Fayçal Cheffou © Capture d'écran YouTube

Fayçal Cheffou, le coupable était trop beau

Muriel Lefevre

Fayçal Cheffou a été suspecté à tort d’être l’homme au chapeau de Zaventem. Un an après son arrestation, il évoque dans une interview accordée à Slate son difficile retour à une vie normale.

Il a été arrêté le 24 mars 2016 dans l’après-midi. La police le soupçonnait d’être l’un des kamikazes de Zaventem. Celui qui n’avait pas fait exploser sa bombe et qui avait quitté discrètement l’aéroport. Celui qui avait rejoint, noyé dans la foule fuyant Zaventem, le rond-point Meiser avant de disparaître des radars. L’homme qui était depuis recherché par toutes les polices du royaume.

Fayçal Cheffou sera arrêté en pleine rue alors qu’il était en voiture avec un ami. Devant le palais de justice de Bruxelles, un véhicule leur bloque la route. Des hommes cagoulés et armés les mettent en joue sans dire un mot. Une fois sortis de la voiture, ils sont mis face contre terre avant d’être emmenés dans un commissariat de police. On l’accuse d’avoir participé à un acte terroriste. « Quand j’ai entendu ça, j’ai compris que c’était vraiment sérieux. C’était complètement fou, j’ai eu vraiment peur. Je n’avais rien à voir avec tout ça. » dit-il dans Slate.

Mauvais hasard

Juste après les attentats du 22 mars, il s’est rendu à Maelbeek. Il habite non loin, à Schuman, et a déjà travaillé pour différents médias; il souhaite prendre des images. On le filme près du périmètre de sécurité . Sa présence près du lieu de l’explosion renforce les soupçons. Il est reconnu à « 200% » par le chauffeur de taxi qui a emmené les trois terroristes de leur planque à Zaventem. Le 26 mars, le juge d’instruction en charge de l’affaire l’inculpe pour « participation aux activités d’un groupe terroriste, pour assassinats terroristes et tentative d’assassinats terroristes. »

Directement, l’information fuite vers les médias. Et la machine médiatique s’emballe oubliant au passage la présomption d’innocence.

Pendant quatre jours, le visage de Fayçal Cheffou fera la une des médias à travers le monde comme étant celui de l’un des terroristes. Il était le monstre désigné, l’homme qui incarnait l’horreur. Des politiques s’expriment, de vieux dossiers de pseudo recrutement dans le parc des réfugiés ressortent et de « vieilles connaissances » témoignent. Tout cela en fait un coupable tout désigné. Il est donné en pâture. À tort.

Deux jours après son inculpation, le 28 mars, il est libéré. Il n’a, tout bien réfléchi, pas la même morphologie que l’homme qu’on voit sur les images. Les analyses téléphoniques prouvent aussi qu’il était chez lui au moment des attentats. Enfin, ni les empreintes digitales, ni l’ADN ne correspondent avec ceux retrouvés sur le chariot. L’arrestation, le 8 avril 2016, de Mohamed Abrini , le véritable homme au chapeau, aurait dû permettre de le blanchir pour de bon.

« Je pensais que c’était fini, mais ça venait de commencer » dit-il dans Slate. Les gens ne l’ont pas oublié. « Les gens me reconnaissent tout le temps. Enfin, ceux qui ont une mémoire visuelle. (…) Dans les transports en commun, dès qu’on me reconnaît, on ne me lâche plus des yeux, je le sais. Les gens bougent de place en général. Les mamans changent de trottoir. Mais j’ai eu aussi des messages de soutien. »

Cheffou est encore aujourd’hui inculpé. Ce serait purement procédural, puisqu’il y aura certainement un non-lieu selon le parquet. Il faut en effet attendre la fin de l’enquête sur les attentats pour que la chambre du conseil statue sur son cas.

En attendant, il est traumatisé par cet épisode au point d’être en congé maladie depuis. Il se dit aussi précarisé parce qu’il ne pourrait plus ouvrir de compte bancaire. Il est également gagné par la paranoïa et a désormais peur de la police. « Après ce qu’on m’a fait, je n’ai plus du tout confiance. Demain, je me dis que je pourrais être encore arrêté. »

Une crainte justifiée, précise Slate. Début février, la police a débarqué chez lui en pleine nuit à la recherche de l’auteur d’une fausse alerte à la bombe dans une salle de concert de la capitale. Il aurait, à nouveau, été identifié à tort.

En mai 2016, la RTBF l’avait déjà rencontré. Une interview à voir ici

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