Charles Michel, ce 6 octobre. © Belga

Derrière l’incident Bouchez, au MR, c’est le système Michel que l’on vise (analyse)

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Les coulisses des événements très violents au MR montrent combien l’ombre de l’ancien Premier reste omniprésente. La preuve en trois actes.

Les coulisses des événements qui ont conduit Georges-Louis Bouchez à rester président, mais en étant encadré par un groupe de onze « sages » du parti, témoignent de la virulence de l’affrontement. A l’issue du bureau de parti, lundi, certains se sont même demandé s’ils resteraient encore dans un parti où pouvaient avoir lieu de tels déferlements de haine. Mais au-delà des erreurs du fougueux président – qui aurait été déchu les statuts le permettaient, dit-on -, ces événements ont démontré au moins à trois niveaux toute l’importance des Michel, père et fils, dans ce parti fragilisé.

1 L’importance stratégique de Willy Borsus et Sophie Wilmès

La grande erreur de Georges-Louis Bouchez, il le reconnnaît d’ailleurs lui-même, consiste à ne pas avoir contacté Willy Borsus, vice- ministre-président wallon, lorsqu’il a voulu procéder au remaniement complétant son casting fédéral. Il a tout simplement voulu lui forcer la main en « recasant » Denis Ducarme à la place de Valérie De Bue à la Région. Erreur fatale. Tous les témoignages que nous avons recueillis en attestent: Willy Borsus, un homme généralement affable et tout en rondeur de caractère, est entré dans une colère folle. Les murs ont tremblé en pleine réunion et les partenaires gouvernementaux du MR ont été en première ligne de l’affrontement, dit-on. Un long travail persuasif de la part de Georges-Louis Bouchez a été nécessaire, tout le week-end, pour apaiser Willy Borsus. Avec les contritions d’usage (complétées d’excuses publiques) et des demi-menaces sur le fait qu’une instabilité plus grande du parti pourrait conduire à son éjection de la Région (par le PS, au profit du CDH).

Le numéro un wallon du parti n’est pas n’importe qui: Willy Borsus est un ami intime de Charles Michel, le garant absolu de sa ligne pour le parti et son frère de « clan » lors de la reprise en mains du parti contre Didier Reynders. L’ombre de ces faits reste présente, indéniablement, même si de l’eau a coulé depuis sous les ponts libéraux. Dans la nouvelle instance créée pour encadrer le président, Willy Borsus occupera une place centrale, au même titre que Sophie Wilmès: la Première ministre sortante est, elle aussi, très proche de Charles Michel qui l’a adoubée pour le Seize. Ce n’est qu’au moment où ces deux personnalités clés ont concédé qu’il serait impossible de contraindre Georges-Louis Bouchez à la démission (il ne le voulait pas et les statuts rendaient cela impossible) qu’une issue a pu être trouvée… en le maintenant à la barre. A l’inverse, le président sait que si ces deux ténors le soutiennent, il n’aura guère de peine à retenir les attaques venues de la part de Denis Ducarme ou de ses alliés.

2 La nomination de Mathieu Michel et la volonté de remplacer Valérie De Bue

Les attaques contre Georges-Louis Bouchez ont été les plus virulentes… pour regretter l’arrivée de Mathieu Michel au gouvernement. « Il est impossible que cela se soit décidé sans que son père, Louis, et son frère Charles, ne soient au courant », lance l’un. Ceux-ci jurent leurs grands dieux que ce n’est pas le cas, d’autres imaginent que ce choix pourrait être une sorte de « cadeau » fait par Bouchez aux Michel à qui il serait redevable – même si « ce n’est pas son style ». Toujours est-il que cette nomination porte incontestablement la marque du clan Michel – ils sont nombreux à en être persuadés. Lors du bureau de parti, Mathieu Michel est intervenu pour prendre ses distances ou, du moins, expliquer combien il lui a été difficile de se faire un prénom – précisement l’argument de Charles au moment de son envol.

Mais plus frappant encore: des participants estiment que le signe le plus fort d’une intervention directe ou indirecte de Charles Michel serait… la volonté d’écarter la Nivelloise Valérie De Bue du gouvernement wallon. « Quelque chose s’est cassé avec elle, on ne sait pas quoi, mais cela porte incontestablement la marque des Michel », entend-on. Le Brabant wallon reste le jardin stratégique des Michel, là où Louis a transformé le MR en parti populaire, là où Charles est devenu bourgmestre avant de devenir ce qu’il est devenu… et seul Mathieu est désormais en mesure de faire fructurer électoralement ce nom – Michel – même s’il a bien sûr un prénom.

3 Des attaques violentes… contre les « clans mafieux »

Lors du bureau de parti incendiaire de lundi matin, constatent plusieurs membres présents, il y a eu certes des critiques à l’encontre de Georges-Louis Bouchez, mais de nombreuses sorties ont davantage visé le « système ». Jusqu’aux propos très durs de Sabine Laruelle parlant de comportements dignes de « clans mafieux » et de « népotisme »… alors, grince l’un, « qu’elle fut l’une des principales à en bénéficier ». Louis Michel, présent lors de la réunion, a assisté au déballage de façon imperturbable – mais on imagine combien cela devait bouillonner à l’intérieur.

Au fond, l’amertume de nombreux ténors du parti devait être grande en raison de leur perte d’influence due à l’inévitable casting ministériel moins fourni que lors des gouvernements Michel et Wilmès. Denis Ducarme, Daniel Bacquelaine, Philippe Goffin, tous ministres, et Sabine Laruelle, présidente du Sénat, ont perdu gros dans l’aventure. La fronde s’expliquait aussi par ces déceptions, mais en toile de fond, au-delà de la cible facile qu’est devenue Georges-Louis Bouchez, l’ombre d’un grand absent planait sur ce jours de grand déballage collectif.

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