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Il faut une calamité pour que les politiciens s’intéressent à Bruxelles

L’avenir de Bruxelles n’est pas un enjeu de la campagne électorale. Et c’est dommage.

À quelques semaines des élections, qui parle de Bruxelles? Le gouvernement Michel avait convenu de suspendre les affaires communautaires et de donner la priorité aux problèmes économiques et financiers. C’est ce qui s’est passé. Même si les résultats économiques et financiers sont décevants et que ces cinq dernières années n’ont pas été si calmes au niveau communautaire. Les discussions ont été particulièrement intenses sur l’avenir de Bruxelles. Chaque fois qu’un scandale financier éclatait à Bruxelles – et cela s’est produit plus d’une fois – la fusion des dix-neuf communes de Bruxelles a été mise sur le tapis. Après les attentats de Zaventem et de Bruxelles, le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon (N-VA), a préconisé la fusion des six zones de police de Bruxelles. Et lorsque les débris sont tombés dans les tunnels de la capitale, Laurette Onkelinx (PS) a crié que Bruxelles devrait recevoir plus d’argent.

Entre-temps, le thème communautaire est de retour. Le président du PS, Elio Di Rupo, a attisé ce feu en faisant pression pour une réforme de la loi sur le financement. Cette loi régit le montant d’argent que les régions et les collectivités reçoivent du gouvernement fédéral. La Communauté française et la Région wallonne se trouvent dans une situation financière très difficile et cette situation va encore s’aggraver dans les années à venir, comme cela a été expliqué ici il y a un mois. Mais le président de la N-VA, Bart De Wever, ne veut pas entendre parler d’une réforme de la loi de financement. Il agit en demandeur de rien, dans l’espoir que cela permettra de négocier le confédéralisme et de redéfinir la solidarité financière.

Dans ce confédéralisme, on ne sait toujours pas exactement ce qu’il faut faire de Bruxelles. Il y a dix ans, l’ancien ministre Frank Vandenbroucke (sp.a) posait la question clé : si vous divisez la sécurité sociale, que faites-vous de Bruxelles ? Les Bruxellois pourront-ils choisir entre deux systèmes de politique du marché du travail et de protection sociale ? Pierre travaillera-t-il 40 heures, et Piet seulement 37 heures ? Il n’y a toujours pas de réponse claire.

Geert Jennes, économiste au centre de recherche Vives (KU Leuven), vient de publier deux articles passionnants sur Bruxelles. La première traite de la question : faut-il fusionner les communes bruxelloises ? L’opinion dominante, certainement en Flandre, est que les dix-neuf communes et les six zones de police de la Région de Bruxelles-Capitale sont trop petites et trop chères. De plus, elles se gênent les unes les autres. Jennes tire une conclusion complètement différente : une fusion n’est pas nécessaire, car non seulement les autorités locales bruxelloises sont, en moyenne, considérablement plus grandes que les autorités flamandes, mais elles ne sont pas plus chères qu’Anvers ou Gand, par exemple, qui ne comptent chacune qu’une seule administration communale, un CPAS et une zone de police. De plus, dit Jennes,  » les grandes villes ont des habitants typiques qui attendent des services très différents : un habitant d’Uccle, par exemple, veut quelque chose de différent de celui de Schaerbeek. Cela aussi plaide contre une fusion. »

La deuxième étude de Jennes porte sur cette autre question brûlante : le financement de Bruxelles. Bruxelles devrait-elle recevoir plus d’argent ? Jennes rappelle que Bruxelles est la seule région qui a pu se refinancer copieusement lors de la sixième réforme de l’État, en échange de la division du district électoral de Bruxelles-Halle-Vilvorde. Depuis lors, Bruxelles a reçu 2 milliards d’euros supplémentaires par an par rapport aux Régions flamande et wallonne. Jennes s’est penché sur le financement d’autres villes-États telles que Genève, Berlin, Helsinki et Vienne et plaide en faveur d’une réduction drastique de ces 2 milliards. Jennes : « Non seulement la Région bruxelloise reçoit beaucoup plus d’aides fédérales que les deux autres régions, mais elle est aussi celle qui perçoit le plus de recettes fiscales, grâce à la valeur élevée de ses biens immobiliers. En conséquence, la Région de Bruxelles-Capitale dispose d’environ deux tiers de ressources par habitant de plus que les autres régions. Ces ressources ne lui permettent pas d’entretenir les tunnels, mais elle construit des ‘éléphants blancs’ tels que l’extension de son réseau de métro ».

Rien ne sera dit à ce sujet à l’approche des élections. Les politiciens ne s’intéressent pas à Bruxelles. Jusqu’à ce qu’il y ait une autre calamité. Ensuite, ils diront haut et fort qu’une fusion à Bruxelles est inévitable ou qu’elle nécessite plus d’argent. Une telle politique de calamité conduit rarement à de bons résultats.

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