Claude Demelenne

Extrême droite, extrême gauche, même combat? (carte blanche)

Claude Demelenne essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche

L’extrême droite et l’extrême gauche, ce n’est pas bonnet blanc et blanc bonnet. Mais certaines convergences existent. Attention, danger!

Est-il scandaleux d’amalgamer extrême droite et extrême gauche? La réponse à cette question doit être nuancée. Bien sûr, les « gauchistes » ne sont ni racistes, ni homophobes, ni anti-féministes. A ce sujet, ils sont irréprochables. Faut-il ajouter que, contrairement à l’extrême droite, ils ne cultivent pas la haine de l’Autre? Exact… Sauf la haine des bourgeois, des patrons, des riches, des sociaux-démocrates, catalogués « traîtres » au prolétariat, des intellectuels non-marxistes, des journalistes critiques, tous bien entendu « vendus au grand Capital »… Cela fait tout de même pas mal de monde. Au final, l’extrême gauche n’est guère plus tendre que l’extrême droite pour clouer au pilori ceux qui n’adhèrent pas à son catéchisme rouge vif.

Les Gentils et les Méchants

Extrême droite et extrême gauche excellent dans le tabassage verbal de leurs adversaires. Les deux « extrêmes » désignent également des boucs émissaires. C’est, chez eux, un sport de combat. Si tout va mal, si le petit peuple souffre, c’est la faute aux immigrés qui viennent manger le pain des ‘nationaux’, vocifère l’extrême droite. Si tout va mal, si la classe ouvrière vit un enfer dans l’Occident capitaliste, c’est la faute aux ‘nantis’ qui l’exploitent sans vergogne, martèle l’extrême gauche. Simplisme contre simplisme. Le monde, selon les radicaux de toutes les obédiences, est d’une simplicité biblique. D’un côté, les Gentils. De l’autre, les Méchants. L’extrême gauche n’est pas moins simpliste, sur ce point, que l’extrême droite, même s’il y a une large part de vérité dans sa critique d’un ultra-capitalisme destructeur.

« Un égout à ciel ouvert »

Les « extrêmes » se rejoignent également dans leur dénonciation des « élites » , nécessairement incapables et corrompues. Le discours anti-establishment se double d’une dénonciation obsessionnelle des prétendus ripoux qui nous gouvernent. Et de leurs complices, les médias « aux ordres ». Jean-Luc Mélenchon n’a jamais été gauchiste, mais il s’est radicalisé. Récemment, contacté par un journaliste de l’hebdomadaire français ‘Le Point’, qui lui propose une interview, le patron de ‘La France Insoumise’ refuse. Il ne veut pas s’exprimer dans un journal qu’il compare à un « égout à ciel ouvert ».

Rester « pur »

Les démocrates de la gauche et de la droite modérées, voilà l’ennemi. Un ennemi infréquentable, cela va sans dire. S’il est bien un concept avec lequel on ne rigole pas, à l’extrême gauche comme à l’extrême droite, c’est celui de pureté. Rester « pur ». Pur et dur. La pureté est une obligation absolue, qui ne tolère aucun écart. Le PTB assimile tout compromis à une hideuse compromission. Pas de compromis possible avec des capitalistes que Peter Mertens, président du parti d’extrême gauche, compare à des « rapaces ». Quant à l’extrême droite, c’est expéditif : tout qui n’applaudit pas ses slogans délirants – ré-envoyer les immigrés ‘chez eux’… – est pratiquement assimilé à un dangereux communiste le couteau entre les dents.

Une même rhétorique

Les deux extrêmes de l’échiquier politique utilisent parfois les mêmes méthodes, la même rhétorique. Dans sa dernière chronique publiée dans le ‘Soir’, le journaliste et essayiste Jean-François Kahn s’inquiète d’une certaine « convergence extrême droite/extrême gauche dans les manifs hebdomadaires anti-vaccins et anti-pass sanitaire, avec le soutien extérieur de Mélenchon et de Le Pen ». Il rappelle que « le fascisme, tel qu’il surgit en Italie au début des années 1920, se caractérisera très exactement par cette spécificité-là : une convergence extrême gauche/extrême droite matinée d’un rejet de la démocratie dite ‘formelle’ ou bourgeoise, d’une dénonciation du ‘système et des ‘élites’, de phraséologie à la fois anticapitaliste, anti-riches et anti-Etat« .

Attention, dange !

Je ne pense pas que s’installe pernicieusement, dans nos pays, un climat pré-fasciste. Je ne pense pas que l’extrême droite et l’extrême gauche, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Mais certaines convergences existent. Attention, danger!

Claude Demelenne, essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche

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