L’économie respire un tout petit peu, la santé croise les doigts, les familles pleurent (analyse)

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Pas de déconfinement avant fin janvier. Vendredi soir, le monde politique a dû trouver des équilibres, en forçant un peu la main des experts, mais en restant très strict. La tenacité est de mise, la résignation ou le désespoir pour certains. Le respect des mesures sera une gageure.

Retour sur les décisons de vendredi 27 novemre en soirée. Le Comité de concertation a tenté de négocier des équilibres, forcément délicats, pour alléger les mesures, tout en restant prudents. L’épidémie de coronavirus évolue favorablement, mais les chiffres restent préoccupants, bien supérieurs à ceux qui étaient de mise au moment du déconfinement consécutif à la première vague. Le monde politique a dû essayer de trouver juste milieu entre les appels à l’aide du secteur économique, principalement des commerces non-essentiels, et les angoisses d’un personnel soignant à bout. En prenant un risque économique très limité pour tenter d’éviter une troisième vague. Et en sacrifiant les perspectives à donner aux familles pour les fêtes de fin d’année.

Le noeud principal à trancher concernait ce triptyque délicat, qui concerne les différents pans de nos vies : économie/santé/famille. Si personne ne peut se réjouir, seule l’économie respire un peu. Le mode strict des décisions est conforme à ce que le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), et son ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, annonçaient: « Un âne ne trébuche jamais sur la même pierre ». La mauvaise gestion du premier déconfinement est resté en mémoire et, politiquement, le nouveau gouvernement Vivaldi ne voulait pas mener « une politique irréfléchie », dixit là encore Alexander De Croo. Le moment de bascule est fixé à 75 hospitalisations quotidiennes en moyenne, alors que nous en sommes encore à plus de 250, et à un taux de positivité de 3%, contre 13% aujourd’hui. Ce cap est celui de la mi-janvier, au pus tôt.

L’économie gagne à la Pyrrhus

L’économie a partiellement triomphé. Les commerces non-essentiels pourront rouvrir à des conditions strictes le 1er décembre : il était pratiquement impossible de faire autrement en raison de la concurrence des pays voisins, accrue après l’annonce faite en France en début de semaine, et des cris d’alarme du secteur. Les fédérations ont mené un lobbying intense, quelque huit indépendant sur dix menacés de disparition. D’autres attendront le 13 décembre, notamment les métiers de contacts (coiffeur, esthéticiens). Ce ne sera toutefois pas une promenade de santé pour eux: il s’agit de mettre en oeuvre des contrôles stricts, de gérer les allées et venues en investissant peut-être dans du gardiennage privé et de recevoir un nombre plus limités de clients, mais c’est le maximum que les commerçants pouvaient attendre. Par contre, l’Horeca doit attendre jusqu’à la fin du mois de janvier et risque de voir bien de ses représentants mettre la clé sous la porte. Et l’on ne parle pas du secteur culturel, de l’événement, des loisirs, des vacances… Tout un monde se meurt à petit feu avec des perspectives d’avenir « horribles », selon un représentant de l’Horeca.

La santé « croise les doigts »

Le secteur de la santé croise les doigts. A bout de nerfs, épuisé, le personnel soignant multipliait ces derniers jours les mises en garde. Les experts avaient dans leur rapport des mots très fermes en plaidant pour la prudence: « La situation reste préoccupante car la diminution est lente, le nombre de tests PCR semble se stabiliser (après plusieurs semaines de baisse), le nombre de nouvelles hospitalisations reste élevé et il y a toujours des foyers importants dans les maisons de repos, avec une pression importante sur les établissements de soins de santé. Un allègement des mesures ne peut donc pas être envisagé, les efforts doivent être maintenus. » » Le politique leur aura forcé la main, en partie. Mais en partie seulement: une grande prudence reste de mise, l’essentiel des mesures restant prolongées jusqu’à la fin du mois de février (avec évaluation à la mi-janvier), même si la « stratégie de maîtrise » élaborée par le commissaire coronavirus sera mise à l’épreuve. Quant au personnel soignant, il a reçu quelques primes ces derniers jours (du fédéral, de la Wallonie) pour lui donner du coeur à l’ouvrage.

Les familles pleurent une année 2020 pourrie

On s’attendait à un « geste » pour les fêtes de Noël, mais celui-ci sera finalement très limité. On s’attendait à des perspectives, mais l’horizon reste bouché jusqu’à la mi-janvier, voire la fin du mois de février. La bulle sociale ne sera élargie que pour les personnes isolées le soir du 24 décembre et le réveillon du 31 décembre est sacrifié au bout d’une année 2020 qui aura décidément été pourrie pour tout le monde. Il n’y aura pas de fêtes en tant que tel, pas de cris, pas de chants, pas de danses, sinon dans le cercle intime. La population, qui vit cette deuxième vague en hiver dans une lassitude plus grande que lors de la première, accueille ces nouvelles dans une forme de résignation, Un tiers des Belges ne respectera-t-il pas les mesures à Noël, comme tendant à l’annoncé une enquête gantoise? Le respect des mesures sera à nouveau une gageure pour ce long tunnel. Mais plus fondamentalement, la Belgique et l’Europe ouvriront 2021 dans un grand marasme.

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