© Getty

Enseignement: six semaines de cours perdus par an, une double peine pour les élèves

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Pénurie, absentéisme… les élèves doivent souvent faire face à des heures de cours non données, s’inquiète la Fédération des associations de parents de l’enseignement officiel (Fapeo). Un phénomène qui n’est pas neuf, mais qui pénalise d’autant plus les élèves déjà en difficulté.

Gruyère, horaires à trous, pénalisant et lourd : les mots de la Fédération des associations de parents de l’enseignement officiel (Fapeo) sont interpellants. Entre pénurie et absentéisme des professeurs, les élèves sont de plus en plus confrontés à des heures de cours non données. La Fédération a mené l’enquête sur ce phénomène inquiétant dans l’enseignement francophone belge. Avec l’aide d’un demi-millier de familles, elle a tenté de dresser un bilan des heures de cours dont les élèves ont été privés les entre la rentrée scolaire 2019 et les examens de mi-décembre.

« Les causes sont multiples », nous précise Véronique de Thier, porte-parole de la Fapeo. « Il y a des indicateurs pour la pénurie, ils sont connus. On en a aussi pour l’absentéisme des enseignants… mais ce qui nous préoccupe, ce sont les conséquences sur les heures de cours des élèves. »

Le secondaire davantage concerné

Plus la scolarité avance, plus l’élève risque d’y être confronté :

  • En maternelle, le phénomène est rare, mais aussi plus discret, car les élèves sont souvent répartis dans d’autres classes. Mais la charge de travail repose alors sur les autres enseignants.
  • En primaire, le phénomène est présent, mais se fait ressentir davantage dans des écoles qui scolarisent des publics plus fragiles. Ici, ce sont souvent les enseignants en charge de la remédiation qui sont souvent sollicités.
  • En secondaire, où l’enquête a eu le plus de témoignages, cela pose davantage problème. Pour plus de 50% des répondants, c’est 3 heures de cours en moins par semaine. Pour 10 %, moins 6h de cours manqués. Dans ces cas-là, les adolescents sont envoyés soit à la maison, soit à l’étude.

La Fapeo a fait des projections : les élèves qui perdent 6 heures, en comptant 13 semaines de cours depuis la rentrée (hors examens et jours blancs) sont privés de 78 heures de cours pendant le premier trimestre, c’est-à-dire plus de deux semaines. Appliqué à toute l’année scolaire, on atteint 192 heures de cours non dispensées, ou six semaines. Un constat qui n’étonne Véronique de Thier : « Depuis quelques années, c’est le cri du coeur des parents. On est tout le temps interpellé à ce sujet. » Il existe d’ailleurs des situations bien plus extrêmes : « Pour certains parents, on est encore très en deçà de la réalité. Certains nous ont déjà signalé que leur enfant avait en moyenne 3h de cours par jour. »

Une double peine pour les élèves en difficulté

Il n’est pas évident de mesurer l’impact réel de ces heures de cours « vides » sur les élèves, d’autant que l’enquête de la Fapeo se base uniquement sur des répondants volontaires. Mais les conséquences sont bien réelles, selon la porte-parole : « Comment voulez-vous qu’un enfant qui a des trous pareils dans son horaire soit assidu, qu’il ait un rythme. En plus, les répercussions sont bien plus importantes pour les élèves qui sont déjà en difficulté (échec, décrochage…). Notre système est particulièrement inégalitaire, donc ceux qui sont le plus touchés par l’échec scolaire sont aussi les plus défavorisés. C’est une double peine. »

Enseignement: six semaines de cours perdus par an, une double peine pour les élèves
© Getty Images/iStockphoto

Cela inquiète également la majorité des parents concernés. 12,9% des répondants à l’enquête estiment que la réussite scolaire de leur enfant est réellement mise à mal. Dans cette optique, certains parents (environ un sur cinq) font appel à une aide extérieure pour combler les lacunes d’apprentissage. Une autre double peine selon la Fédération: l’élève voit son temps libre diminuer et les parents doivent payer un manque qui devrait être fourni par un service public.

Quelles sont les matières les plus touchées ?

La Fapeo a identifié quatre catégories de matières concernées :

1. Environ 30% pour les cours de mathématiques, sciences, français et néerlandais.

2. Entre 15% et 20% pour les cours d’anglais, histoire et géographie.

3. Entre 10% et 15% pour les cours de philosophie et citoyenneté, éducation physique, religion, morale et cours à option.

4. Environ 5% pour les cours de pratiques professionnelles.

« Il faut aller plus loin »

Les répondants à l’étude réclament notamment un encadrement pédagogique pendant ces « heures blanches » (activités culturelles par ex.), et plus de considération pour la question de la part des entités responsables. « Les pouvoirs publics évaluent la pénurie et l’absentéisme, mais n’ont jamais évalué ce que cela avait comme impact sur les apprentissages. Il y a des pistes qui sont recherchées, mais il faut sans doute aller plus loin. On souhaite, à travers cette enquête, que les pouvoirs publics creusent et s’emparent de la question. »

Caroline Désir (PS)
Caroline Désir (PS)© Belgaimage

La ministre de l’Enseignement obligatoire Caroline Désir (PS) se dit « bien consciente des problèmes que rencontrent les directions d’écoles. Et je me mets également à la place des parents pour qui cette situation n’est pas tolérable ». Elle assure dans Le Soir que la lutte contre la pénurie d’enseignants est une priorité : « J’ai la volonté de travailler à la mise en place d’éléments de mesure précis qui permettraient de cibler au plus vite les soucis et d’adapter nos politiques en conséquence. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire