On sait depuis Victor Hugo combien une tache d’encre déposée sur un papier humide peut éveiller notre imagination. Il en va de même avec les nuages quand on prend le temps de les regarder ou encore, comme le suggérait Léonard de Vinci, un vieux mur lépreux.
Mais pour voir, soudainement, dans cette forme sans nom apparaître un visage, un museau de chien, et bientôt une histoire qui nous ressemble (merci Rorschach), il s’agit de se mettre entre parenthèses. Entendez, dans une disposition d’esprit entre veille et sommeil, réceptacle des plus étranges souvenirs ou traumatismes surgis par effraction de l’inconscient. Ainsi travaille à Los Angeles, la bosniaque Maja Ruznic.
A partir d’une première forme pâle née au centre de la feuille mouillée, l’artiste dépose ici un contour, là un autre point de couleur qui aussitôt s’agrandit et devient un regard. Le sujet bientôt se précise à coup de petits ajouts gouachés comme dans ce corps dressé et informe (on songe à celui d’un animal marin). Mais que sort de sa bouche ? Un trop plein longtemps retenu ? Un souffle ultime. Ses deux mains posées sur le ventre sont bien fragiles. Maja Ruznic ignore elle-même (sans doute) la raison de ces étrangetés mais elle les sait essentielles. SI elles ne l’étaient pas, il ne s’agirait ici que d’un jeu gratuit, petit frisson et esthétique galvaudée. Or, la présence de cette figure demeure bien après que l’on ait quitté l’image. C’est un très bon signe.
Bruxelles, Galerie d’Ys. 11, rue de l’Arbre bénit (1050). Du 1er mars au 19 avril. Du je au sa de 14 à 18h ; di de 13 à 15h. www.galeriedys.com
