Jean-Marc Nollet, coprésident d'Ecolo. © BELGA

Jean-Marc Nollet: « Il faut rendre tous les transports en commun gratuits jusqu’à 25 ans »

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Face à l’urgence climatique et aux problèmes de mobilité en Belgique, Jean-Marc Nollet, coprésident d’Ecolo, avance ses solutions. La mobilité est la priorité du programme électoral du parti écologiste en vue des élections fédérales du 26 mai prochain.

Vous plaidez pour un plan d’investissement massif dans les transports en commun, quel est-il ?

Les responsables de la SNCB me disent « il y a un manque d’attractivité », mais ce sont eux qui provoquent ce manque d’attractivité. Le manque d’investissements de ces dernières années a entraîné une baisse de la fiabilité qui a fait diminuer le nombre de voyageurs. Et qui dit baisse du nombre de voyageurs, dit offre réduite. Cette offre restreinte, à son tour, a fait perdre encore plus de voyageurs. Résultat: un moindre investissement. Il faut absolument sortir de ce cercle vicieux et cela ne passe que par un plan d’investissement public massif dans les transports en commun de l’ordre de 7 milliards d’euros sur la législature destinés à la Wallonie et à Bruxelles. Si ce plan n’est pas mis en place, il n’y aura pas de changement pour trouver des alternatives à la voiture.

Comment comptez-vous encourager les citoyens à utiliser les transports en commun ?

Tout tourne autour de la qualité du service offert. Ce confort passe, premièrement, par une place assise pour tous les voyageurs. Aux heures de pointe, on remarque que les voyageurs sont souvent debout au fur et à mesure que le train se remplit. Deuxièmement, par l’amélioration de la ponctualité. Des trains en retard posent des problèmes de correspondance. À cause de ces retards, les gens ne choisissent pas le train, car ils risquent de perdre parfois jusqu’à une heure sur le trajet. Et troisièmement, par l’amplitude de l’offre afin de coller au mieux aux horaires flexibles. Il faut donner la certitude aux voyageurs de pouvoir partir au travail en train et en bus très tôt et revenir tard dans la journée de la même façon.

Les responsables de la SNCB me disent « il y a un manque d’attractivité », mais ce sont eux qui provoquent ce manque d’attractivité.

Et les voitures de société, qu’en faites-vous ?

Aujourd’hui, un ménage doté d’une voiture de société bénéficie de 493 euros d’avantages fiscaux par mois, et 94 euros seulement pour un ménage qui utilise les transports en commun: c’est 5 fois plus ! Commençons par un rééquilibrage. Et à partir de là, on pourra investir massivement dans les transports en commun. Le système des voitures de société ne doit pas être supprimé, du moins, pas du jour au lendemain. Il y a forcément des transferts qui doivent se faire de l’un vers l’autre, mais progressivement. Il ne faut pas seulement déplacer un budget « voiture » mais aussi un budget « mobilité ».

Pour le moment, force est de constater que le « cash for car » n’a pas rencontré le succès escompté. Sur l’objectif de 15.000 bénéficiaires par an avancé par Johan Van Overtveldt, il n’y en a eu que 300. La raison de cet échec est simple: il n’y a pas d’offre de qualité en complément. Pour nous, c’est en développant cette offre que des transferts modaux vont pouvoir s’organiser. Pour l’instant, c’est une injonction qui est en l’air. Autre option que nous avançons: un budget d’aide à l’investissement dans l’habitation pour inciter les citoyens à déménager plus près de leur lieu de travail.

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Illustration© BELGA/Anthony Dehez

Cela passe aussi par le développement des petites lignes, la finalisation du RER n’est pourtant pas prévue avant 2031…

Notre volonté est de rouvrir des points d’arrêt pour les bus et les trains. C’est paradoxal d’avoir vu disparaitre 1000 petites gares depuis 1930. Nous désirons en rouvrir pour rendre à nouveau ce mode de transport accessible à tous, pour éviter de faire des kilomètres et des kilomètres pour aller prendre les transports en commun. En province, nous voulons améliorer l’articulation entre les bus et les trains. Le gros problème est là pour l’instant; dans ce manque de coordination et dans les horaires qui ne sont pas toujours adaptés.

A Bruxelles, plus de 30 gares sont sous-utilisées en termes de RER, c’est aussi le cas à Charleroi et à Liège tout comme à Mons et dans le Borinage, ou encore, à Namur. Il faut qu’on ait au moins ces villes-là qui soient desservies par un système de RER ou de REL, avec le « l » pour local.

Nous voulons aussi inciter les navetteurs à venir en vélo à la gare, en créant des parkings sécurisés pour les vélos, ou en permettant d’emporter son vélo gratuitement dans le train. Dans le cas des familles avec enfants, nous encourageons la mobilité partagée pour les trajets vers l’école.

Le modèle de transport en commun gratuit du Luxembourg n’est pas duplicable dans l’immédiat dans notre pays.

Faut-il revoir l’offre tarifaire ?

Des signaux clairs doivent être envoyés, et parmi eux, nous plaidons pour la gratuité pour tous jusqu’à 25 ans sur tous les transports en commun. Pour que culturellement, le réflexe « transport en commun » soit intégré par cette génération sensibilisée aux enjeux climatiques. C’est d’ailleurs l’une de leurs demandes prioritaires. Les jeunes devraient, selon moi, pouvoir venir gratuitement aux manifestations pour le climat du jeudi. Cela vaut la peine de leur montrer que l’utilisation des transports en commun est de l’ordre du possible. Notre proposition vaut aussi pour les chômeurs et les personnes qui émargent au CPAS pour que se déplacer ne soit pas un handicap lors de leur recherche d’emploi, par exemple.

Jusqu’à offrir les transports en commun gratuitement comme au Luxembourg ?

Le modèle du Luxembourg n’est pas duplicable, du moins, pas dans l’immédiat dans notre pays. Nos moyens en Belgique sont plus limités, des investissements doivent être réalisés. Nous abordons plutôt cette question par une dimension sociale en ciblant les jeunes, les chômeurs, les personnes au CPAS et par une différenciation sur l’âge afin de donner l’impulsion, le réflexe d’utiliser les transports en commun.

Propos recueillis par Caroline Lallemand

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