·s les Bruxellois·e·s, que l’on songe aux personnes âgées, aux enfants, aux personnes à mobilité réduite. Le bruit, l’inadéquation des voiries et le manque de verdure poussent de nombreux jeunes ménages (10.000 personnes par an) à quitter la ville, en général au deuxième enfant. Or cet exode a des conséquences énormes en termes sociaux (perte de temps dans les embouteillages, stress, fatigue,..) et en termes collectifs (coût des infrastructures, déperdition de recettes fiscales…).

On parle plus que jamais de résilience depuis quelques semaines, et la pandémie le justifie. La recherche de cette résilience ne nous permettra pas seulement de vivre, mais de mieux vivre.

C’est de cette ville, peut-être plus frugale, ouverte à tous et protectrice pour les plus vulnérables dont nous avons besoin. Sachons saisir les opportunités que ces initiatives d’urbanisme tactique que la crise du Covid-19 suscite pour répondre au besoin d’espace public des Bruxellois·e·s.

Isabelle Pauthier, Députée Ecolo

[1]Mike Lydon, Urbanisme tactique 2 : action court terme, changement au long terme, 2010 .

[2]http://www.vrm.ca/lurbanisme-tactique/

L’espace public devient un bien commun, un lieu où nos corps se rencontrent, un espace de délibération collective dont la gratuité constitue une valeur.

Deux réflexions s’imposent à cet égard. Sur le processus d’abord. Ce sont, dans l’urbanisme tactique, les communautés locales qui sont à l’initiative des aménagements, bousculant les pouvoirs publics et les forçant à prendre des décisions qu’ils rechignent ou procrastinent à prendre par ailleurs. Si l’espace public est un bien commun – et il l’est – il est assez compréhensible que l’expression populaire s’exprime en marge des traditionnelles enquêtes publiques top-down. À partir du moment où ces aménagements deviendraient définitifs, ces enquêtes restent, par contre, obligatoires. Ces aménagements sont provisoires et il est toujours possible d’évaluer ce qui fonctionne, ou pas, d’améliorer les dispositifs par le retour d’expériences et d’en débattre avec les citoyens et, bien sûr, les autres parties prenantes de l’espace public. On peut donc y voir une forme de démocratie directe qui s’adosse ou s’ajoute à la démocratie représentative.

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.© European Cyclist Association

Sur le fond ensuite, nous pouvons envisager de conserver les bénéfices de ces aménagements à l’occasion du déconfinement car ils font triplement sens.

Tout d’abord, la lutte contre la pandémie requiert bien sûr de préserver une salubre distance physique où il est possible de ne pas se serrer sur des trottoirs souvent trop étroits ou se dépasser de trop près sur des pistes cyclables souvent réduites à la portion congrue sur la voirie.

Par ailleurs, ce rééquilibrage de l’occupation de l’espace est d’autant plus nécessaire que nos rues font aujourd’hui une place trop belle à l’omnipotente voiture : plus de 70% de leur superficie.

En outre, et dans la foulée, une part des politiques sanitaires que nous mettons en oeuvre pour lutter contre le Covid-19 s’imposeront aussi pour lutter contre la pollution et les morts et maladies respiratoires qu’elle engendre, d’autant plus qu’elle semble aggraver la dispersion du virus. La lutte contre le réchauffement climatique appelle également des mesures énergiques, à l’instar de l’interdiction des moteurs thermiques décidée par le précédent gouvernement, afin de contribuer à la réduction des émissions de CO².

C’est de cette ville, peut-être plus frugale, ouverte à tous et protectrice pour les plus vulnérables dont nous avons besoin.

Enfin, ces mesures d’aménagement de l’espace rendront tout simplement la ville plus agréable: plus verte, moins bruyante et plus accessibles à tou·te·s les Bruxellois·e·s, que l’on songe aux personnes âgées, aux enfants, aux personnes à mobilité réduite. Le bruit, l’inadéquation des voiries et le manque de verdure poussent de nombreux jeunes ménages (10.000 personnes par an) à quitter la ville, en général au deuxième enfant. Or cet exode a des conséquences énormes en termes sociaux (perte de temps dans les embouteillages, stress, fatigue,..) et en termes collectifs (coût des infrastructures, déperdition de recettes fiscales…).

On parle plus que jamais de résilience depuis quelques semaines, et la pandémie le justifie. La recherche de cette résilience ne nous permettra pas seulement de vivre, mais de mieux vivre.

C’est de cette ville, peut-être plus frugale, ouverte à tous et protectrice pour les plus vulnérables dont nous avons besoin. Sachons saisir les opportunités que ces initiatives d’urbanisme tactique que la crise du Covid-19 suscite pour répondre au besoin d’espace public des Bruxellois·e·s.

Isabelle Pauthier, Députée Ecolo

[1]Mike Lydon, Urbanisme tactique 2 : action court terme, changement au long terme, 2010 .

[2]http://www.vrm.ca/lurbanisme-tactique/

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