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De Wever : « Nous devons obliger les francophones à sortir de leur trou »

Stavros Kelepouris
Stavros Kelepouris Journaliste pour Knack.be

Si la N-VA a vécu une semaine agitée, la situation était au moins aussi houleuse au Mouvement flamand – c’est-à-dire la partie de la base de la N-VA qui oeuvre activement à l’indépendance flamande. Cette semaine, plusieurs éminences flamingantes ont tiré à boulets rouges sur la tactique communautaire de la N-VA. Quelle voie prendra le Mouvement flamand ? Les membres semblent avoir chacun une idée différente.

Une chose est claire: l’indépendance flamande n’est pas abandonnée, même si elle fait l’objet de discussions sémantiques. Pour Bart De Valck, le président du Vlaamse Volksbeweging (VVB), le confédéralisme n’est pas faisable. Pourtant, le ministre-président flamand Geert Bourgeois (N-VA) a déclaré au Vif /L’Express que le confédéralisme était la seule solution pour la Belgique. De Valck : « J’ai beaucoup de respect pour Geert Bourgeois, mais ce confédéralisme n’est rien d’autre qu’une stratégie de communication destinée à le rendre plus accessible. C’est quoi, un confédéralisme à l’intérieur des frontières belges ? Qui peut l’expliquer ? Personne ne sait à quoi cela devrait ressembler. »

Conclusion: la N-VA doit fouler la constitution aux pieds et forcer l’indépendance. « La Belgique aussi a été créée ainsi », affirme De Valck. Pieter Bauwens, rédacteur en chef du magazine flamingant Doorbraak.be, ne souhaite pas en arriver là. « Soit, nous sommes tous belges, et nous ambitionnons un parlement belge, soit nous nous séparons. Dans ce cas, confédéralisme et indépendance vont inévitablement se ressembler. » Le confédéralisme comme indépendance moderne donc, tant qu’on n’aboutit pas à un « compromis à la belge » qui ne « nous mènerait à rien ».

Qui sera la nouvelle Écosse?

« Il ne s’agissait pas de contenu, mais de pouvoir travailler ensemble », a déclaré le président de la N-VA, Bart De Wever, au sujet du départ de Vuye et Wouters. Pour le duo Vuye-Wouters, le parti devait poser des exigences flamandes pour les élections de 2019. De Wever préfère faire un détour et poursuivre la coalition actuelle.

Dans une lettre ouverte publiée après le départ de Vuye et Wouters, De Wever a expliqué sa tactique très clairement. « Nous devons obliger les francophones à sortir de leur trou. Et la seule façon de s’y prendre, c’est d’utiliser le pouvoir que les électeurs flamands nous ont donné. » Eric Defoort, ancien président du VVB, est adepte de cette tactique. « Je propose que le Vlaamse Volksbeweging lise les journaux francophones, alors on verra qu’on assiste non à une belgicisation de la N-VA, mais à une régionalisation du PS », conclut-il dans une opinion parue sur Knack.be. Autrement dit, l’approche de Bart De Wever porte déjà ses fruits. Defoort déclare également que « la Wallonie peut être l’Écosse de Belgique. L’Écosse qui veut se détacher de la Grande-Bretagne. »

La semaine dernière, le président actuel du VVB, Bart De Valck, s’est également servi de la métaphore écossaise, mais dans le sens inverse. Il a ainsi déclaré au sujet de l’autonomie flamande : « Le VVB a l’intention de réfléchir à l’avenir, à l’instar de l’Écosse. » Pour lui la Flandre doit provoquer le déchirement au lieu d’attendre que les politiques du sud du pays en viennent à le réclamer.

« À l’époque, la N-VA a reproché une stratégie de pourrissement au Vlaams Belang, mais maintenant Bart De Wever fait la même chose. Attendre que l’autre perde la face, c’est paresseux. Il faut adopter un profil clair et le dévoiler », fulmine De Valck.

Livre blanc flamand

Entre-temps, la N-VA fait tout pour apaiser les tensions. À cet égard, la nomination des nationalistes pur-sang Sander Loones et Matthias Diependaele à la tête du centre d’études Objectief V est un coup stratégique qui prouve que De Wever souhaite apaiser les esprits de la base flamingante. « Nous avons senti la main tendue du parti », déclare Bart De Valck. Le politologue Bart Maddens souligne les dangers de cette main tendue dans le quotidien De Standaard. « Le Mouvement doit rester en marge de l’arène politique. Il ne peut prendre parti dans le conflit politique. »

S’il n’en tenait qu’à Bart De Valck, les flamingants pourraient se montrer un peu plus actifs. Il souhaite ainsi réaliser un plan par étapes, un scénario qui mène à l’émancipation flamande. Ces derniers jours, Hendrik Vuye a d’ailleurs proposé de participer à un livre blanc. Il n’en attend pas moins de la N-VA et du centre Objectief V.

Pour Bauwens, les membres du Mouvement flamand devraient plutôt jouer le rôle d’un groupe de lobby. En focalisant sur les dossiers concrets, ils doivent donner les moyens aux partis flamingants de prêcher l’autonomie. Ainsi, il faudrait une étude sérieuse sur les fameux transferts. « Chaque fois, nous recevons d’autres chiffres, d’autres montants. Il est impossible de travailler ainsi. Il nous faut des études indépendantes et des chiffres clairs pour mettre ces transferts sur l’agenda politique. Un travail préparateur donc, qu’il vaut mieux réaliser dans l’ombre, car « le Mouvement n’aura de l’impact que s’il convainc des partenaires qui ne sont pas liés à la politique flamingante. »

La déchirure dont souffre la N-VA reflète un différend parmi les flamingants. Dirigé par De Valck, le VVB représente la tendance radicale, qui souhaite lutter pour une indépendance flamande sans équivoque, en traçant, au besoin, lui-même la voie. D’autres, comme Bauwens et Defoort, semblent plus attentistes et sont même prêts à participer à une partie de poker menteur où les francophones finiront par déclencher une révolution.

Si les membres du Mouvement flamand souhaitent un jour devenir demandeurs de rien, il faudra qu’ils sachent ce qu’ils veulent et comment ils comptent s’y prendre. Avant d’y arriver, ils semblent condamnés à siéger dans un mouvement divisé plutôt que dans un pays divisé.

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