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« L’effet ‘Daerden’ perdra assez vite en intensité »

« Le phénomène de la daerdenmania devrait assez rapidement s’estomper » après le décès dimanche en France de l’ancien ministre socialiste des Pensions, estime Philippe Marion, professeur à l’Ecole de Communication (UCL).

« A l’image d’un schéma narratif, la daerdenmania avait besoin d’épisodes pour relancer la machine. Si certains morceaux d’anthologie resteront dans la mémoire collective, l’effet ‘Daerden’ perdra assez vite en intensité », prévoit Philippe Marion, spécialiste du récit médiatique.

M. Marion attribue le succès médiatique qu’a connu ces dernières années feu Michel Daerden à la complexité du personnage qu’il incarnait. « C’était un expert des chiffres reconnu par tous et en même temps un bouffon. S’il n’avait été qu’un bouffon, le public se serait vite lassé ou aurait éprouvé une certaine honte, mais Daerden se rattrapait par ses compétences et son expertise », juge-t-il.

Michel Daerden intriguait les Français qui ne le connaissaient que sous son aspect d’homme politique décalé, notamment lors de son passage aux Enfants de la télé. « Il paraissait mystérieux aux yeux des Français qui ne comprenaient pas sa popularité en Belgique. En France, les hommes politiques ont plus de prestance », note le professeur de l’UCL.

Pour Philippe Marion, la culture belge était un terreau propice à la daerdenmania. « Michel Daerden jouait avec l’autodérision. Il dégageait de la sympathie et incarnait le bon vivant. Il donnait une autre image de la politique qui suscite une méfiance et un rejet de l’opinion publique. Papa Daerden était proche de la population, contrairement à Tonton Mitterrand qui était distant et intellectuel ».

Les médias relataient les drôleries de l’ancien ministre socialiste tout en amplifiant le phénomène de la daerdenmania. « L’amplification d’un phénomène relaté par la presse est classique mais dans le cas ‘Daerden’, il y avait un effet d’attente dans lequel se sont engouffrés les médias. On attendait tous le prochain épisode, même si une partie du public était choquée », analyse Philippe Marion.

Michel Daerden était apprécié des journalistes car il y avait toujours quelque chose à raconter à son sujet, selon le spécialiste des récits médiatiques. « Outre son côté bouffon et expert en chiffres, Michel Daerden était aussi un homme de pouvoir, figure du PS Liégeois, un personnage un peu mafieux, participant au redressement d’entreprises (comme réviseur, ndlr). Il parlait lentement mais calculait rapidement. C’est son ambiguïté qui a fait la richesse du personnage », poursuit M. Marion.

Le décès de l’homme politique pourtant controversé n’a suscité que peu de commentaires officiels négatifs, relève M. Marion. « Il y a évidemment un consensus obligatoire lors d’un décès. Mais surtout, les hommes politiques n’osent pas toucher à une image sacrée de la culture populaire ».

Levif.be, avec Belga

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