Kristien Hemmerechts

Espérance

Pourquoi les Flamands se sentent-ils tellement concernés par Bruxelles ? A première vue, rares sont les liens qui les y attachent. Ils habitent la périphérie dans une maison avec un jardin et un garage pour une ou deux voitures.

Par Kristien Hemmerechts, Ecrivaine (1)

Dont ils ont besoin pour aller travailler dans la capitale. Avant, ils devaient aussi prendre leur voiture pour y faire leurs courses ou pour passer la soirée au cinéma, mais la périphérie est riche désormais en magasins et en centres culturels. Et elle offre ses établissements scolaires, excepté ceux de l’enseignement supérieur.

Les universités et Hautes Ecoles flamandes les plus importantes se situent à Gand et à Louvain. Puis il y a Anvers et, enfin, Bruxelles qui ferme le ban. Bruxelles fait peur aux étudiants flamands. On n’aime pas ce qu’on ne connaît pas. Les jeunes Flamands trouvent que Bruxelles est sale et peu sûre. Ils n’ont pas tout à fait tort. Et, qui plus est, Bruxelles n’excelle pas vraiment dans la bonne gouvernance.

Mais pourquoi diable les Flamands ne lâchent-ils pas Bruxelles ? Pourquoi ne disent-ils pas : zut, bon débarras ? Rien ne les empêcherait de faire d’Anvers leur capitale. Les francophones n’auraient alors qu’à se débrouiller à Bruxelles, tant bien que mal.

D’ailleurs, les Flamands ne seraient pas interdits d’assister aux concerts aux Beaux-Arts ou d’admirer les Magritte au musée éponyme ou de disposer d’un pied-à-terre rue Dansaert. Ils ne cesseraient non plus d’exercer leur métier dans la capitale, encore que, dans ce cas de figure, quantité de bureaux rejoindraient la grande métropole portuaire.

Aussi longtemps que la Flandre ne lâche pas Bruxelles, il y a de l’espoir pour la Flandre. Cela signifie que la Flandre est moins « flamande » que le scrutin du 13 juin le laissait supposer. Par « flamand » j’entends ici : replié sur soi, « provincialiste », nostalgique, borné. Bruxelles n’est pas seulement la principale ville du pays, mais aussi la plus déréglée, la plus diversifiée, la plus hybride. Qu’un parti nationaliste flamand se batte pour Bruxelles est une contradiction en soi.

Le nationalisme flamand n’a tracé aucune piste à Bruxelles. On dirait qu’il est incapable de s’y acclimater. Il n’a aucune prise sur la capitale. A Bruxelles, on doit se servir d’une loupe pour découvrir l’ « identité » flamande. C’est le lieu par excellence où foisonnent les identités « impures ». Anvers, et non Bruxelles, est la capitale naturelle de la N-VA. Que justement cette N-VA se batte pour Bruxelles est une aubaine pour la Flandre : celle-ci ouvre de nouveau ses portes. Voilà un signe d’espérance qui ne trompe pas.

Les Flamands de Bruxelles ont choisi d’y vivre parce c’est le seul endroit en Belgique où l’on hume l’air d’une ville mondiale. Ils aiment y entendre parler une vingtaine de langues.

Incontestablement, il y a des Flamands qui se passionnent pour leur capitale, même des Flamands qui n’y demeurent pas. Johan Verminnen, qui a grandi dans la périphérie, ne chante-t-il pas : « Mijn Brussel, ‘k zit in je binnenzak ; al ben je als een lelijk huis toch voel ik me hier veilig thuis. » (Ma Bruxelles à moi, je suis dans ta poche intérieure ; même si tu es une maison laide, je me trouve ici chez moi en toute sécurité) ? Joëlle Milquet aurait probablement de la peine à le croire, mais dans le coeur de beaucoup de Flamands ne vit pas seulement un Flamand, mais aussi un Bruxellois. Et peut-être aussi un Belge.

(1) Née à Bruxelles, rue du Marais. Enseigne la littérature anglo-saxonne à la Hogeschool Universiteit Brussel (HUB).

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