Alain Destexhe

Faut-il emmener des classes voir « Djihad » ? Non

Alain Destexhe Ex-Sénateur

Suite aux attentats de Paris, la pièce Djihad de la nouvelle coqueluche des médias, Ismaël Saïdi, est redevenue d’actualité. RTL-TVI l’a rediffusée et elle est programmée dans plusieurs salles au nom de sa supposée portée éducative. Le monde politique de gauche en fait la promotion tapageuse. Cet engouement est pourtant incompréhensible pour qui a pris la peine de regarder la pièce.

Dissuasion ?

Tout d’abord, si « Djihad » comporte quelques traits d’humour – peu – je doute que la pièce puisse dissuader un seul jeune de se rendre en Syrie. Lors de l’un des débats ayant suivi la prestation sur scène de la pièce, une jeune femme voilée a d’ailleurs rejoint mon point de vue en remarquant « qu’on n’y trouvait aucune raison valable de ne pas partir ». Certes, l’aventure des trois compères paumés entamée dans la bonne humeur à Schaerbeek (« vivement qu’on puisse tuer quelques mécréants ») se termine dans le sang et les larmes pour l’unique survivant (« aidez-moi, je vous en supplie »). Cela suffit-il pour autant à dissuader les jeunes de partir en Syrie?

Ensuite, la pièce renvoie dos à dos la société belge et une version archaïque de l’islam : « on a été manipulés par le système mais aussi par les nôtres ». Ces deux aspects combinés expliqueraient l’attrait du djihad. Certes, la pièce ne fait pas l’impasse des phénomènes comme le refus des parents qu’un jeune épouse une non-musulmane ou « l’imam qui fouette les enfants dans une cave »,…. Mais le Coran y est présenté comme un texte qui « ne parle que d’amour, pas de guerre, pas de sang, pas de paradis pour les meurtriers ». On se demande si l’auteur, pourtant musulman pratiquant, l’a vraiment lu [1]. Je ne doute pas que les hadiths, la tradition et d’autres textes interprètent le Coran dans un sens pacifique mais l' »apaisement » souhaité de nos sociétés doit-il se faire au prix d’une contre-vérité ?

Victimisation

Mais c’est surtout la société belge qui en prend pour son grade tout au long de la pièce. « Il n’y a jamais eu de place pour nous ici mon frère (…) on a été et on sera toujours ‘en seconde zone’ (…) on est manipulés par cette société qui nous dénigre, qui nous considère comme le problème alors que nous sommes la solution (sic) (…), on a été manipulés par cette société qui a décidé de ne pas investir en nous et dans les écoles, ces écoles où nous aurions appris l’histoire de notre civilisation construite sur l’amour, le savoir, la connaissance et la tolérance » (sic). A quoi fait allusion « notre civilisation » ? S’agit-il de la société musulmane et si oui, laquelle ? Etrange.

Le concept d’intégration est violemment brocardé à plusieurs reprises. La pièce se termine sur un cri du coeur demandant à leur pays d’accueil qu’il leur « donne l’ l’amour qu’ils n’ont pas eu ». Il est injuste de s’en prendre à la Belgique qui a précisément accueilli les parents de la génération de l’auteur de la pièce, leur a souvent permis d’échapper à la misère dans leur pays d’origine, a scolarisé à grands frais leurs enfants et leur a donné la possibilité de devenir, par exemple, auteurs de pièces de théâtres à succès. Si cela, ce ne sont pas des « preuves d’amour »…

Incompris ou meurtriers ? La culture de l’excuse

Ce qui me met particulièrement mal à l’aise est que le but de la pièce est, selon les mots de l’auteur, d’humaniser ces jeunes qui font le choix de partir. « Ce ne sont pas des criminels » dit-il, « ce sont des incompris ». Pourtant, sur scène, on les voit tirer à la mitraillette. En Syrie, les djihadistes tirent-ils avec des balles à blanc ? Et que dire de ceux qui reviennent commettre des attentats ? Où l’auteur fixe-t-il la frontière entre les incompris et les meurtriers ? Sans cesse, c’est à un renversement de perspectives qu’on assiste. Ceux qui tuent doivent être aimés, les criminels tués doivent être pleurés, les obstacles rencontrés par le criminel désabusé (par exemple pour être réinséré) doivent être dénoncés.

Il est surprenant que, même après les récents attentats de Paris, le monde politique de gauche se précipite pour voir bon fleurir explications et excuses pour des actes criminels. Et aussi qu’il offre des places pour ce spectacle alors que le texte crache littéralement à la figure de toutes les politiques « d’inclusion » menées par la gauche depuis 20 ou 30 ans. Cette gauche qui gère la Région bruxelloise depuis sa création serait-elle profondément masochiste ? Adore-t-elle ceux qui lui renvoient, ainsi, l’image de ses échecs ?

Endoctrinement idéologique aux frais du contribuable

C’est que – et c’est le dernier reproche – la pièce ne vit que de la générosité publique. Créée en décembre 2014, elle n’aurait sans doute connu aucun succès sans les attentats contre Charlie Hebdo. Joëlle Milquet s’est extasiée de cette « pièce magnifique » et en fait la promotion sur son site et dans les écoles; ce qui est particulièrement choquant car le texte relève de l’endoctrinement idéologique. Fadila Lanaan l’a quant à elle déclarée « d’utilité publique » ! Le cabinet de Rudi Vervoort assure régulièrement la billetterie en distribuant des centaines de places gratuites.

Toute l’infrastructure de la coalition PS-cdH s’est attelée à assurer le succès de la pièce Djihad

Auteur, acteurs, théâtres, places, tous les éléments du spectacle sont mis à disposition ou subsidiés. C’est toute l’infrastructure de la coalition PS-cdH en Région bruxelloise et en Fédération Wallonie-Bruxelles qui s’est attelée à assurer le succès de Djihad. Un élément à charge de plus dans l’épais dossier des dérives communautaristes de ces deux partis.

Au vu de ces éléments qui posent de graves questions, on s’étonne que la pièce ait reçu un accueil aussi enthousiaste et ne fasse pas l’objet de critiques de fond. Madame Milquet doit cesser d’inciter les écoles à se rendre au spectacle. Si les élèves n’étaient pas obligés d’y aller et s’il ne s’agissait d’une représentation gratuite, qui paierait pour voir Djihad ? Pas grand monde assurément.

[1] Quelques versets parmi beaucoup d’autres témoignent de l’extrême violence du texte. Par exemple : Combattez dans le sentier d’Allah ceux qui vous combattent (…) (Sourate 2/190). Et tuez-les, où que vous les rencontriez (…). (Sourate 2/191). Ceux qui ne croient pas, ni leurs biens ni leurs enfants ne les mettront aucunement à l’abri de la punition d’Allah. Ils seront du combustible pour le Feu. (Sourate 3/10). Et afin qu’Allah purifie ceux qui ont cru, et anéantisse les mécréants. (Sourate 3/141).

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