Pierre Havaux

Flandre: « Prêts à s’armer pour se protéger »

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Ce n’est pas le Far West ni Chicago-sur-Escaut. C’est juste un plat pays bien tranquille au nord de la frontière linguistique. Sans queues visibles aux portes des armuriers pour s’équiper en flingues en guise de remède contre les méfaits du coronavirus. Mais tout de même riche d’un arsenal qui, lentement mais sûrement, gagne du terrain dans les chaumières.

La Flandre s’est découvert une passion pour les armes à feu et l’engouement ne se dément pas. C’est ce que confirme le Vlaams Vredesinstituut, un organisme paraparlementaire, dans son dernier état des lieux. Aux armes, citoyens : 94 947 détenteurs actifs d’une arme à feu ont été officiellement enregistrés en Flandre en juin 2019, alors qu’ils n’étaient encore que 41 986 dix ans plus tôt. D’année en année, ils sont ainsi quelque 5 000 à élargir la famille des foyers armés qui représenterait aujourd’hui 4 à 5 % des ménages flamands.

Quel plaisir y a-t-il donc à posséder une arme à feu chez soi, s’est inquiété le Vlaams Vredesinstituut auprès de 2 500 adultes qui ont succombé à la tentation ou qui, au contraire, ont fini par s’en détourner ? Le goût du divertissement, tout simplement. Bien avant le plaisir de la chasse ou la marotte de la collection, les tirs sportif et récréatif font un carton plein : ces deux hobbys captaient 127 000 armes en 2019, soit environ un tiers des quelque 335 112 engins recensés en Flandre. Rien que de très inoffensif, dira-t-on. Sauf que 13 % des sondés avouent dans la foulée, à titre de mobile complémentaire, un besoin de se mettre en état de pouvoir se défendre ou de protéger leurs proches. C’est un pourcentage plus élevé que ce que peut admettre la loi, laquelle n’autorise un particulier à porter une arme à feu pour un motif d’autodéfense qu’à des conditions à ce point exceptionnelles qu’elles s’appliquent à moins de soixante armes à feu en circulation.

Peur sur les villes et dans les campagnes. Faut croire, car les 4 % de ménages flamands qui déclarent envisager de s’armer à leur tour le feront avant tout par souci de  » se sentir en sécurité  » (58,7 % des sondés) et, pour environ 45 %, afin d’être à même de  » mieux se protéger soi-même ainsi que sa famille « . Intention moins louable qui, souligne l’institut,  » heurte l’esprit de la législation belge sur les armes à feu « . Circonstance interpellante, l’acte d’achat d’une arme à feu trouvera aisément à s’alimenter à la filière luxo-néerlandaise puisque le décret flamand sur le commerce des armes dispense d’un permis l’importation d’armes à feu et de munitions depuis les Pays-Bas et le Luxembourg.

La Flandre jouerait-elle avec le feu ? Le Vlaams Vredesinstituut invite à relativiser : la course à l’armement y reste limitée et moindre que dans d’autres pays européens, elle n’épargne d’ailleurs pas non plus la Belgique entière qui, en dix ans, s’est enrichie de 100 000 armes à feu.  » Le noeud du problème, c’est la persistance du risque « , pointe néanmoins l’opposition écologiste flamande, un oeil inquiet braqué sur les fusillades qui ensanglantent périodiquement l’Europe sans même parler des Etats-Unis. Et pour peu qu’entre autres effets secondaires du Covid-19, des temps chaotiques venaient à aiguiser des tentations de dégainer et de presser la détente…

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