Le hockey subaquatique allie vitesse, technique et apnée © E.Lukacsovics

« J’peux pas, j’ai hockey subaquatique »

Stagiaire Le Vif

Méconnu il y a quelques années, le hockey subaquatique commence à attirer de nombreux adeptes. Nathalie pratique ce sport depuis sept ans. Affiliée au club de Louvain-La-Neuve, elle s’est qualifiée pour les Championnats du Monde qui ont débuté ce 18 juillet au Québec. C’est au coeur de la piscine du Blocry dans la cité universitaire qu’elle nous plonge à la découverte de sa passion, entourée de ses coéquipières.

Nathalie est une passionnée. C’est en partant en échange en Nouvelle-Zélande avec le Rotary qu’elle découvre ce sport. « Mes condisciples de classe pratiquaient tous cette discipline. Ils m’ont proposé d’essayer. Après avoir bu plusieurs fois la tasse, j’ai vraiment pris du plaisir« .

Elle avoue que les premières fois ne l’ont pas conquise. Il a fallu quelques séances, des explications, de la patience… Beaucoup de patience ! Pour allier technique, respiration et tactique. C’est devenu une passion après un an passé là-bas. Quand elle rentre en Belgique, Nathalie se renseigne sans conviction sur un club. Surprise, elle découvre que ce sport existe dans plusieurs clubs en Belgique. Elle décide de s’affilier à celui de Louvain-La-Neuve.

Pour Nathalie, ce choix s’explique par tous les côtés attirants de cette discipline.  » C’est un sport d’équipe, dans l’eau, l’ambiance est gaie. Le hockey n’est pas super connu, donc on connait rapidement tout le monde en Belgique. On fait vite des tournois internationaux. Ce qui est chouette c’est qu’il ne faut pas avoir un niveau élevé pour y participer, on évolue vite. « 

Le hockey lui permet aussi d’assouvir une autre passion, celle des voyages. Il y a le tournoi à Parme en Italie. Il y a aussi beaucoup de tournois en Hollande, à Budapest, à Berlin, ou encore en Espagne.

 » C’est un sport d’équipe, dans l’eau, l’ambiance est gaie. Le hockey n’est pas super connu, donc on connait rapidement tout le monde en Belgique ». © DR

Pour le coach, tout le monde peut devenir joueur de hockey subaquatique. « Ceux qui viennent de la plongée ont un léger avantage quand ils commencent. Pour les autres, c’est juste une question d’entrainement. Avec des exercices d’apnée, on peut vite acquérir un bon niveau. Le meilleur exercice c’est de nager en apnée. D’abord des demi-longueurs puis des 25 mètres, puis on les enchaine. « 

Blake, ce créateur

Le hockey subaquatique voit le jour en 1954 sous l’impulsion d’Alan Blake à Portsmouth en Grande-Bretagne. Ce plongeur regrettait l’hiver qui impliquait une réduction du temps de plongé. Pour éviter de faire des longueurs seul dans la piscine, il décide de créer ce sport d’équipe. Il avait commencé avec les mêmes sticks de hockey sur gazon et puis les sticks ont évolué, ils ont même eu une forme triangulaire à une époque. Aujourd’hui, leur taille a été réduite pour ne mesurer que 30 centimètres.

Une crosse blanche et une noire achetées ensemble pour distinguer son équipe de celle adverse
Une crosse blanche et une noire achetées ensemble pour distinguer son équipe de celle adverse© DR

Palet, masque, crosse, palmes, gants, tuba et protection pour la bouche sont l’équipement de base à posséder.

2 équipes s’affrontent, 6 contre 6. Les équipes comptent quatre remplaçants en plus de ces joueurs : dix au total.

Les parties se déroulent en apnée sous l’eau. Comme pour le hockey sur gazon, le but est d’inscrire des goals dans la rigole en face avec le palet. Une courte crosse permet de mouvoir le palet de 1,3kg dans l’eau.

Chaque match se déroule en 30 minutes : deux périodes de 15 minutes avec une mi-temps de 3 minutes.

Le match va débuter. Les vingt personnes sont divisées en deux groupes. Chacun avec un coach qui établit ses tactiques. « Nathalie tu seras attaquante, Adrien tu seras en défense. » Les joueurs sont invités à endosser des rôles différents pour s’essayer aux différentes places au sein du jeu.

L’un des joueurs de remplacement dépose le palet au fond de l’eau et remonte ensuite à la surface. Il se met sur le côté prêt à remplacer un joueur à bout de souffle.

Tuuuut, le signal du départ est donné. Les deux équipes pénètrent dans l’eau en se propulsant à l’aide de leurs palmes. Tels des requins bondissant sur leur proie, les joueurs foncent vers le palet. Un des joueurs se détache et atteint le palet. Mais il fait rapidement face à un joueur de l’autre équipe. Les crosses s’entrechoquent. L’une noir, l’autre blanche pour distinguer les groupes.

© DR

Le joueur à la crosse blanche parvient par une feinte à atteindre la rigole opposée et a y placer le palet.

Les joueurs remontent alors tous à la surface. A nouveau, le palet est replacé au centre, le coup de départ est donné et chaque équipe essaye d’atteindre le palet en premier.

Durant tout le match, un ballet incessant de joueurs remonte régulièrement reprendre leur souffle à la surface avant de replonger.

Pendant le temps mort, le coach donne ses derniers conseils. « Montez à trois vers le goal, protégez au mieux celui qui a le palet. »

La deuxième mi-temps peut débuter. Un joueur audacieux tente de reprendre le palet aux blancs. Mais un coup de crosse sur le poing de l’autre joueur oblige l’arrêt du jeu et une faute de poing est annoncée, suivi d’un coup franc de l’équipe blanche.

Le gant permet de protéger le poing contre un coup de crosse ou contre un palet mal réceptionné
Le gant permet de protéger le poing contre un coup de crosse ou contre un palet mal réceptionné © DR

Comme dans les autres sports, des fautes sont possibles et des arbitres veillent au respect des règles. Un en surface et deux immergés.

Petit lexique du hockey subaquatique

La faute de poing : les joueurs ne peuvent pas avancer le palet avec autre chose que la crosse.

La faute de crosse : quand un joueur essaye de tacler un autre qui a le palet, il faut d’abord le toucher.

La faute de jeu dangereux : c‘est quand un tir atteint le visage d’un adversaire.

L’obstruction : barrer le chemin d’un joueur et l’empêcher d’accéder au palet.

« Le hockey est normalement un sport sans contact donc tu ne peux pas bloquer ou pousser un autre joueur« , informe Nathalie.

Le faux départ : le palet est au milieu, les deux équipes sont au bord du terrain et un joueur par avant le départ.

La faute du changement : « comme il y a quatre remplaçants, on change quand on veut mais il faut que le joueur soit dans la zone de remplacement avant que l’autre puisse rentrer sur le terrain »

Une communication marine tactique

C’est toute une stratégie. C’est une anticipation de l’apnée de l’autre. On ne sait pas communiquer dans l’eau. On joue avec une ligne avant, et une ligne arrière.

Tactiquement, il y en a beaucoup qui jouent avec trois avant qui jouent côte à côte et trois arrières qui se relayent.

Durant les matchs, ce sont des courtes apnées, d’environ 10-15 secondes. Après les joueurs remontent, respirent et redescendent immédiatement. « Le match continue pendant cette respiration, dix secondes peuvent jouer beaucoup donc il faut bien observer pour prendre sa respiration au bon moment. »

Ce sont des apnées courtes mais très dynamiques. « Ce sont des courtes apnées qu’on enchaîne très vite avec peu de récupération. C’est pour ça qu’il y a des remplaçants. »

Red mermaid aux Championnats du monde

Laurie, Séverine, Cindy et Nathalie sont les 4 joueuses du club de Louvain-La-Neuve a avoir été sélectionnées pour les championnats du monde à Québec
Laurie, Séverine, Cindy et Nathalie sont les 4 joueuses du club de Louvain-La-Neuve a avoir été sélectionnées pour les championnats du monde à Québec© DR

Red Mermaid est l’équipe nationale féminine belge. Nathalie explique le choix du nom. « Toutes les équipes nationales de Belgique commencent par Red et vu que c’est sous l’eau Mermaid (NLDR: sirène en anglais) semblait approprié. « 

Pour les championnats, il y a une sélection, toutes les filles de Belgique sont invitées à des stages où un coach choisit les meilleures. Ces stages se sont déroulés tous les mois à partir d’octobre. Elles étaient 15 au départ et 12 ont été sélectionnées.

Même en cas de victoire, les joueurs ne gagnent rien. Même les pays dans le top mondial, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la France ne savent pas vivre de ce sport. Ils sont tous subventionnés dans ces pays mais ne sont pas rémunérés.

En Belgique, tous les frais sont pris en charge par les joueuses, ce qui rebute certaines à se lancer en compétition internationale. Le billet d’avion vers le Canada: 700-800 euros, les stages, le maillot, la crosse : 35 à 60 euros la paire, les gants : 30 euros, les palmes en fibre de verre pour pouvoir aller plus vite : 200-250. Un budget qui grimpe vite. Et que tout le monde ne peut pas se permettre.

La participation à cette compétition demande aussi une implication en temps, Nathalie le reconnaît : « Je m’entraine 6 jours sur 7 pour les championnats du monde, 1 heure par jour. Quand on est passionné on se donne à fond même si ça demande du temps, on ne compte pas. »

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Et en Belgique?

Il y a deux fédérations régionales et une nationale : LIFRAS pour la partie francophone et NELOS pour la partie néerlandophone. La FEBRAS pour le national.

Pour les championnats de Belgique, il y a quatre manches de championnats et une manche de coupe. Cinq journées de match au total. Des tournois amicaux ont aussi lieu pendant l’année.

Avant, le Championnat national était divisé en deux éditions avec une Division 1 et une Division 2. Maintenant, il y a eu une restructuration du Championnat, il y a deux journées de championnats. Deux groupes sont formés et toutes les équipes du même groupe s’affrontent entre elles. Ensuite, 4 divisions sont constituées. « C’est pour permettre aux équipes d’avoir plus de matchs intéressants, des matchs à leur niveau. « 

En Belgique, c’est mixte. Il n’y a pas de Championnat féminin. « On aimerait avoir des équipes de filles uniquement mais il n’y en a pas encore assez qui jouent « , regrette une joueuse. Aux mondiaux, les femmes et les hommes sont séparés comme dans beaucoup de pays.

Il existe des clubs à travers la Belgique : un seul en Wallonie, Bruxelles et le reste en Flandre: Sint-Pieters-Leeuw, Dentergem, Genk, Anvers, Bilzen et un qui se développe à Bruges.

Une des raisons du manque de popularité de ce sport en Belgique reste la difficulté d’avoir des spectateurs. En championnats du monde et d’Europe, des caméras sous l’eau retransmettent les images sur un écran mais pas en Belgique. Les spectateurs ne sont donc pas au rendez-vous.

Le hockey subaquatique est-il en train de se noyer?

La piscine, le terrain de jeu de ce sport atypique, n’est pas adaptée et surtout dans un mauvais état. C’est au coeur du Blocry, le quartier de Louvain-la-Neuve, que 4 joueuses des Red Mermaid, l’équipe nationale de Belgique s’entrainent. Mais hélas elles regrettent une infrastructure qui se dégrade fortement malgré les réparations ponctuelles.

Des filets parcourent le plafond de droite à gauche de la piscine pour retenir les débris qui peuvent tomber. L’humidité est visible dans les recoins de la piscine.

Mais ce qui restreint le plus les joueurs, c’est la taille de la piscine. Pour correspondre aux conditions réelles des championnats, elle devrait faire 2 mètres de profondeur sur 12 mètres de large et 25 de long. Le manque d’investissement dans les piscines wallonnes empêche un entrainement optimal. Dans ces conditions, certains bons athlètes n’ont pas la possibilité de progresser et partent à l’étranger. Du gâchis pour le coach. La piscine d’Anvers est la seule à répondre aux différents critères en Belgique.

Ce sport est financé en partie par l’ADEPS, mais c’est « une broutille », le pratiquer coûte cher car les joueurs doivent entièrement s’équiper.

Le manque de visibilité du hockey ne permet pas de composer des équipes uniquement de femmes, elles sont donc mixtes. Le paradoxe est qu’il est impossible de recruter davantage de personne au coeur de la piscine louvaniste. Les bassins étant trop petits, une seule équipe peut jouer dans la grande profondeur à la fois.

Les championnats du monde de 2018 se dérouleront ce 18 juillet à Québec, dans une piscine à 3 mètres de profondeur. La Belgique se trouve dans le groupe A ainsi que l’Argentine, l’Australie, le Canada, la Colombie, la Nouvelle-Zélande et le Portugal. Son premier match se tiendra le 20 juillet face à l’Argentine.

L’équipe nationale part avec un désavantage de taille puisque les joueuses ne sont pas habituées à s’entraîner à cette profondeur, seul les stages de préparation se déroulaient avec ce critère. Elle sera bien en peine d’atteindre le top 10 confie une joueuse qualifiée pour les mondiaux d’une moue résignée.

Suivez les performances de nos joueuses belges sur le site officiel des championnats du Monde.

E. Lukacsovics

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