3 février 2017, Ougrée, cérémonie en hommage au bourgemestre de Seraing et politicien (PS) Gaston Onkelinx, décédé à l'âge de 84 ans. © Belga Image

L’hommage à Gaston Onkelinx : j’y étais, et tout est vrai

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Il était Limbourgeois, né à Jeuk en 32. Il était arrivé à Liège et avait marié la plus belle Germaine de Kabylie. Il avait fait des enfants et de la politique. Gaston Onkelinx est mort. On lui a rendu hommage, l’autre vendredi, à Ougrée-bas.

C’était dans ce que la Wallonie administrative appelle une salle polyvalente, avec son intérieur bâchés, ses cénotaphes aux morts pour la patrie décrochés d’une plus vieille maison communale, ses baies vitrées grigneuses, ses toiles d’araignées qui escaladent un plafond trop haut, ses lattes métalliques qui dépendent de ce trop haut, et ses câbles électriques apparents, qui lui donnent cet air de Beaubourg pas par exprès que se prennent un peu trop de Wallons.

C’était à côté du haut-fourneau d’Ougrée, dans le creuset wallon.

Derrière le cercueil du père flamand, on a vu la plus belle Germaine liégeoise, qui pleurait, couler l’alliage de nos peuples wallons. On a vu sa famille comme le résidu d’une forge centenaire et c’était à peu près la nôtre. On a vu des crollés et des lisses, des Diaz et des Reciputi, des Collette et des Uyttendaele -la notice nécrologique invitait dans les journaux à venir rendre hommage en face du Standard, elle fait foi.

On a vu des berlines noires et des SUV blancs. On a vu des petits-fils beaux comme des footballeurs du Standard et des petites-filles belles comme des femmes de footballeurs du Standard, on a même vu un constitutionnaliste fumer la pipe et une vice-présidente de Parti socialiste avec un sourire très triste.

Et on a vu des Bruxellois et des Flamands sortir de leur berline à eux avec un autre sourire, un sourire crispé de surprise, comme s’ils n’avaient jamais rien vu de ce creuset wallon, et pas ses scories non plus, celles qui portent des baskets British Knights, un sac de courses incertaines ou un k-way de la Province de Liège. On en a vu beaucoup, de ces sourires surpris et crispés qui venaient de loin.

On a vu un bourgmestre de Bruxelles, un de Mons, un de Woluwé-Saint-Lambert et même un d’Evere mais lui quand il passe les gens disent « c’est qui encore celui-là c’est un Flamand ? ».

On n’a rien vu de l’intérieur de la salle polyvalente, parce qu’elle était bourrée et que même une minuscule madame avec sa doudoune qui disait « j’aime bien les discours je vais essayer d’entrer » n’a pas pu entrer. Et on n’a presque rien entendu, sauf un petit-fils qui parlait de Madeleine de Proust comme tous les petits-fils de funérailles, sauf des notes de l’Internationale et sauf un vieux de Daniel Guichard, rien que de l’ordinaire pour le Wallon ordinaire.

On a vu un tout vieux monsieur au visage bouffi mais bon s’approcher avec une mine très triste d’un monsieur plus jeune qui travaille quelque part. On l’a entendu lui dire avec un accent tombé de l’autre côté des Pyrénées, celui d’un enfant de la Retirada buriné par les luttes sociales que « c’était très triste hein mais ça me fait plaisir de te vouare ». On l’a entendu ne pas attendre la réponse du monsieur qui travaille quelque part, et on l’a entendu lui demander « Ma tou lo sé toua lé nome dou propriétaire dou terrain près de la coumoune ? Il m’intéresse tou comprends lo terrain? »

On a vu un deuxième vieux monsieur dire à un troisième vieux monsieur que le président du Parti socialiste était là depuis neuf heures moins quart, une heure avant l’invitation. On a entendu le troisième vieux monsieur demander au deuxième vieux monsieur de quel président du Parti socialiste il parlait, celui de la Fédération de Liège ? Et on a entendu le deuxième vieux monsieur lui répondre que non bien sûr, quelle idée, qu’évidemment il parlait du président de la section du Parti socialiste d’Ougrée -ou de Neupré, on n’a pas bien entendu, en fait.

On a vu André Gilles et Alain Mathot partir les premiers, très vite après le discours d’Alain Mathot à la mémoire de son prédécesseur, et on a entendu un mari dire à sa femme « Tu crois qu’ils sont seulement venus pour le jeton de présence ? »

Par contre on n’a pas vu Willy Demeyer repartir, parce qu’il a parlé longtemps avec les gens qui vidaient la salle et nous pas, et qu’il était encore là quand la salle était vide et nous plus.

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