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Et si… la Wallonie n’exportait plus d’armes ?

Loïs Denis
Loïs Denis Journaliste

Avec des  » si « , on pourrait refaire le monde. Refaisons-le ! Le business national de l’armement ? Un vrai casse-tête.

En Belgique, tandis que les responsables de la politique étrangère fustigent l’attitude de l’Arabie saoudite, des armes wallonnes y sont vendues sans états d’âme. Au coeur de ce double discours : l’inaltérable volet communautaire. Alors que le Fédéral définit la politique étrangère, l’exportation d’armes, elle,  » est une compétence exclusive du ministre-président de la Région wallonne « , confirme le site officiel de celle-ci. La situation se complexifie encore quand on sait que la Wallonie est à la fois responsable de l’octroi des licences et propriétaire à 100 % de l’usine FN, à Herstal.

Dès lors, si on arrêtait d’exporter des armes ? D’emblée, les enjeux s’affrontent : la guerre et l’emploi. Le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (Grip) estime qu’en 2017, la production d’armement et d’équipement militaire a engendré 11 403 emplois directs et indirects en Belgique, dont 8 617 en Wallonie, répartis dans 71 entreprises. Des jobs qui seraient évidemment menacés si l’on mettait fin à ce commerce. L’argument de l’emploi est donc capital dans le processus d’octroi ou de refus des licences, d’autant plus en Wallonie, où la production d’armement est concentrée à Liège et Charleroi, deux bassins économiques dont la part des chômeurs de très longue durée (cinq ans et plus) frôle les 20 %.  » Cesser de vendre des armes aux dictatures et criminels de guerre aura un coût social, avertit le Grip. Il est temps d’en prendre la mesure et d’apporter des réponses satisfaisantes aux familles dont l’emploi est menacé.  » En outre, stopper le commerce d’armement, c’est aussi renoncer à des rentrées financières importantes. Ainsi, au premier trimestre 2019, le montant de ces exportations s’élevait à 45,970 millions d’euros pour l’Arabie saoudite et 2,289 millions d’euros pour les Emirats arabes unis. Quant à la vente au Canada de  » chars et automobiles blindés de combat, armés ou non « , elle représentait 179,748 millions d’euros, à en croire l’Observatoire des armes wallonnes, initiative émanant de la société civile.

L’économie c’est bien beau, diront certains, mais qui dit armes dit pertes humaines. Et, dans ce domaine, la Belgique n’a certainement pas les mains propres.  » Deux enquêtes récentes montrent que des équipements militaires wallons vendus à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis sont engagés dans la guerre au Yémen, avec un risque élevé d’utilisation dans des attaques illégales contre des populations civiles « , toujours selon l’Observatoire des armes wallonnes. Parmi ces enquêtes, celle qu’a réalisée #BelgianArms, en mai dernier, détaillait le matériel belge utilisé dans ce conflit : on y recense, entre autres, des fusils d’assaut FN F2000, des tourelles de char CMI et des munitions Mecar de 90 mm. Or, depuis le début de l’intervention menée par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, en 2015, près de 100 000 personnes ont été tuées, dont un grand nombre d’enfants, et des crimes de guerres ont été commis de part et d’autre.  » En livrant des armes à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis, la Wallonie risque de se rendre complice de ces crimes de guerre « , prévient Amnesty International. A nouveau, la réponse à la problématique est loin d’être univoque…

Loïs Denis

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