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« Il s’agit de mettre un peu d’ordre dans les sorties des experts scientifiques »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Une interview de Georges-Louis Bouchez a donné lieu à une carte blanche très commentée. En voici les ressorts précis, qui illustrent de potentielles tensions entre politiques et scientifiques.

« Ce n’est pas aux scientifiques de plier leurs conclusions aux besoins des politiques. » La carte blanche de Caroline Vandermeeren, docteur en biotechnologie, publiée sur levif.be, fait un tabac sur les réseaux sociaux. Spontanément, celle-ci se dit « effrayée de constater les prémices d’une dérive grave dans une société démocratique : l’ingérence du pouvoir dans la communication scientifique ». Au départ de son indignation, une interview de Georges-Louis Bouchez, président du MR, à La Libre, qui l’a amenée à rédiger cette réflexion plus générale sut l’utilisation des données scientifiques par les politiques, notamment les bulletins quotidiens de Sciensano. Le prijncipâl intéressé s’est empressé de réagir, outré.

« Il faut lire correctement mes propos »

Georges-Louis Bouchez, directement visé par cette charge, nous exprime son agacement, qu’il a d’ailleurs partagée avec la principale intéressée : « Il faut lire correctement mes propos. Je parlais de la dénonciation de l’Absym (principal syndicat de médecins – Ndlr) qui indiquait que nous n’avions pas assez de médicaments, ce qui est faux ! C’est sur ce point que j’indiquais qu’il valait mieux vérifier les faits avant de lancer de telles affirmations. Quel est le rapport avec le propos scientifique ? » La dénonciation de l’Absym, relayant les craintes de nombreux hôpitaux, avait suscité une vive polémique avec les ministres libéraux flamands Maggie De Block (Santé) et Philippe De Backer (en charge de la pénurie de matériel).

Pour bien comprendre la polémique, il faut revenir au texte initial.Dans La Libre le 20 avril, Georges-Louis Bouchez s’exprime au sujet des prédictions avancées par certains experts : « Personne n’a de calendrier précis , juge-t-il. Quand et comment sortira-t-on du déconfinement ? Autant aller voir une cartomancienne… Je suis interpellé quand je vois que les uns et les autres affirment dans la presse que cela va durer 6 mois, 12 mois, 18 mois. On doit tous avoir l’humilité de reconnaître que personne n’a de certitudes, que des questions restent sans réponse. Personne ne peut dire au jour près quand on reprendra une vie tout à fait normale. »

Il ajoute : « D’autant plus que tous les débats se mélangent : je suis surpris de voir des professionnels, qui sont censés conseiller les décideurs politiques, faire le tour des médias pour parler aussi du changement climatique, par exemple… Concentrons-nous sur nos tâches. Que les experts soient présents dans le débat pour contribuer à notre compréhension de la situation, c’est évidemment très positif. Mais je le répète : évitons les pronostics, restons prudents. Je ne veux attaquer personne en particulier mais j’entends certains virologues affirmer que le taux d’immunité collective est beaucoup plus élevé qu’on imagine, tandis que d’autres virologues disent qu’il est beaucoup plus faible que ce que l’on dit. Tout ceci ne rime à rien car on n’a pas réalisé de tests sérologiques sur des échantillons représentatifs de la population. Et, par conséquent, personne ne connaît ce taux à l’heure actuelle. »

« Il vaut mieux se concerter avec le autorités »

Georges-Louis Bouchez déclare enfin : « Nous plaçons la santé publique à la première place de nos priorités. Mais dans la santé publique, il y a différents volets : les soins à donner pour d’autres pathologies urgentes, la santé mentale… Et, au surplus, nous devons prendre en compte le paramètre économique et social, l’organisation de l’État. Avant de lancer des choses un peu rapidement dans les médias, il vaut mieux se concerter avec les autorités. »

C’est alors qu’il cite l’exemple : « L’Absym (Association belge des syndicats médicaux, NdlR) a lancé l’alerte sur une baisse des stocks de sédatifs dans les hôpitaux. Les articles de presse qui ont repris ces affirmations ont cartonné sur les réseaux sociaux. Mais, le lendemain, l’Agence fédérale des médicaments et l’Absym ont publié un communiqué commun établissant que ces stocks étaient, en fait, suffisants pour quatre semaines. Aujourd’hui, pourtant, beaucoup de personnes en restent à l’idée première : on n’aurait pas assez de sédatifs pour gérer les cas de Covid-19 placés sous respirateur. On a tous une responsabilité : politiques, experts, médias… Évitons les paniques, on ne va pas tous mourir. »

Caroline Vandermeeren, qui a rédigé la carte blanche, estime qu’avec ces propos, il ‘sape la crédibilité/légitimité des scientifique » avant d’évoquer la nécessité de se concerter avec les autorités. Un directeur d’une grande banque lui rétorque, venant en soutien au président du MR: « Bien que je comprenne le fondement de votre inquiétude, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une ingérence du politique mais bien d’essayer de mettre un peu d’ordre et, pardonnez-moi, de rigueur dans la communication pêle-mêle d’une grande quantité d’individus de la communauté scientifique au sens (très) large ».

En toile de fond, ce constat: le débat entre politiques et scientifiques pourrait s’envenimer. Et ce n’est pas la fuite du rapport du groupe chargé de préparer le déconfinement qui risque d’apaiser les esprits.

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