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Foi et politique: Rudy Demotte : « Je suis a-dogmatique »

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Nos élus ont-ils la foi ? Une foi ? S’appuient-ils sur d’autres convictions philosophiques pour traverser leur vie, y compris politique ? Sont-ils plutôt agnostiques ? 15 d’entre eux ont choisi d’en parler. Dont Rudy Demotte (PS), ministre-président francophone et wallon.

« D’abord, je suis a-dogmatique, pour ne pas dire anti-dogmatique. Je suis furieusement enragé contre tous les dogmatismes. Car toute décision politique posée sur un dogme engendre la violence et je suis contre la violence. Pour moi, il doit y avoir une distinction claire entre la gestion des affaires publiques et les éléments convictionnels, religieux ou philosophiques au sens dogmatique du terme. Je suis libre-exaministe. L’ULB a forgé ma manière de voir les choses, en m’incitant à soumettre toute information au prisme de la critique et en m’y soumettant moi-même. Toujours à la façon de Socrate :  » En agissant comme cela, penses-tu que … ? »

Je ne suis pas croyant, mais spiritualiste. C’est-à-dire que je n’exclus pas la transcendance, sans avoir la foi. Mes amis rationalistes diront qu’on ne peut pas scientifiquement prouver la transcendance. Je n’en ai pas moins un doute profond sur certaines choses qui restent inexplorées. Le vide créateur, par exemple. Ce thème m’inspire beaucoup. Qui est à l’origine de la création à partir du vide ? La force de l’univers est peut-être conduite par quelque chose qui nous dépasse et que j’appelle transcendance. Je suis en recherche continue sur ce qui part du vide créateur. Enfant déjà, je me couchais dans l’herbe pour regarder les étoiles et je pensais à cette question métaphysique. Et à l’extrême modestie de ce que je suis. Tout cela fait de moi un agnostique militant, et non un agnostique par défaut.

Cela m’aide-t-il ou me trouble-t-il ? Cela m’aide plutôt, pour critiquer ceux qui ont des convictions absolues ou ceux qui n’en ont absolument aucune. Il y en a, en politique, qui ont toujours raison, dans tous les partis. Ils sont capables de dire tout et son contraire et d’assurer qu’ils sont néanmoins toujours dans le juste. En politique, on aime les discours assertifs. Or le plus grand danger est d’attendre des vérités absolues.

Dans le milieu politique, un certain nombre ont cette sensibilité à l’a-dogmatisme, même s’ils sont croyants. J’en connais parce que je suis assez proche du MOC (Mouvement ouvrier chrétien). Ce débat a lieu dans le milieu politique, mais dans l’intimité, et plus publiquement.

Un médaillon de la vierge Mon premier vide a été le vide parental. J’ai perdu mon père quand j’avais 5 ans. C’est là la source de mes doutes et de mes interrogations. Suis-je, du fait de cette absence de père, différent des autres ? Que dois-je faire pour ne pas trop pâtir de cette absence ? Ce vide a été un moteur pour moi. J’ai eu envie de réussir ma vie comme il l’aurait souhaité s’il avait été vivant.

Je suis né entre Flandre et Wallonie, entre une famille maternelle néerlandophone de droite et croyante – mais avec des nuances – et une famille paternelle francophone laïque et de gauche. Là encore, tout n’était pas uniforme : mon arrière-grand-mère paternelle, qui nous a élevés, ma soeur et moi, comme elle avait élevé mon père, était très croyante, sans être pratiquante. Dans les moments difficiles, elle priait pour moi. Elle m’a donné un médaillon de la vierge.

De l’autre côté, ma grand-mère maternelle, croyante, m’emmenait aux vêpres. Mais elle y allait pour retrouver ses copines et jouer aux cartes avec elles, la cérémonie terminée. Je n’ai jamais vu cette grand-mère prier. Son mari était un ouvrier, mineur, laïque, limite anarchiste.

Je suis le produit de ces familles et de leurs contradictions. De tout ce passé, j’ai gardé des éléments religieux symboliques, comme une icône orthodoxe que j’ai chez moi et qui représente la mère portant l’enfant. Cette image me touche beaucoup. Ma femme s’appelle Marie…

L’or de l’église romaine Je suis très tolérant par rapport à tous ceux qui croient. J’ai en moi des emprunts de toutes les cultures religieuses, la méditation bouddhiste, par exemple, même si j’ai du mal à me l’appliquer à moi-même. Je suis aussi touché par l’humanisme chrétien. Mais je préfère l’ascétisme de certains protestants à la débauche d’or de l’église catholique romaine. Cela dit, il y a dans ce 21e siècle une place pour ceux qui ne s’inclinent pas devant le matérialisme, pour une forme de spiritualisme.

En politique, le débat religieux et philosophique reste présent dès lors qu’il est question par exemple d’orientation scolaire, d’hôpitaux, de mode d’organisation sociale… On ressent clairement les camps. Les laïques sont pour la suppression totale des cours de religion à l’école, les catholiques y sont viscéralement attachés. Et, dans les deux camps, il en est qui cherchent à corrompre la vision de ceux d’en face, avec un espoir de prosélytisme… Je pense que la religion est la mise en culture de l’être humain mais qu’elle porte en elle les germes de l’obscurantisme si on se limite à elle. Le dogme est pesant. En Belgique, on n’en est pas encore à l’Etat laïque. Voyez les crucifix qui ornent encore certains tribunaux. Les lieux publics doivent être neutres. Quant aux francs-maçons, je ne connais pas ces sociétés secrètes, que je laisse à qui ça excite. »

Dans Le Vif/L’Express de cette semaine, le dossier et les 14 autres confessions :

Catherine Fonck : « J’ai surtout foi en l’homme »

Sabine Laruelle : « L’éducation catholique m’a construite »

Melchior Wathelet : « Je ne me sens pas lié à une caste »

Yves Goldstein : « Je suis le candidat de tous

Paul Furlan : « Je suis agnostique »

Bertin Mampaka : « Je suis un catholique modéré »

Viviane Teitelbaum : « Je suis laïque, c’est ma lecture du judaïsme »

Richard Fourneaux : « Je n’aurais eu aucun problème avec Jésus »

Michel Foret : « Je suis protestant »

Didier Reynders : « Mes convictions sont libérales »

Christos Doulkeridis : « La foi, ce n’est pas mon truc »

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