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Inondations, un mois après: l’heure des comptes

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Après la catastrophe de la mi-juillet, des questions subsistent sur l’anticipation de la crue et les secours. Groggy, les pouvoirs politiques et administratifs vont devoir rendre des comptes.

On attendait une sorte de général Georgelin, chargé de relever Notre-Dame de Paris en cinq ans au lendemain de l’incendie du 15 avril 2019. Une figure, un timing, une vision. La vallée de la Vesdre est certes moins glamour que Notre-Dame, la Belgique n’est pas un Etat jacobin, ni Elio Di Rupo un Emmanuel Macron. Ainsi, il a fallu plus de dix jours après la catastrophe des 14, 15 et 16 juillet dernier pour que le ministre-président désigne deux commissaires à la reconstruction: des juristes, fonctionnaires à plein temps, l’une du PS, Sylvie Marique (secrétaire générale du Service public de Wallonie), l’autre MR, Catherine Delcourt (commissaire d’arrondissement de Liège, remplaçante du gouverneur de la province, Hervé Jamar, au moment des inondations). Deux milliards d’euros ont été promis à la volée, sans que leur destination soit précisée (cela s’est affiné par la suite), et 202 des 262 communes wallonnes déclarées éligibles au Fonds des calamités. Soit dit en passant, une décision aux allures de saupoudrage, très mal reçue dans les communes les plus touchées, qui réclament un plan Marshall. Encore veulent-elles savoir rapidement ce qui s’est passé avec le barrage d’Eupen, accident industriel ou pas, pour éviter de se réinstaller ou de rebâtir au mauvais endroit.

Car la vague monstrueuse qui s’est abattue sur la vallée de la Vesdre n’a pas trouvé d’explication à ce jour. Le juge d’instruction en charge de l’enquête pour homicides involontaires par défaut de prévoyance ou de précaution (38 morts, une disparue) a désigné un expert qui devrait remettre son rapport pour la fin de l’été. Philippe Henry, ministre du Climat, de l’Energie, des Infrastructures et de la Mobilité, doit recevoir au même moment, le 1er septembre, le rapport commandé à un bureau d’études extérieur. En effet, la rétention et le filtrage de l’information par le gestionnaire public du barrage d’Eupen dont il a la tutelle, le SPW Mobilité et Infrastructures, a entamé la crédibilité de la parole politique. Par chance, des milliers de bénévoles – dont de très nombreux Flamands – ont été les témoins oculaires de la « scène du crime »: cette vallée dévastée d’Eupen à Chênée, de même que le bout de l’Ourthe, à la confluence avec la Vesdre.

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Autre question: compte tenu de la gravité de la situation, la phase fédérale de gestion de crise a-t-elle été interrompue prématurément, le 26 juillet? Quoi qu’il en soit des interprétations, la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden, a décidé d’implanter un « exosquelette » (cellule d’appui fédérale) dans le commissariat wallon bicéphale à la reconstruction. Certains y ont vu le constat d’une désorganisation ou incompétence wallonne, d’autres, le rattrapage de missions fédérales peu ou mal assurées: prévisions météorologiques, gouverneurs, armée, protection civile, etc. Dans tout le pays, des élus sont choqués, mobilisés, embarrassés. La valse-hésitation sur la commission d’enquête parlementaire réclamée par l’opposition CDH et PTB au parlement de Wallonie et l’appel à réunir la commission Intérieur du Parlement fédéral en témoignent.

Outre les leçons qui devront être tirées d’un événement météorologique qui dépasse l’échelle humaine, du personnel wallon de premier plan est très exposé: Philippe Henry (Ecolo), pour la gestion des barrages ; Elio Di Rupo (PS) pour celle de la crise et Hervé Jamar (MR), bien sûr, gouverneur de la province de Liège qui, malgré une « tutelle » compliquée (Intérieur et entités fédérées), est le responsable de la cellule provinciale de crise qui a ordonné tardivement l’évacuation des populations menacées. Dans la pire hypothèse, une opération cover up ne ferait qu’accroître les rumeurs et la colère.

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