La commande passée par la Grèce à Ougrée-Marihaye pour construire et rénover son chemin de fer aurait pu booster la sidérurgie wallonne. © Cramdog/Delcampe.net

L’embrouille grecque qui piégea les Belges…

Comment en 1951, les Grecs mauvais payeurs ont mené la Belgique à un clash avec les Etats-Unis qui a failli la priver de l’aide du plan Marshall. Le Vif/L’Express exhume les archives d’une sulfureuse saga politico-financière qui a duré vingt-cinq ans.

« A plusieurs reprises, le gouvernement a tendu la main à l’Etat hellénique, l’invitant à faire une proposition. Cette proposition pouvait tenir largement compte de la situation particulière dans laquelle se trouvait la Grèce, qui avait enduré les épreuves et les souffrances de la guerre, qui avait ensuite lutté si énergiquement pour son indépendance et qui se trouve à nos côtés dans le combat que nous livrons pour la défense de notre civilisation occidentale. (…) Malheureusement, nos efforts ont été vains. Le gouvernement grec s’est borné à déclarer que s’il n’avait pu encore s’acquitter de ses obligations, cette situation n’était due qu’aux difficultés financières et monétaires qu’il avait rencontrées et à l’impasse financière à laquelle il avait été acculé. »

Ces propos n’ont pas trop mal vieilli. Ils ont pourtant soixante-quatre ans. L’orateur du jour s’appelle Joseph Meurice, ministre belge du Commerce extérieur de son état. Ce 24 avril 1951, il a une bien triste nouvelle à communiquer aux élus du peuple belge: les Grecs, incorrigibles mauvais payeurs aux poches désespérément trouées, viennent involontairement de pousser la Belgique à la faute. Et la plongent dans un gros embarras.

Pourquoi subitement tant de rancoeur et de hargne? Parce qu’une bien pénible affaire est remontée brutalement à la surface. En 1925, la Socobelge, le bras commercial du groupe sidérurgique wallon Ougrée-Marihaye, décroche la timbale: l’Etat grec lui passe commande pour la construction et la remise en état de son chemin de fer. Au total, des contrats sont signés pour 21 millions de dollars or. C’est Byzance. Sauf que dès 1932, c’est la bérézina. Athènes, se déclarant dans la dèche, cesse de payer les fournitures. De guerre lasse, la société lésée réclame réparation en justice contre l’Etat grec. Elle appelle à la rescousse le gouvernement belge pour qu’il porte l’affaire devant la Cour permanente de justice internationale de La Haye. L’action est payante: 1936, l’Etat grec est condamné à verser à la Socobelge 6,8 millions de dollars or. Victoire, mais sans lendemain: Athènes fait le gros dos. Pas un sou grec n’est versé pour les locos belges déjà livrées, les lignes déjà créées et les contrats rompus. Adieu les millions!

La Seconde Guerre mondiale fait passer l’ardoise par pertes et profits. Mais en novembre 1950, la Socobelge apprend que l’Etat grec a déposé à la Banque de Bruxelles quelque 400 millions de francs belges. La société se tourne vers la justice bruxelloise pour obtenir une saisie-arrêt sur ces avoirs. Le gouvernement belge, alors intégralement catholique, s’associe à l’action devant les tribunaux. Mal lui en a pris, l’initiative va provoquer le premier clash d’envergure depuis la fin de la guerre avec les Etats-Unis, acteur surprise de cet imbroglio, et une piteuse reculade du gouvernement belge. De quoi pester longtemps encore sur ces maudits Grecs…

Le récit complet de cette saga politico-financière est à lire dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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