Bruxelles. © Belga

L’impact de la crise sanitaire sur les droits des femmes est négatif

L’impact de la crise sanitaire sur les droits des femmes est négatif, selon Sylvie Lausberg, présidente du Conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB), qui appelle à l’élaboration d’un plan global car les conséquences touchent à tous les pans de la vie des femmes.

Violences, emploi, bénévolat, familles monoparentales, salaires, professions dites non essentielles, pauvreté, coût de la crise sanitaire en termes de soins et d’hygiène, santé sexuelle et reproductive, santé mentale… Sylvie Laubserg a identifié, lors d’une présentation devant le Sénat début février, dix domaines dans lesquels les discriminations envers les femmes se sont exacerbées à l’aune de la crise sanitaire.

« Globalement, l’impact de la crise est négatif pour les femmes », souligne-t-elle auprès de Belga. « Les femmes ont souffert du confinement et continuent de souffrir. Il y a des conséquences dans tous les domaines. (…) Cela vient de tous côtés », d’où la nécessité d’un plan global, plaide la présidente du CFFB.

Inciter la population à rester à son domicile n’a par exemple pas réduit le harcèlement de rue dont les femmes sont victimes au quotidien. « On peut se poser la question de savoir comment, dans un espace public qui était plus ou moins déserté puisqu’on était empêché de sortir, les femmes ont eu tout autant de difficultés à pouvoir se déplacer sans subir » regards et insultes, s’interroge la présidente du CFFB.

Un constat partagé par Plan International Belgique qui, sur base des témoignages reçus par l’ONG, souligne que « les lieux publics et les rues sont maintenant plus souvent vides, ce qui facilite le harcèlement des femmes par leurs agresseurs. Ils ont désormais moins de chances d’être interpellés par les autres passants ».

L’intimidation sexuelle dans l’espace public a parfois pris une forme différente. « Pendant le confinement, des filles ouvraient la fenêtre vu le beau temps et des garçons les harcelaient depuis le trottoir, en passant la tête par la fenêtre », raconte Mme Laubserg. Plan International relève, de son côté, que les restrictions ont parfois « amélioré » la situation à certains égards. Avec les bars fermés et les événements publics annulés, « il y a moins d’endroits où l’intimidation sexuelle peut avoir lieu ».

La maternité a également souffert en ces temps de crise sanitaire. « Les femmes qui ont dû accoucher se sont retrouvées dans des situations désagréables avec l’imposition du masque, le père qui n’a parfois pas pu assister (à l’accouchement, NDLR), etc. », pointe Sylvie Lausberg.

« Il y a une rupture dans la construction de la maternité », abonde Paola Hidalgo, déléguée à la communication socio-politique de Bruxelles-Laïque, régionale bruxelloise du Centre d’action laïque. Séparation de la mère et du nouveau-né si la première est testée positive, imposition du masque même si l’Organisation mondiale de la santé ne le recommande pas… Certaines pratiques dans les maternités posent question, selon Mme Hidalgo. « On a perdu de vue l’intérêt de la patiente et du nouveau-né. On a une approche du Covid en termes de risque zéro alors que toute l’expérience des épidémies, comme celle du sida, a démontré qu’il ne s’agit pas de l’approche la plus porteuse en termes de prévention », souligne-t-elle.

« Des maternités ont imposé pendant la première vague un scanner du thorax (pour vérifier la présence du virus, NDLR) alors que cela augmente le risque de cancers chez les femmes enceintes. Il y a eu des approches nocives pour la santé des femmes », dénonce Mme Hidalgo, qui a récolté des témoignages pour un court-métrage sur l’impact du Covid-19 sur la santé sexuelle et reproductive des femmes, sorti le 7 mars.

Sylvie Lausberg et Paola Hidalgo déplorent également l’absence d’harmonisation des pratiques. Tous les hôpitaux n’ont pas appliqué les mêmes mesures, ce qui est source d’inégalités. « Le genre a été méprisé (par les autorités). Sans cette attention, il n’y a pas eu d’indications claires et les services hospitaliers ont pris des mesures au cas par cas, sans concertation ou preuves scientifiques. (…) On se retrouve dans de l’arbitraire et sans prise en compte des besoins de base, ce qui mène à des situations d’abus et de maltraitance », déplore Paola Hidalgo.

Un point positif tout de même: la diminution du nombre de naissances prématurées lors des confinements. « Cela montre que les soins prénataux ne tiennent pas suffisamment compte des besoins des femmes pendant leur grossesse. Si elles ne sont pas obligées de se déplacer, de travailler et ne sont pas soumises à des obligations sociales, elles vivent mieux leur grossesse. »

Par ailleurs, Sylvie Lausberg craint une « précarisation effrayante » des femmes alors qu’elles sont nombreuses dans les secteurs toujours à l’arrêt, comme l’horeca, ou qui viennent de rouvrir (coiffure, esthétique, etc.). En outre, « la déstructuration des horaires, de la façon de travailler et de gérer la famille a un impact sur les couples. Après le premier confinement, on a constaté une explosion des séparations et des divorces ». Or, les femmes accusent une perte plus importante et plus longue de leurs revenus après une séparation.

Autre révélateur des discriminations envers les femmes, selon la présidente du CFFB: la part importante du travail bénévole réalisé par celles-ci. « Beaucoup ont cousu des masques bénévolement après leur journée de travail. Ceci est révélateur d’une société qui se repose beaucoup sur les femmes dans le monde associatif pour prendre en charge des missions qui devraient être rémunérées ou prises en charge par l’Etat. »

Tout ceci inquiète la présidente du CFFB, alors que les femmes disposent aussi de moins d’épargne. « Elles n’ont pas de bas de laine pour suppléer le temps que la crise passe. On ne peut pas dire qu’elles sont plus touchées par le chômage mais les conséquences sont plus lourdes. »

Contenu partenaire