Projet de désalination au Mozambique. L'énergie solaire est utilisée pour pomper l'eau. Elle est ensuite filtrée pour être rendue potable. © Enabel - Isabel Corthier

Jean Van Wetter (Enabel): « La coopération au développement, ce n’est pas uniquement donner de l’argent »

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

L’agence belge de coopération au développement (Enabel) accompagne la Première ministre, Sophie Wilmès, en République démocratique du Congo (RDC). Quel est son rôle, comment est-elle financée ? Entretien avec son directeur, Jean Van Wetter.

Une délégation gouvernementale, emmenée par la Première ministre Sophie Wilmès, se rend ce mercredi en RDC. C’est la première fois, depuis près de 10 ans, qu’un chef du gouvernement belge se rend à Kinshasa. Le vice-Premier ministre et ministre des Finances et de la Coopération au développement, Alexander De Croo (Open Vld), ainsi que le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité et du Commerce extérieur, Pieter De Crem (CD&V), sont également du voyage.

Une expertise technique « made in Belgium »

Outre le programme purement politique, des visites de terrain sont également prévues, dont celle d’un projet de la coopération de développement belge. C’est dans ce cadre que le directeur d’Enabel, l’agence gouvernementale belge de coopération au développement, accompagne la délégation belge. Il se rendra à Lubumbashi, au Katanga, pour visiter un projet de fourniture d’énergie. « Enabel a contribué à la rénovation des infrastructures pour fournir de l’énergie aux habitants de la ville. L’objectif était de renforcer les réseaux électriques et augmenter le taux de desserte », explique-t-il.

L’agence soutient le projet financièrement, mais pas seulement : «  »on pense que la coopération au développement, c’est juste donner de l’argent, mais ce n’est pas le cas. On n’est pas un bailleur de fonds classique, qui va donner de l’argent à un pays partenaire et le laisser se débrouiller. On amène surtout notre expertise technique. » En plus d’avoir installé deux nouveaux transformateurs, Enabel travaille avec les autorités locales pour faire les appels d’offres pour les achats des composantes techniques et accompagne, via ses experts, l’écriture du cahier des charges et la mise en oeuvre pratique.

La RDC, un partenaire privilégié

Enabel travaille avec 1500 personnes : 170 à Bruxelles et le reste sur le terrain. Cela représente 280 personnes en RDC, avec du personnel congolais, mais aussi une quarantaine d’expatriés belges et internationaux. Ces derniers amènent l’expertise technique qui n’est pas présente dans le pays, mais sont aussi chargés de la formation. « On mobilise l’expertise belge à l’international », précise le directeur. Il y a également des partenariats avec des entités publiques belges : « Par exemple, pour la formation professionnelle, on travaille avec Actiris, le Forem et le VAB. On travaille aussi avec la police dans le domaine de la sécurité ou encore avec la Société wallonne des Eaux. »

Enabel travaille sur le renforcement de la chaine de valeur, ici dans le secteur de l'ananas au Bénin. Mission: appuyer le secteur pour le professionaliser et le rendre plus efficace.
Enabel travaille sur le renforcement de la chaine de valeur, ici dans le secteur de l’ananas au Bénin. Mission: appuyer le secteur pour le professionaliser et le rendre plus efficace.© Enabel – Rosalie Colfs

Parmi les 14 pays partenaires d’Enabel, le Congo est un partenaire privilégié. « C’est un de nos plus gros contextes d’intervention. Historiquement, sur les 20 dernières années, si on regarde les budgets dépensés, c’est notre premier partenaire. C’est un pays qui entretient une relation particulière avec la Belgique », confirme Jean Van Wetter.

Un financement gouvernemental, mais pas uniquement

En tant qu’agence gouvernementale de coopération au développement, Enabel est sous la tutelle du ministre Alexander De Croo (Open VLD). Mais qui décide quels sont les projets à mener ? « La base, ce sont les besoins de pays partenaires tel qu’exprimés dans leur plan de développement national. On réfléchit ensuite à ce que la Belgique peut apporter comme valeur ajoutée, en fonction aussi des orientations politiques du gouvernement en place », explique le directeur de l’agence.

Chaque année, Enabel reçoit environ 175 millions d’euros du gouvernement belge. Cela représente environ 9 à 10% de la coopération belge. « La coopération belge au développement, ce n’est pas qu’Enabel : il y a aussi les financements des ONG, ceux qui vont aux Nations Unies, à la Banque Mondiale… mais aussi les financements qui vont aux activités liées au développement sur le territoire belge, comme Fedasil », précise-t-il.

Jean Van Wetter, directeur de l'agence belge de coopération au développement (Enabel).
Jean Van Wetter, directeur de l’agence belge de coopération au développement (Enabel).© Enabel

Actuellement, 80% du budget d’Enabel provient du gouvernement belge, mais l’agence essaie d’augmenter la part qui vient d’autres bailleurs de fonds. « L’Etat belge nous encourage à lever des fonds extérieurs. On essaie de trouver d’autres sources de financement, principalement à l’Union européenne. Ça permet de maximiser l’investissement de la Belgique et d’avoir plus d’impact. Mais aussi d’avoir une meilleure coordination de notre aide au niveau européen », explique Jean Van Wetter. Enabel collabore par exemple avec les agences de développement française, allemande ou encore luxembourgeoise : « on harmonise nos programmes pour être sûr que chacun apporte une valeur ajoutée complémentaire. La Belgique est reconnue sur une série de thématiques : gestion portuaire, développement rural, éducation, santé… »

Passer de la coopération au partenariat

Directeur d’Enabel depuis un an et demi, Jean Van Wetter a d’abord passé 4 ans dans le secteur privé et 15 au sein d’ONG. Soit les trois « piliers » de la coopération au développement : secteur privé, société civile et gouvernemental. « Le grand défi, c’est de passer d’une logique de coopération Nord-Sud à une approche globale de réponse aux enjeux globaux de notre monde. » Dans ce cadre, l’agence a distingué cinq priorités : paix et sécurité, changement climatique, accroissement des inégalités sociales et économiques, migration et l’urbanisation. « Ces enjeux concernent toute la planète. Il faut se positionner comme une agence qui a l’expertise pour répondre à ces enjeux, dans une logique de partenariat et plus une logique d’aide uniquement », poursuit-il.

Ce changement stratégique se traduit déjà dans les objectifs de développements durables mis en place par l’ONU. Les objectifs précédents concernaient uniquement les pays en voie de développement, mais ceux de la période 2015-2030 concernent tous les pays, dont la Belgique. La Belgique continuera cependant à cible son action sur l’Afrique. En tout, Enabel est présent dans 20 pays : 14 sous forme de coopération bilatérale et 6 avec des financements extérieurs, notamment l’UE. « C’est déjà beaucoup. On n’a pas vocation à être partout. Si on veut avoir un impact sur ce qu’on veut changer, mieux vaut ne pas se disperser », conclut Van Wetter.

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