Un pourcentage impressionnant de Turcs belges - 75 % - ont voté dimanche en faveur du renforcement des pouvoirs présidentiels alors que le "oui" l'a emporté à une courte majorité avec 51 %, dimanche. © AFP

De nombreux obstacles à la suppression de la double nationalité en Belgique

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

La bipatridie, ou le fait de posséder la double nationalité, a été remise en question ce week-end suite aux résultats du référendum sur le renforcement des pouvoirs de Recep Tayyip Ergodan organisé en Turquie.

Un pourcentage impressionnant de Turcs belges – 75 % – ont voté dimanche en faveur du renforcement des pouvoirs présidentiels alors que le « oui » l’a emporté à une courte majorité avec 51 %, dimanche (voir les résultats ailleurs dans le monde ci-dessous).

Dans ce contexte, le député CD&V Hendrik Bogaert a tweeté : « Plus de la moitié des Turcs ont voté en faveur d’un système autoritaire. Stop à la double nationalité maintenant. Choisissez svp. Intenable ». Le député voit dans ce choix un échec de l’intégration des Belgo-Turcs. Bart De Wever (N-VA) lui a emboîté le pas en déclarant vouloir ouvrir la discussion « au-delà des partis pour mettre fin à la double nationalité ».

Wouter Beke a réagi, de son côté, via l’agence Belga sur ce concept de double nationalité. Pour lui, « le choix d’une nouvelle nationalité est « un choix positif ». « Celui qui fait ce choix accepte également un certain nombre de conséquences. C’est un signe d’intégration et d’attachement à son pays, où l’on veut construire sa vie et participer à la société. »

Cependant, le président du CD&V, voit de nombreuses difficultés pratiques à la suppression de la double nationalité dans notre royaume. « Certains pays comme le Mexique, l’Argentine, le Maroc ou la Syrie ne permettent pas à leurs citoyens de renoncer à leur nationalité. Nous ne devons pas non plus oublier les nombreux Belges qui séjournent à l’étranger et qui ont également une double nationalité. Nous ne savons pas quelles seraient les conséquences pour eux. »

« Une idée liée à un temps de guerre »

La législation actuelle belge ne permet pas de supprimer facilement la double nationalité. Dans Le Soir, Bernadette Renauld, spécialiste belge du code de la nationalité et maître de conférences à l’université de Mons, fait remarquer: « C’est une vieille idée qui veut qu’on ne peut pas faire double allégeance, une idée liée à un temps de guerre, qui avait plutôt disparu. » Obliger les citoyens de choisir entre leurs « allégeances » est inapplicable selon elle dans l’état actuel du code des nationalités. La spécialiste prévient : « Le code prévoit bien des cas de déchéance ou de retrait, mais certainement pas pour le fait d’être allé voter. A l’avenir, le législateur belge pourrait décider de modifier le code des nationalités et forcer à renoncer à sa nationalité d’origine. Mais ce serait aller à rebours de l’évolution du code depuis le XIXe siècle. Et cela reviendrait à exclure des populations entières de l’accès à la nationalité puisque certains pays refusent que leurs ressortissants abandonnent leur nationalité au profit d’une autre. C’est notamment le cas du Maroc. »

Dans cette logique, la question pourrait alors aussi se poser pour les électeurs franco-belges suite aux résultats des élections présidentielles françaises. Pour Didier Reynders (MR), il faut prendre le temps de la réflexion, dans le calme. « De nombreux Belges possèdent une seconde nationalité, dont la Française par exemple. On ne pense pourtant pas rouvrir le débat sur la double nationalité en fonction des résultats des élections présidentielles », avance-t-il. De plus, le ministre des Affaires Etrangères est d’avis que le débat ne peut pas être lié au référendum turc. Pour lui, le débat est bien plus large et ne doit pas être ouvert à la suite d’une décision prise par une communauté bien précise. Quant au vote massif des Turcs de Belgique en faveur du ‘oui’, Didier Reynders ne se dit « pas surpris » : « On sait bien qu’il existe une majorité favorable au président Erdogan et à son parti l’AKP. Il ne faut pas considérer cela comme neuf. »

Le constitutionnaliste Christian Behrendt interrogé sur les ondes de la Première va dans le sens de Didier Reynders. Il rappelle que « réfléchir à la bipadridie, c’est réfléchir non seulement à la bipadridie belgo-turque. Mais c’est aussi réfléchir à la bipadridie en général et donc, belgo-française, belgo-italienne, etc. Tous les Belges doivent être traités de la même manière, c’est écrit dans notre constitution. » Il ajoute : « Il y a des Etats qui n’acceptent tout simplement pas l’abandon de leur nationalité. La Belgique n’est pas la seule partie, car il y a à chaque fois l’autre Etat. Et il y a une multitude de législations différentes qui ne concordent pas toujours avec la nôtre ».

Résultats du référendum turc dans le monde

Pays où le « oui » l’a emporté

Autriche: 73,2 %

Pays-Bas: 70,3 %

France: 65,2 %

Allemagne: 63 %

Pays où le « non » l’a emporté

Espagne: 86,7 %

USA: 82,9 %

Grande-Bretagne: 79,1 %

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