Angelo Tino

« Du monde à l’Europe, une richesse qui montre son caractère exclusif au fil du temps »

Le centre d’une ville célèbre d’Europe a des rares occasions de solitude, une quantité plus ou moins nourrie de touristes en étant toujours présente. En outre, une architecture certes plus raffinée que celle d’aujourd’hui caractérise un espace où, au quotidien, des personnes à la condition sociale différente se croisent.

Des visiteurs en passant, mais aussi des individus qui peuplent régulièrement ce morceau de contexte urbain. Des professionnels de plusieurs domaines aux habitués d’un shopping de luxe, de ceux qui se limitent à regarder les vitrines de loin aux mendiants qui demandent une pièce dans un coin de rue, un enfant dans leurs bras et, peut-être, quelques autres à côté.

Un centre-ville européen peut montrer, entre autres, comment le pouvoir d’achat se répartit de manière différente : quelqu’un dispose de moyens financiers considérables, d’autres pas trop ou pas du tout. Une métaphore de ce qui se passe, plus en général, dans le monde. Une occasion, en tout cas, de réfléchir sur la répartition inégale des ressources qui le caractérise.

En janvier 2017, Oxfam International publie un rapport dédié à la concentration de la richesse dans le contexte global et aux niveaux étonnants atteints par ce phénomène. Certes, l’on pourrait se demander ce qu’il y a de nouveau dans le manque de distribution équitable du bien-être. Qu’y avait-il moins de riches que de pauvres – l’on dira – ça, on le savait. Néanmoins, ce qui nous surprend est l’écart, le fossé de plus en plus profond entre ces deux catégories. Une donnée montrée clairement par le fait qu’à partir de « 2015, les 1 % les plus riches détiennent autant de richesses que le reste de la planète ».

À vrai dire, ce n’est pas la première fois que cette croissance progressive des inégalités est mise en évidence. En début 2015, sur le site internet de « Libération », l’on peut lire « que la part du patrimoine mondial détenu par les 1% les plus riches […] est passée de 44% en 2009 à 48% en 2014 », en traçant une « explosion des inégalités » de plus en plus accentuée. L’on est « à la veille du forum économique mondial de Davos » et les chiffres mentionnés sont fournis par « un rapport d’Oxfam  » utilisant « les données d’une étude du Crédit Suisse ». À l’époque, « Oxfam » remarquait que la poursuite d’une telle « concentration des richesses » produirait, dans « deux ans », une situation dans laquelle les « 1% les plus riches détiendront plus de richesses que les 99% restants ».

Prévision confirmée par la même organisation déjà en janvier 2016.

La tendance générale semble être celle d’une distance entre les catégories sociales les plus aisées et les autres de moins en moins facile à combler. Une tendance qui, peut-être, ne rendra pas ravis les adeptes de l’approche libériste toujours en vogue et des capacités du marché de s’autoréguler, mais qui paraîtrait évidente.

Le résumé d’un travail publié en 2015 par l’Organisation de coopération et de développement économiques – et soutenant que « moins d’inégalité » puisse profiter « à tous » – souligne que, dans « la plupart des pays, l’écart entre riches et pauvres n’a jamais été aussi grand depuis trente ans ». Selon le même document, dans les pays de l’OCDE, « les 10 % les plus riches ont un revenu 9,6 fois supérieur aux 10 % les plus pauvres ». Un « rapport » qui « était de 7 à 1 » pendant les « années 80 » et qui est devenu « de 8 à 1 dans les années 90 et de 9 à 1 dans les années 2000 ».

Et si l’on se concentre un instant sur le Vieux Continent ? Eurostat nous dit que, dans l’Union européenne, « en 2015 […] les 20 % de la population ayant les plus hauts revenus disponibles équivalents ont perçu 5,2 fois plus que les 20 % ayant les plus bas revenus ». Une proportion qui, même en variant « sensiblement d’un État membre à l’autre » exprime des « fortes inégalités en matière de répartition des revenus » au sein de celle qui était « l’UE-28 ».

Oxfam remarque que « les 1 % des Européens les plus riches (pays hors UE compris) » détenaient, en 2015, « près d’un tiers des richesses du continent ». Par contre, « les 40 % » les moins riches se partageaient « moins de 1 % des richesses nettes totales de l’Europe ».

Un article publié en avril 2017 sur la version en ligne du « Corriere della Sera » et faisant référence à l' »Europe occidentale », nous informe sur le fait que « 64 % » de toute « la richesse » était, « en 2010 », dans les mains des « 10 % » les plus riches « de la population ». Un « niveau d’inégalité élevé », tendant à augmenter pendant « les dernières décennies » et pas nécessairement moins accentué que dans les siècles passés, si l’on considère, par exemple, qu’avant le début de la peste noire (en 1347) les « 10 % les plus riches de la population » pouvaient compter sur « environ 66 % de la richesse totale ». C’est l’une des informations fournies par le « projet EINITE – Economic Inequality across Italy and Europe, 1300-1800, financé par le European Research Council ».

Dans le résumé de ce rapport l’on observe que, sur la base des données utilisées pour les périodes « 1 300 – 1 800 » et « dix-neuvième siècle et vingtième siècle », les « seules deux phases de diminution significative de l’inégalité » auraient été celles « déclenchées par événements catastrophiques » comme la « peste noire, et environ six siècles plus tard, les deux guerres mondiales et les chocs qui ont eu lieu » dans la période entre ces deux conflits. Cela laissant entrevoir une tendance à la concentration de la richesse dans la longue période et presque complémentaire aux dynamiques capitalistes.

Selon le Global Wealth Report publié en novembre 2016, pendant les douze mois qui précèdent, la richesse globale a atteint les « 256 billions de dollars », suite à une augmentation de « 3,5 billions de dollars ». Un pourcentage (« 1,4% ») qui – compte tenu de la croissance du « nombre d’adultes » – fait en sorte que la « richesse » par individu adulte reste plus ou moins la même qu’un an auparavant (« 52 800 dollars »). Un résultat bien en dessous des taux de croissance des « premières années du millénaire ».

Comment réaliser une redistribution concrète des ressources économiques?

Inégalité croissante (entre régions du monde et catégories sociales) dans l’accès à une richesse globale dont l’augmentation ralentit. Une description, bien sûr, trop simpliste du contexte contemporain, mais qui dévoile l’une des questions que toute approche politique quelque peu clairvoyante devrait se poser : comment réaliser une redistribution concrète des ressources économiques.

Quoi que l’on pense sur les solutions possibles à la crise économique actuelle ou, au moins, à une partie de ses ravages, une allocation plus équitable et proportionnée des biens et de l’accès aux services s’avère une condition sine qua non. Une circonstance qui sera difficilement réalisée sans une politique capable d’orienter les dynamiques économiques vers une fonction qui soit aussi sociale et solidaire. Cela encore plus dans un contexte où la dimension internationale des événements et des grands intérêts s’avère évidente, comme celle de l’exploitation et des injustices.

Angelo Tino

Angelo Tino a étudié à la Faculté des Sciences Politiques de l’Université de Rome « La Sapienza » et à l’Institut d’Études Européennes de l’Université Libre de Bruxelles.

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