Nù Barreto, La Source (Etats-Désunis d'Afrique), 2018. Courtoisie de l'artiste et de la galerie Nathalie Obadia, Paris-Bruxelles. © We Document Art.

L’oeuvre de la semaine: Les étoiles noires de l’Afrique

Le Vif

Que révèle ce monumental tableau (plus de trois mètres d’envergure) qui rappelle en filigrane, l’image symbole du drapeau américain ?

Les couleurs ont changé ainsi que le nombre d’étoiles. Le vert, le rouge et le jaune ont remplacé l’accord bleu blanc rouge des Etats-Unis. Ce sont les couleurs du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, du Ghana, du Mali, du Sénégal, du Togo, de la Guinée ou encore de ce petit pays pas plus grand que la Belgique, la Guinée Bissau dont est originaire le peintre.

Nù Barreto nait en 1966 à l’heure où le pays est encore une colonie portugaise même si les « rebelles » ont déjà conquis 50% du territoire. Depuis son village, il va vivre cette marche vers l’indépendance qui coïncidera avec la fin de la dictature portugaise en 1974. Durant ces années troublées, l’enfant se réfugie déjà dans le dessin. Son adolescence se construit à l’image d’un rêve sans cesse brisé par les coups d’état successifs.

L’utopie d’Amilcar Cabrol, le héros de ce temps, ne résiste pas aux réalités du terrain. L’homme d’état avait mis en garde et pointé l’impérialisme comme paradigme. Hélas, le pays, trop pauvre ne peut être en effet que dépendant des pays riches qui le subventionnent encore aujourd’hui (on imagine les contreparties) à hauteur de 75% du budget national. Trop pauvre et donc livré aux trafiquants qui font de cette région la plaque tournante du trafic de cocaïne. Mais le premier président du pays indépendant avait ajouté qu’il fallait se libérer de tous les exploitants qu’ils soient blancs ou…noirs. Ces noirs du pays lui-même mais aussi ceux des autres pays africains qui reproduisent, entre eux, les pratiques machiavéliques du capitalisme.

En 1989, Nù Barreto rejoint la France mais n’oublie rien. Ses cris traversent ses dessins en noir et rouge mais aussi ce tableau dans lequel il jette sur le constat d’échec, un espoir. Les 54 étoiles des pays africains ne sont pas alignées mais « dégringolent » dans le plus inattendu désordre. Elles disent combien au lieu de s’unir autour d’un idéal commun qui pourrait, enfin, garantir une autonomie, elles vont à la dérive et s’ignorent.

Le titre précise : « La source (Les Etats-Désunis d’Afrique) ». Car, sur ces étoiles, Nù Barreto accroche des « objets ». Dans l’un des tableaux similaires, ce sont des épingles à sureté, dans un autre, à la manière de pendeloques, des os de boucherie. Dans celui-ci, des livres écrits par des romanciers, des poètes, des historiens et des essayistes africains (ou de la diaspora) qui portent haut la conscience et la richesse d’une Afrique à venir. C’est la première fois, alors qu’il a gagné une réputation internationale que cet artiste expose en solo en Belgique.

Galerie Nathalie Obadia. 8 rue Charles Decoster (1050 Bruxelles). Jusqu’au 26 octobre. Du mardi au samedi de 10h à 18h. www.nathalieobadia.com

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