Nancy Seulen, sans titre, 2021. © Nancy Seulen

L’oeuvre de la semaine : A pas feutrés

Guy Gilsoul Journaliste

« Prends ta personnalité et enferme-la dans un coffre-fort. » Ce mot du peintre verviétois Maurice Pirenne (1870-1968) convient particulièrement à l’oeuvre de Nancy Seulen (°1967) aujourd’hui présentée dans un espace où les livres murmurent aux alentours des dessins et des tableaux.

Pourtant, plus d’un siècle sépare ces deux sensibilités discrètes attentives aux chuchotements des lieux clos et des lumières emprisonnées. Pour lui, comme pour elle, l’actualité du monde et des modes comptent peu au regard de la richesse des détails surpris dans les secrets d’un couloir, d’une chambre ou d’une porte entrebâillée.

Chez le peintre wallon dont l’oeuvre apparait aux dernières années du XIXe siècle, ce détail (un bouquet de fleurs, une bouteille, une table) immergé dans la banalité des lieux de l’intimité, crée un point de couleur, une note plus aigüe posée sur les harmonies rabattues.

Chez Seulen ce détail, plus allusif encore (un meuble, une silhouette) est davantage absorbé par les vibrations chromatiques des lumières de l’air. Comme si celles-ci, dans l’indistinct, protégeaient l’artiste d’un dévoilement. Dès les premiers travaux où, comme chez Lebrun, se mêlent le travail au pinceau et le crayonné au pastel, l’écriture évite la forme et le cerne.

Comme dans les dessins de Cézanne, voire de Mondrian, les traits s’interrompent, se chevauchent et se croisent, mordus dirait-on aux endroits où on attendrait la fermeté d’un contour, suggestifs davantage que descriptifs. Depuis les premières années aussi, le chromatisme tout en tonalités, se construit sur peu d’écarts, noyé entre les verts grisés et les jaunes de terre auxquels parfois, rarement, vient s’ajouter un bleu très pâle.

Mais depuis peu, aux espaces clos et aux fenêtres lointaines, Nancy Seulen, renonçant aux angles droits des fenêtres, choisit l’arcade, ouverte sur un au-delà associé cette fois au paysage et au végétal et, du coup, provoque les contrastes entre l’ombre et l’éclat de lumière. Parfois, une forme plus sombre indique une présence humaine. Mais est-ce vraiment cela ? Ou, une statue abandonnée dans un jardin dont, une fois encore, on ne saura rien.

Reste à l’oeil du visiteur à traverser les textures de l’oeuvre, à chercher à ouvrir « le coffre-fort ». Mais l’énigme demeure, entre les lignes, comme entre les mots de l’écrivain.

CFC éditions, 14 Place des Martyrs à Bruxelles. Jusqu’au 5 juin. Du mardi au samedi de 10h à 18h. www.maisoncfc.be

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