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Incendie d’un futur centre d’asile à Bilzen: « Une nouvelle frontière vient d’être franchie »

Muriel Lefevre

Ce week-end, un futur centre d’asile a pris feu à Bilzen. L’incendie, applaudi par certaines personnes, est très probablement d’origine criminelle. De quoi susciter l’indignation et de nombreuses questions en Flandre.

L’incendie qui s’est déclaré dimanche soir dans un bâtiment destiné à devenir un centre d’accueil temporaire pour les demandeurs d’asile à Bilzen, près d’Hasselt (province de Limbourg), est très probablement d’origine criminelle, a-t-on appris lundi auprès des pompiers locaux. Lorsque les hommes du feu sont arrivés sur place, ils ont directement constaté des traces d’effraction. Personne n’a été blessé, mais les dégâts matériels sont conséquents. L’incendie a été remarqué vers 23h30 dans ce bâtiment, situé à Grote-Spouwen, et qui était auparavant une maison de repos. Dans l’intérêt de l’enquête, police et parquet ne souhaitent pas commenter les faits. Si ce n’est que des traces d’effraction ont bien été découvertes, ce qui laisse à penser que des inconnus ont pénétré dans le bâtiment. Le laboratoire judiciaire, un expert en incendie et un chien spécialisé dans la détection des foyers des incendies vont à présent être mobilisés.

Un projet qui avait suscité une levée de boucliers

Le fait est que la grogne était grande dans cette commune du Limbourg depuis la fin octobre, date à laquelle Fedasil a annoncé qu’il souhaitait y installer un centre d’accueil de la Croix-Rouge pour 140 personnes. Mais c’était sans compter Sylvain Moermans et Johan Hardy, deux voisins qui ont accroché des bannières à leur clôture. Une semaine plus tard, une manifestation a eu lieu avec quarante personnes. « Il y avait à peine dix visages que je connaissais « , dit Jan. « Le reste était des membres du Vlaams Belang et du Voorpost (un groupe nationaliste qui revendique l’unification de la Flandre, des Pays-Bas et de l’Afrique du Sud NDLR) qui avaient été rameutés pour l’occasion. Une autre manifestation suivra. S’il y avait bien des membres du Vlaams Belang parmi les manifestants, les conseillers municipaux de ce parti se dissocient vertement de l’incendie. « Nous condamnons l’incendie « , dit ainsi Annick Ponthier. « Ce qui n’empêche pas que nous ayons un problème avec le centre d’asile. Il abriterait 140 demandeurs d’asile, alors que Grote-Spouwen ne compte que 1 300 habitants. C’est 10% de plus. L’emplacement ne convient pas non plus. Il n’y a pas assez de place. » Mardi dernier, de nombreux habitants se sont également rendus au conseil municipal où le thème du centre d’asile était à l’ordre du jour. « La salle était comble », dit le bourgmestre Johan Sauwens (CD&V) qui lui aussi est contre le centre d’asile et qui avance les mêmes arguments que Ponthier dans De Standaard. « Nous avons reçu un appel téléphonique de Bruxelles nous annonçant qu’il y aurait un centre d’asile ici. Sans consultation. Je signale tout de même qu’il n’y a pas que des réactions négatives. Certaines personnes veulent aider les demandeurs d’asile à s’intégrer. »

Un manque de concertation ?

Une rencontre avec les riverains n’était prévue que pour le 21 novembre. « C’est beaucoup trop tard », pour Wouter Raskin, conseiller de la N-VA interviewé par De Morgen. « J’entends beaucoup de gens qui sont frustrés et en colère. Ils ont l’impression que le centre d’asile leur est enfoncé de force dans la gorge. Il n’y a pas de dialogue et leur colère n’est pas canalisée. » Et de rappeler de façon un peu perfide que lors du conseil communal la discussion sur ce point n’a commencé qu’à minuit. « Les gens qui s’étaient déplacés spécialement à cette fin ne se sont pas sentis pas pris au sérieux. Je ne veux pas établir un lien de causalité avec l’incendie criminel, mais cette façon de faire ne peut que mettre le feu aux poudres. »

L’incendie applaudi

Une vidéo du soir de l’incendie prise par un téléphone portable a été diffusée hier sur TV Limburg. On y entend un jeune homme acclamer l’incendie avec des propos très virulents « Let them fucking burn, man! Sales poulets bruns ! « Que tout le nid brûle, sales poulets ! ».

Une virulence également attestée par Jan Noé , l’un des fils de la propriétaire de l’immeuble qui était sur place dans la nuit du dimanche au lundi. « Une centaine de personnes regardaient. Quand les pompiers sont partis à la recherche d’eau, les gens ont crié : « Laissez ça tranquille ! Ils ont regardé avidement le bâtiment brûler jusqu’au sol. J’espère que les politiciens prendront une position claire à ce sujet. L’incendie est une conséquence de la haine qu’ils sèment. Nous nous attendions à des protestations, mais pas à ce point », dit-il encore dans De Morgen. « Vous savez que quand un centre d’asile ouvre, il y a de la résistance. Mais nous pensions qu’après un mois le quartier serait rassuré et que tout reviendrait à la normale. Depuis septembre, la maison de repos est vide. Les 58 résidents ont déménagé dans un nouveau bâtiment plus loin dans le village. Nous sommes donc partis à la recherche d’une nouvelle destination pour la maison de retraite. Nous avons envisagé un certain nombre d’options, jusqu’à ce que Fedasil approche notre famille. Les choses se sont ensuite rapidement enchaînées et l’idée était qu’à partir du 15 décembre, 140 demandeurs d’asile devaient aménager dans l’ancienne maison de retraite. »

Egide Noé, un autre fils de la propriétaire, regrette lui aussi tant de violence car l’incendie aurait pu se propager et faire d’autres victimes.

« Une frontière a été franchie »

« Si l’incendie volontaire est lié à l’ouverture du centre d’asile, cela rend notre société intolérante « , répond la ministre de l’Asile et de la Migration Maggie De Block (Open VLD) via son porte-parole.

« Une frontière a été franchie », dit pour sa part Jan Noé Zoon. « J’espère que les politiciens adopteront une position claire à ce sujet. Lors des dernières élections, le Vlaams Belang a remporté deux sièges à Bilzen. Le N-VA en a perdu trois, mais en ce qui me concerne, ils ne sont pas plus innocents. Leur haine me fait peur. » « La seule chose qui reste à faire », dit encore Jan, « c’est d’ouvrir le centre d’asile quoiqu’il arrive. On ne peut pas céder à la haine. Sinon, la politique n’aura plus de sens et on résoudra tout avec des bombes incendiaires. »

Pour l’instant on ne sait pas si le centre pourra un jour ouvrir ses portes, même avec du retard. La Croix-Rouge indique dans un communiqué de presse qu’elle évalue les dégâts et que les conséquences de l’ouverture ne sont pas encore connues. Des travaux de réparation seront nécessaires en raison des dommages causés par l’eau et la fumée. Il y aura également des patrouilles de police et des caméras supplémentaires dans les environs. La Croix-Rouge et le ministre De Block soulignent pour leur part tous deux la nécessité d’avoir de nouveaux refuges. « L’afflux de demandeurs d’asile s’est accru depuis l’été », déclare le porte-parole du ministre. « Nous devons offrir un accueil aux personnes qui demandent l’asile. Surtout avec l’hiver qui approche, on ne veut pas que les gens dorment dans la rue. »

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