Gui-Home. © guihome.be

Gui-Home : « L’humour, c’est du self-défense »

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Sa vidéo sur les attentats de Bruxelles a été vue plus de 9,6 millions de fois. Mais Gui-Home, 24 ans, préfère débusquer ses vannes dans le quotidien.  » Et si elles délivrent un message, je n’en réalise jamais la portée « , lâche-t-il.

« Mais qu’est-ce que vous foutez dans ma chambre ? » Le regard perplexe derrière ses grandes lunettes, casquette posée sur la tête, Gui-Home interpelle la salle archicomble du Théâtre de Namur. C’est là, dans ce décor de chambre d’ado en crise avec les parents et les profs, qu’il se sent le mieux. Et le carton plein de sa vidéo postée après les attentats de Bruxelles (« Je vais leur foutre mon Stabilo dans le cul, ils nous feront chier en couleur comme ça ») n’y change rien. Une capsule « un peu plus symbolique », tout au plus. Mais qui n’annonce pas pour autant un tournant dans l’humour volontairement naïf du Namurois. Rencontre.

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Le Vif/L’Express: Votre vidéo sur les attentats se démarque de vos autres sketches et de votre spectacle, ancrés dans le quotidien. Pourquoi as-tu choisi d’en parler ?

C’est la première fois que je m’autorisais, en un an et demi, à évoquer un événement aussi grave. Si cette vidéo a beaucoup parlé aux gens, c’est malheureusement parce que c’est devenu un sujet du quotidien. Elle a la particularité d’avoir été faite à chaud. Après les attentats de Paris, j’avais attendu dix jours avant d’oser lâcher trois répliques, parce que je sentais que je sortais de mon registre habituel. Quand c’est arrivé dans mon pays, j’ai décidé de la poster directement. Je trouvais juste qu’il était cohérent, avec une communauté comme la mienne, de me rendre présent dans un moment aussi difficile.

Notre humour serait-il une arme face à l’ignominie ?

Pour le moment, c’est en tout cas la seule arme qu’on a, parce qu’on ne réalise pas du tout ce qu’il se passe. Je constate, à mon modeste niveau, un basculement de l’histoire que je ne parviens pas à m’expliquer. En ce sens, l’humour est juste une arme de self-défense, de protection. Parce que la meilleure arme qui soit, en fin de compte, c’est le savoir. Voilà pourquoi, dans cette vidéo, très instinctivement, je dis aux terroristes que je leur balance mes syllabi à la gueule et que je retourne à l’école. Quand tous les jeunes auront appris, via les profs, les parents ou les médias, ce qu’il se passe vraiment et pourquoi le peuple belge n’est pas plus courageux qu’un autre, là nous aurons une vraie arme.

Même lorsqu’ils portent sur l’école, vos sketches auraient donc un message à délivrer.

Mon intention première, dans mes vidéos, n’est certainement pas de faire passer un message. Et si elles en ont un, je n’en réalise jamais la portée. Je ne suis le porte-parole de personne. D’autant que je suis suivi par des gosses de 7 ans et par des grands-parents. La capsule des attentats sera-t-elle un élément déclencheur pour moi dans une nouvelle manière de traiter l’actualité ? Je ne peux pas encore dire oui ou non à ce stade, même si mon personnage va grandir. Si demain, je fais un sketch sur le fait de devoir aller à l’école en vélo à cause d’une grève des bus, le sujet paraît débile par rapport aux attentats. Mais à l’échelle de mon personnage, c’est la même gravité. Parce qu’il ne sait pas ce qu’il se passe, parce qu’il parle, tout simplement. C’est dans ce sens-là que je continuerai mes vidéos.

L’humour belge, y compris sur le Web, prend-il une place plus importante encore dans le climat actuel ?

L’humour belge, avec ses vannes middle, parfois brutales mais acceptées par tous, a toujours joué un rôle dans notre société et dans les médias. Que ce soit pour parler des guerres ou du quotidien. Ce n’est pas une arme puissante, parce qu’on n’arrivera pas à stopper le terrorisme avec des millions de vues. En revanche, le Web, plus que jamais, a fait basculer le discours de l’humoriste, dans le sens où il permet de le rendre beaucoup plus puissant et universel. Mes vidéos, sur les attentats comme sur l’école, en sont juste un petit exemple.

Dans Le Vif/L’Express de cette semaine, le dossier de 10 pages: « Humoristes, les nouveaux leaders d’opinion ». L’avis de Nicolas Vadot, Pierre Kroll, Freddy Tougaux, Guillermo Guiz, Bert Kruismans, Thomas Gunzig, Walid, Raoul Reyers, Laurence Bibot, Bruno Coppens, Xavier Diskeuve, Sam Touzani, Jérôme de Warzée, Alex Vizorek, Charline Vanhoenacker et Myriam Leroy.

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