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Gares de Liège et Mons : « On pouvait rénover sans donner dans le luxe »

François Brabant
François Brabant Journaliste politique au Vif/L'Express

Jacques Etienne, ex-bourgmestre de Namur, administrateur d’Infrabel et avant cela de la SNCB-Holding, pourfend la politique ferroviaire mise en oeuvre en Wallonie.

Bientôt deux ans que la SNCB a adopté son plan d’investissement 2013-2025, qui balise la stratégie du rail belge à long terme. Soumis au conseil d’administration de la SNCB-Holding le 30 novembre 2012, le document a été approuvé à l’unanimité. Moins une voix : celle de Jacques Etienne. L’ancien député CDH et ex-bourgmestre de Namur venait alors de troquer son écharpe mayorale contre un mandat dans la cabine de pilotage des chemins de fer. Sur le moment, il n’a guère fait la publicité de son vote négatif. « Par loyauté », dit-il. Entre-temps, la structure du groupe SNCB a évolué, le holding n’existe plus, et Jacques Etienne est désormais administrateur à Infrabel, le gestionnaire du réseau ferroviaire. Délié du devoir de réserve qu’il s’était imposé, il explique pourquoi notre rail a pris, selon lui, la mauvaise direction.

Le Vif/L’Express : Le patron de la SNCB, Jo Cornu, a donné au mois d’août une interview au magazine Knack, dans laquelle il fustigeait l’indiscipline des cheminots. Ses propos ont provoqué la colère des syndicats. Redoutez-vous que ces étincelles nuisent aux usagers du rail, avec des grèves cet automne ?

Jacques Etienne : Contrairement aux impressions superficielles, le dialogue social n’est pas mauvais à la SNCB. On a la chance d’avoir affaire à des permanents syndicaux de bon niveau. Quant au président de l’entreprise, Jean-Claude Fontinoy, c’est un ancien ingénieur de la maison. Il connaît la musique. Il fera en sorte qu’un dialogue s’établisse. On peut toujours craindre des débordements, mais je ne suis pas sûr qu’on verra des mouvements d’humeur marqués à l’automne. Sous réserve, bien sûr, de ce que décidera le gouvernement fédéral… D’année en année, l’Etat rogne les dotations accordées au rail. Le problème découle en partie des obligations que nous impose l’Union européenne. Celle-ci a pris un cap beaucoup trop néolibéral. C’est déjà à cause de la pression européenne qu’on a dû scinder la SNCB en trois, puis en deux entités, afin d’avoir un gestionnaire de réseau distinct de l’opérateur. Sur le papier, ce schéma rêvé par des technocrates est peut-être séduisant, mais au quotidien, il pose d’énormes problèmes.

Le prochain gouvernement fédéral intégrera sans doute les indépendantistes de la N-VA. Pensez-vous que cela conduira à une « flamandisation » de la SNCB ?

La flamandisation est d’ores et déjà une réalité. Un seul exemple : la clé de répartition des investissements ferroviaires – 60 % en Flandre, 40 % en Wallonie. Ceux qui ont négocié ça sont des cornichons. Tant pis pour les personnes à qui ça s’adresse, je m’en moque. Je mesure bien que c’est un accord politique difficilement réversible, mais cela ne m’empêche pas de le juger absurde, nuisible. Par nature, la topographie est plus compliquée en Wallonie, le territoire est plus étendu et plus vallonné. A la limite, je peux admettre une clé 52-48, mais 60-40, c’est de la folie ! En plus, ce qui est vicieux, c’est que les Wallons ne peuvent dépenser la totalité de leur dû que si la Flandre écoule elle aussi l’entièreté de ses 60 %. Or les Flamands dépensent beaucoup moins que nous, car leurs projets bénéficient davantage de cofinancements privés. Donc, on est cocus dans cette affaire-là.

Si cela ne tenait qu’à vous, il n’y aurait pas eu de gare Calatrava à Liège et à Mons ?

Si l’argent coulait à flot, pourquoi pas ? Mais quand on a un budget serré, d’autres choix s’imposent. 500 millions pour Liège, 150 millions au bas mot pour Mons… Ce ne sont pas des sommes qu’on trouve sous le sabot d’un cheval. On pouvait rénover les gares sans donner dans le luxe. En matière de dépenses publiques, on doit distinguer l’indispensable, le nécessaire et le superflu. Pour moi, Calatrava, ça relève du superflu. On ne demande pas aux chemins de fer d’être un vecteur de culture. On leur demande de transporter des personnes et des marchandises dans des conditions de sécurité optimales.

Le service minimum en cas de grève est-il praticable, souhaitable ?

Souhaitable ? Oui, sans hésitation ! Je suis outré quand je vois des étudiants empêchés de se rendre à un examen à cause d’une grève. Mais comment mettre ça en pratique ? Ce n’est pas si évident que ne le suggère le libéral Willy Borsus. Plutôt que de concevoir un système où on assure le départ d’un train sur quatre, on pourrait peut-être imaginer quatre trains plus petits, avec moins de personnel. Conserver la fréquence, mais réduire le volume du trafic.

Entretien : François Brabant

L’intégralité de l’interview dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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