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Flexi-jobs : le CD&V a mauvaise conscience

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Après l’horeca, le commerce de détail se prépare à accueillir les flexi-jobers : l’extension de la formule pose un (énième) cas de conscience au partenaire CD&V de la suédoise. Deux de ses députés étalent leurs états d’âme.

Les libéraux, surtout s’ils sont flamands, en raffolent et en redemandent. Leur voeu, que partage entièrement la N-VA, vient d’être exaucé par le gouvernement fédéral : le flexi-job, après s’être acclimaté sans peine dans l’horeca, se prépare à débouler dans le commerce de détail. Boulangers, bouchers et coiffeurs vont à leur tour pouvoir user de cette main-d’oeuvre d’un nouveau type, promise à un grand avenir. Y compris d’ailleurs chez les retraités, admis eux aussi à goûter au charme de la flexibilité à prix modéré.

La formule aurait ceci de magique qu’elle doperait l’emploi. De quoi combler d’aise la suédoise qui a fait des « jobs, jobs, jobs » le mantra de sa politique. Le mode d’emploi tient en quelques lignes : tout travailleur occupé auprès d’un ou de plusieurs employeurs à 4/5e temps au moins se voit offrir la possibilité de prester des heures de manière totalement défiscalisée, sans plafond horaire imposé. Idéal pour arrondir des fins de mois en bossant 10 €/l’heure minimum. De manière tout à fait respectable et financièrement honorable, assure la droite au pouvoir. Au prix de boulots au rabais qui finiront par chasser le bon emploi, prétend la gauche dans l’opposition.

Entre les deux, le coeur du CD&V balance, mais il prend aujourd’hui clairement distance avec la version enthousiaste répandue par ses partenaires de coalition. Coup sur coup, deux de ses députés fédéraux ont ainsi saisi l’occasion des derniers débats parlementaires sur les intentions gouvernementales en la matière pour exprimer le cas de conscience que leur pose l’extension du flexi-job.

« Au CD&V, nous ne sommes pas de chauds partisans du flexi-job »

Face à la ministre des Affaires sociales, Maggie De Block, et au secrétaire d’État à la lutte contre la fraude sociale, Philippe De Backer, l’un et l’autre Open VLD et l’un comme l’autre adepte convaincu de la formule, Stefaan Vercamer et Nahima Lanjri, tous deux CD&V, ont égrené leur chapelet de contre-indications.

Honneur aux dames. Nahima Lanjri s’attarde, pêle-mêle, sur les « glissements indésirables » possibles vers le travail au noir ; sur les emplois réguliers potentiellement victimes des flexi-jobs ; sur le contrôle de plus en plus difficile à exercer sur les plateformes collaboratives appelées à exploiter le filon ; sur les incitations à l’abus qu’entraîne le manque de clarté ; ou encore sur le manque à gagner pour la Sécu.

Stefaan Vercamer, lui, invite à plus de modestie dans les louanges décernées à la formule : l’amélioration de l’emploi tant vantée dans l’horeca n’est pas la conséquence des flexi-jobs, mais bien de la caisse enregistreuse intelligente rendue obligatoire pour ramener le travail au noir à la lumière. Problème : comme les nouveaux secteurs autorisés à user des flexi-jobers restent dispensés de la caisse intelligente ou d’un système d’enregistrement et de contrôle équivalent, on court droit à la concurrence déloyale. « Un boucher, qui travaille également comme traiteur, pourra recruter des flexi-jobers et entrer ainsi en concurrence avec les restaurateurs. »

Le régime fiscal du flexi-job chipote aussi l’élu CD&V qui flaire la discrimination : « Est-il admissible qu’avec une rémunération brute égale, certains travailleurs conservent un salaire net plus élevé lorsqu’ils travaillent dans le cadre d’un flexi-job que dans un emploi régulier ? » Gare enfin à ne pas en arriver à démanteler le pilier de la pension légale en admettant le flexi-job dans l’univers des retraités.

Voilà qui sonne comme une invitation pressante à user de la formule, à condition de ne pas en abuser. « Au CD&V, nous ne sommes pas de chauds partisans du flexi-job. On va trop vite dans son extension », résume au Vif/L’Express Stefaan Vercamer. Le partenaire de la suédoise en restera sagement au stade du regret, de la mise en garde et de l’appel à la vigilance. Rien qui puisse ébranler les convictions du camp libéral. Ni à remettre en cause son argument massue, rappelé par l’un de ses représentants, le député Egbert Lachaert : « il faut se garder d’invoquer à l’excès le principe d’égalité pour enrayer les évolutions demandées par la société ».

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