Le ministre MR confirme avoir annulé un discret voyage diplomatique en Libye. Pour des raisons de sécurité, car la date avait fuité dans la presse, avance-t-il sans convaincre.
Interrogé en commission des relations extérieures de la Chambre par le député Georges Gilkinet (Ecolo), le ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders (MR), a confirmé le 17 juillet avoir annulé son minitrip diplomatique prévu à Tripoli. La raison invoquée ? » La situation sécuritaire dans laquelle se trouve la Libye exige de prendre certaines mesures de précaution et de protection, notamment en gardant la confidentialité sur la date de ce déplacement. A partir du moment où ma venue était annoncée dans la presse, j’ai donc préféré annuler mon déplacement. »
La lettre spécialisée en renseignement économique Maghreb Confidential avait en effet annoncé, le 31 mai dernier, que Didier Reynders avait prévu de se rendre à Tripoli le 20 juin pour y rencontrer le Premier ministre libyen, Fayez al-Sarraj, et discuter avec lui de la problématique des fonds libyens gelés chez Euroclear Bank en Belgique. Comme l’a révélé Le Vif/L’Express, ces fonds – 14,9 milliards d’euros à la date du 18 février 2015 – sont au centre d’une instruction judiciaire pour blanchiment et abus de confiance ouverte au parquet de Bruxelles en 2015 à la suite d’une plainte des avocats de GSDT, une ex-asbl du prince Laurent à laquelle l’Etat libyen doit 48 millions d’euros après une décision judiciaire définitive.
S’il a confirmé l’annulation de son voyage, le ministre des Affaires étrangères a réfuté le motif » financier » de sa visite avancé par Maghreb Confidential : » Le gel des avoirs libyens en Belgique est du ressort de la Trésorerie et du ministre des Finances. Cette question n’était pas à l’ordre du jour et je n’avais pas l’intention de l’aborder lors de mes rencontres. » Et d’évoquer les grands défis que la Libye, à un moment charnière de son histoire, doit relever au niveau politique, sécuritaire, humanitaire et migratoire. C’est pour s’informer de ces enjeux, dit-il, qu’il comptait se rendre à Tripoli.
Quoi qu’il en soit, les » raisons de sécurité » invoquées par Reynders pour annuler son voyage ne tiennent pas la route. Le président du Parlement européen, Antonio Tajani, s’est rendu à Tripoli le 9 juillet pour y rencontrer Fayez al-Sarraj. La cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a fait de même le 14 juillet. » Si la date de sa visite avait fuité dans la presse avant la rencontre, je ne pense pas que la réunion aurait été annulée , nous explique le Service européen pour l’action extérieure, le bras diplomatique de l’UE. Pour certains pays connaissant une stabilité relative, comme la Libye, on attend le jour même de la visite pour communiquer, afin de s’assurer qu’on ait un programme le plus complet possible à rendre public. » Il s’agirait donc davantage de sécurité diplomatique liée à la communication institutionnelle que de la sécurité physique.
Enfin, un document reprenant les absences des ministres en juin envoyé aux députés le 30 mai fin d’après-midi n’annonce pas l’absence de Didier Reynders le 20 juin. Il semble donc que ce minitrip diplomatique devait rester le plus discret possible pour le ministre MR… Pour des raisons de sécurité ? Sur ce document interne au Parlement, les raisons des absences ministérielles ne sont en tout cas pas détaillées. On ne sait même pas si c’est pour un déplacement à l’étranger et encore moins, le cas échéant, dans quel pays.