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« L’évaluation doit faire partie intégrante du processus d’apprentissage »

Caroline Lallemand Journaliste

Natacha Duroisin, professeure à l’Ecole de Formation des Enseignants de l’UMons, aborde pour Le Vif les effets de la crise sanitaire sur les apprentissages scolaires.

Une étude réalisée aux Pays-Bas conclut que les élèves du primaire font face à une perte d’apprentissages équivalant à un cinquième d’une année scolaire, soit l’équivalent de la période pendant laquelle les écoles sont restées fermées lors du premier confinement. En est-il de même pour les élèves belges ?

Les réalités scolaires aux Pays-Bas sont différentes. Depuis cette année scolaire, l’organisation a été différente dans les différents pays européens. Il est difficile de les comparer dans ce contexte. Il ne faut donc pas imaginer que les conclusions dégagées par l’étude aux Pays-Bas sont les mêmes pour notre pays. En Belgique, les choses sont parfois très différentes d’une école à l’autre, voire même d’un enseignant à l’autre. Quand on interroge les enseignants sur les retards d’apprentissages que ce soit au niveau primaire ou secondaire, certains disent oui, qu’il y a encore du retard, d’autres disent qu’ils ont réussi à le résorber.

Les enseignants se sont focalisés sur les u0022essentielsu0022. On peut espérer que les bases les plus importantes sont acquises malgré la crise sanitaire.

Ce retard dans les apprentissages peut-il être rattrapé ?

Les enseignants se sont focalisés sur les « essentiels ». On peut espérer que les bases les plus importantes sont acquises malgré la crise sanitaire. Il ne faut pas se voiler la face, pour la plupart des enseignants, il n’est pas toujours possible en temps normal d’arriver à la fin du programme. Cela permet de remettre certaines choses en perspective. Il faudra aussi être attentif lors de la rentrée prochaine à ce que les élèves du secondaire en hybridation puissent récupérer leur retard tout en acquérant de la nouvelle matière. On a observé que les enseignants ont beaucoup plus de difficultés à donner de la nouvelle matière en distanciel.

Quel est l’impact de la crise sur la motivation des élèves ?

Les enseignants que nous avons interrogés mettent en évidence le fait que l’enseignement hybride est compliqué pour certains élèves qui ne donnent plus signe de vie. Mais pour d’autres, cela fonctionne bien. Ils évoquent à de multiples reprises le fait que les élèves ont parfois la difficulté à s’imposer un rythme de travail quand l’enseignement ne se fait pas à l’école. Cela va impacter les apprentissages et les résultats.

Cette crise creuse-t-elle les inégalités entre élèves ?

Ce que nous pouvons retirer de nos enquêtes auprès des enseignants, c’est que les retards des élèves en difficulté ou qui avaient décroché avant la crise se sont accumulés. Le fossé se creuse entre les élèves plus avancés et ceux plus en difficulté. Cela est notamment dû à cette perte de rythme, à cette difficulté de s’organiser à domicile. En primaire, les enseignants nous disent qu’ils fonctionnaient durant le confinement davantage avec l’envoi d’exercices à imprimer et à numériser et renvoyer à l’enseignant en retour parce que les plus jeunes sont fortement désarmés face à l’utilisation des nouvelles technologies.

A côté des épreuves certificatives externes qui auront bien lieu cette année (CEB en fin de 6e primaire, le CE1D en fin de 2e secondaire et le CESS en fin de rétho), des questions se posent sur les examens à organiser dans les autres niveaux. Faut-il les prévoir, selon vous ?

L’évaluation doit faire partie intégrante du processus d’apprentissage, c’est important pour savoir si l’élève a progressé ou, au contraire, accumulé du retard. Il faut tenir compte de l’enseignement hybride des classes du secondaire. L’évaluation doit permettre de progresser, mais pas de sanctionner. Il faut que les enseignants soient bienveillants même s’ils le sont déjà au quotidien. C’est dommage que les évaluations aient ce côté stressant, mais au plus on va évaluer, au plus le stress va diminuer. Certains enseignants nous disent d’ailleurs qu’ils ont multiplié ces derniers temps les évaluations, non pas pour sanctionner les élèves, mais plus pour les rassurer, voir où le bât blesse afin de leur venir en aide, notamment en proposant de la différenciation. Cela ne peut passer que par des évaluations régulières et sommatives. Le rôle des conseils de classe en fin d’année est aussi très important.

L’évaluation doit faire partie intégrante du processus d’apprentissage, c’est important pour savoir si l’élève a progressé ou, au contraire, accumulé du retard.

Comment préparer au mieux la prochaine rentrée ?

Il est important de déjà penser à la rentrée 2021-2022. Si l’enseignement hybride se poursuit, on ne peut pas faire l’impasse sur une réflexion sur les conditions les plus efficaces pour mener cet enseignement. Doit-on l’organiser un jour à la maison, un jour à l’école ou alterner une semaine sur deux ? Ces façons différentes de fonctionner ont des impacts différents sur les élèves. Nos hypothèses doivent encore être confirmées, mais, a priori, on voit à travers les contacts qu’on a avec les enseignants que quand les élèves sont plus régulièrement à l’école, cela influence positivement l’apprentissage. La taille des groupes influence aussi grandement la qualité d’enseignement et d’apprentissage. Chaque école s’est organisée en FWB comme elles pouvaient, Il est difficile d’avoir un point de vue univoque et clair tant les situations sur le terrain sont différentes.

Comment l’école peut-elle tirer profit de cette crise sanitaire ?

La crise doit permettre à l’école de faire un bond en avant en matière de numérique dans l’ensemble des niveaux scolaires. Les situations sont, encore une fois, très différentes d’une école à une autre, cela dépend du milieu socio-économique ou des affinités des enseignants avec les nouvelles technologies.

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