Christine Laurent

Je t’aime, moi non plus

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Graviter à bonne distance de la galaxie politique, ni trop près, ni trop loin. S’y frotter sans se perdre. Avec lucidité et honnêteté. Sans perdre de vue la moindre péripétie, le moindre remous, le plus petit des frémissements. Pas simple, certes, mais passionnant. Un exercice délicat auquel se livrent avec courage et ténacité nos journalistes chaque semaine depuis trente ans.

Ainsi l’a voulu Jacques Dujardin, créateur de notre magazine en 1983. Avec le soutien inconditionnel de notre éditeur. Objectif : informer des lecteurs de plus en plus exigeants qui nous demandent des analyses suivies, des vérifications rigoureuses de la parole politique et de la transparence. Autant de citoyens-électeurs à qui on ne la fait pas.

« Dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste », affirmait Charles Péguy. Relater les faits, débusquer les contre-vérités, dévoiler les stratégies troubles, tel est notre quotidien, l’ADN de notre magazine. Un positionnement qui n’est pas nécessairement du goût des acteurs de la vie publique. Entre les politiques et les médias, la vie n’est pas, en effet, un long fleuve tranquille, une histoire de Bisounours. Les tensions peuvent être réelles, les conflits latents, les bouderies fréquentes, les menaces larvées. De fait, nous refusons qu’on nous balade. Et parfois, souvent… des déclarations, des événements instillent le doute dans nos esprits, nourrissant l’envie d’aller y voir d’un peu plus (trop ?) près. C’est que les allées du pouvoir se veulent trop souvent impénétrables et la com’ de nos responsables de plus en plus professionnelle, voire langue de bois. Derrière le parler de certains qui semble cash, peuvent se nicher aussi l’entourloupe, le mensonge par omission, voire la manipulation. A qui se fier ? La démocratie impose de plaire au peuple, alors les fausses promesses, c’est si tentant ! Car les politiques ont aussi leurs faiblesses surtout quand un mandat est en jeu.

Alors oui, ils nous en veulent de ne pas gober tout cru les messages soigneusement préparés par leurs spin doctors. Ça les énerve, ce poil à gratter. Pour preuve, l’extrait de cette fable ironique (lire Le Vif/L’Express des 12 et 26 juillet, des 2, 9, 16 et 23 août) que son auteur, l’ex-Premier ministre Mark Eyskens, un orfèvre en la matière, a plantée au 16 rue de la Loi : « Le chef du gouvernement considérait les gens de la presse comme des sangsues obtuses, des éoliennes qui déplaçaient beaucoup d’air, des valets parasitaires, de tristes scribouillards, […], bref des encrelats ! »

Bigre ! Une pluie de compliments qui en dit long sur le regard des politiques sur notre profession ! Charmant portrait ! Allons, allons,… trop énorme pour être pris au sérieux. Des pinailleurs, des éoliennes, des encrelats, nous ? Qui pour le croire ? Mais à l’occasion de notre 30e anniversaire, que nous fêtons dès ce numéro avec une rétrospective de l’actu impertinente signée Nicolas Vadot, nous avons voulu en avoir le coeur net. Elus, journalistes, je t’aime, moi non plus ? Amour, désamour ? Réponse sur notre site www.levif.be sur lequel nous diffusons depuis ce mercredi un spectacle décapant signé Eric De Staercke et Bruno Coppens créé sur mesure pour Le Vif/L’Express. Un Impro Justicia débridé sous forme de procès en bonne et due forme sur les liaisons dangereuses entre la politique et les médias. Avec la complicité de quatre politiciens qui n’ont pas leur langue en poche. Coupables la presse, les politiques ? Innocents ? A ne manquer sous aucun prétexte.

Christine Laurent

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