Espaces de création: l’oeuvre majeure d’un artiste serait-elle son atelier?

Guy Gilsoul Journaliste

Le Vif/L’Express part cet été à la découverte des lieux de création d’artistes belges. Lieux de solitude ou véritables ruches, ils sont, depuis le XIXe siècle, le symbole de la bohème comme de la réussite.

L'atelier de Francis Bacon, en 1986.
L’atelier de Francis Bacon, en 1986.© CHARLES MATTON

L’oeuvre majeure d’un artiste serait-elle… son atelier ? Une fois les oeuvres soustraites, il ne reste pourtant que des traces et des indices. Taches, images punaisées, objets récoltés, souvenirs, gris-gris. Ou rien que des murs blancs. L’atelier possède une aura romantique que le mot  » studio « , davantage utilisé aujourd’hui, écarte. Celui-ci évoque davantage le travail en équipe, la pluridisciplinarité ou encore le bureau d’étude comme c’est le cas pour Vincent Meessen. Mais quel que soit son aspect, l’atelier est davantage qu’un reflet, un écho ou un faire-valoir, un lieu d’isolement, un jardin clos. S’y élaborent dans le bruit des outils ou le silence, la rumeur citadine ou les murmures de la nature, des oeuvres qui se retrouveront plus tard dans les galeries et les musées avant, parfois, de rejoindre les murs d’un salon, d’une chambre ou d’un couloir.

Les photographies d’atelier qui eurent la cote au XIXe siècle révèlent une typologie qui demeure ancrée dans nos mémoires : sous verrière, cossu et encombré, le lieu se donne en spectacle et joue parfois les mondanités. Le peintre pose, assis devant le chevalet placé au centre de l’immense pièce garnie d’armures japonaises, de plats de faïence fine, de tapis orientaux et de collections d’objets rares. Un autre artiste reçoit dans un jardin d’hiver habité par des palmiers de toutes tailles et des fauteuils rembourrés à la mode NapoléonIII.

Une exposition de 400 documents présentés au Petit Palais à Paris en juillet a tracé une véritable histoire des représentations d’ateliers. Un mur vide et un sol taché de noir pour Soulages. Un trop-plein chez Bacon. L’antre de Morandi ressemble à ses natures mortes. Celui de Barceló est généreux, celui de Picasso se résume, dans le regard du photographe André Villers, à une chaise sur laquelle le peintre a déposé ses assiettes et ses brosses. Un atelier vit aussi d’odeurs. Celle de l’huile cuite au soleil, de l’essence d’aspic ou de sciure de bois. L’invité gardera en mémoire la poussière de pierre tombée sur le sol, ou encore une qualité de lumière. Pour l’artiste, l’atelier peut aussi faire peur. Certains hésitent à y entrer. L’un d’entre eux confiait s’être surpris à y pénétrer en fermant les yeux. Car la solitude nécessaire à certains plasticiens peut aussi s’avérer douloureuse. Face au mur, le doute souvent l’emporte. Mais face au mur, le rire aussi est de la partie, comme un pied de nez lancé à la face du temps et de la finitude.

Romantisme dépassé ? Pas sûr. L’atelier demeure une réalité liée au processus créatif et celui-ci, par définition, laisse le champ libre à l’imprévu, au hasard, à l’intuition. Dans cet espace, l’artiste est un funambule. Il avance, pas après pas, avec, sous lui, le vide. Dans le studio, même entouré par une équipe d’assistants, il sait aussi que le premier, comme le dernier mot, lui appartient. Cet été, Le Vif/L’Express vous ouvre les cuisines de six créateurs qui travaillent près de chez vous, à Gand, à Bruxelles et à Liège.

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