Carte blanche

L’évasion fiscale prive la Belgique de 30 milliards par an (carte blanche)

Alexis De Boe et Charles Lejeune, conseillers CPAS Ecolo de Watermael-Boitsfort, estiment que le moment est bien choisi, après la crise du coronavirus, pour mettre la question de la lutte contre l’évasion fiscale à l’agenda politique.

La crise économique et sociale consécutive à la pandémie de Covid-19 nous confronte à des chiffres qui donnent le vertige. À la mi-juillet, le surcoût pour les finances publiques s’élevait déjà à 14,4 milliards d’Euros et le déficit de la Sécurité sociale pour 2020 est estimé à environ 10 milliards.

Mais il est un autre chiffre qui a de quoi donner le vertige et qui mériterait davantage l’attention. L’évasion fiscale engendre chaque année un manque à gagner de quelque 30 milliards d’Euros pour les caisses de l’État ! Ces 30 milliards seraient bien utiles à nos gouvernements pour faire face à la crise économique et sociale que nous traversons.

À titre de comparaison, le déficit de la Sécurité sociale pour 2019 était de 1,45 milliard. Autant dire que les 30 milliards qui manquent chaque année à l’appel permettraient de garantir enfin aux allocataires sociaux de disposer d’un revenu digne au moins égal au seuil de pauvreté. 30 milliards, c’est aussi, par exemple, près de quatre fois le budget annuel consacré à l’éducation en Communauté française !

La lutte contre l’évasion fiscale : une alternative à l’austérité

Depuis le mois de mars, l’urgence a imposé aux États de dépenser sans compter. Mais aujourd’hui, commence à se poser la question légitime: où va-t-on trouver l’argent pour financer toutes ces dépenses ?

Ceux qui ne juraient ces dernières années que par l’austérité se font plus discrets. C’est qu’elle a aujourd’hui mauvaise presse. Les sacro-saints critères budgétaires de Maestricht, qui étaient devenus un dogme, ont été balayés par le Covid et les économies aveugles imposées aux hôpitaux et aux maisons de repos ont démontré leurs méfaits.

Les tenants des politiques d’austérité retrouvent toutefois déjà de la voix pour faire valoir que les dépenses ainsi engagées vont faire exploser la dette publique, culpabilisant ainsi les générations futures qui en porteront le poids. Par contre, pas un mot sur l’évasion fiscale qui, de par l’important manque à gagner pour les caisses de l’État qu’elle génère, creuse implacablement les déficits publics.

Dans ce contexte, le moment est donc bien choisi pour mettre la question de la lutte contre l’évasion fiscale à l’agenda politique, alors que de plus en plus de nos concitoyens exigent, à juste titre, davantage de justice fiscale.

Suite aux dépenses colossales nécessitées par la gestion de la pandémie du Covid-19 et de ses conséquences sociales et économiques, les partis qui vont négocier la formation du prochain gouvernement devront trouver des moyens financiers pour garantir le financement des services publics et de notre protection sociale. La lutte contre l’évasion fiscale, qui prive les finances publiques de dizaines de milliards d’Euros par an, doit être une priorité.

Une pratique illégitime qui doit devenir illégale

Si la fraude fiscale est par nature illégale, ce n’est pas le cas de l’évasion fiscale. Si les contribuables les plus riches et les multinationales qui y recourent flirtent souvent avec l’illégalité, elle est rendue possible par le recours à des montages financiers légaux qui permettent de choisir entre plusieurs voies la moins imposée. Les partis libéraux et conservateurs concèdent que ces pratiques sont immorales mais ils s’abritent derrière leur légalité comme si elle était une fatalité. Or, c’est bien le rôle du législateur de rendre illégal ce qui est incivique et donc illégitime. L’enjeu est donc bel et bien politique, au sens noble du terme.

Mais l’évasion fiscale a aussi ses partisans sans complexe qui y concourent d’ailleurs activement : un certain nombre d’avocats fiscalistes, d’experts comptables et de réviseurs d’entreprises. L’un des plus emblématiques est l’avocat (et professeur de droit fiscal à l’ULB) Thierry Afschrift. Sur la page d’accueil de son site Internet, ce dernier revendique que « l’évasion fiscale est un droit fondamental du contribuable ».

Une action concrète, rapide et sans frais

ATTAC Bruxelles a lancé il y a quelques mois une action concrète, rapide et sans frais. Elle consiste à déposer des plaintes déontologiques contre ces fiscalistes qui organisent l’évasion fiscale auprès des Ordres professionnels concernés. L’objectif est d’exprimer largement l’indignation face à une évasion fiscale illégitime qui doit être rendue illégale !

À ce jour, plus de 250 citoyens et 16 associations et plateformes associatives regroupant 460 associations ont déjà déposé plainte.

Mode d’emploi : http://bxl2.attac.be/plaintes/

Alexis De Boe et Charles Lejeune, conseillers CPAS Ecolo de Watermael-Boitsfort

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